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Investissements étrangers : la France n'est pas vraiment première

Cocorico ! La France serait première pour les investissements étrangers, nous a dit le rapport EY pour Business France. Réjouissons-nous mais cette information est-elle la bonne ? D'après le baromètre annuel de l'attractivité de la France, ce sont 985 projets financés par des acteurs étrangers qui ont vu le jour sur le territoire français. C'est plus que le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui arrivent respectivement deuxième et troisième dans ce classement.

Lundi 5 juillet, cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, à voir en cliquant ici.

Sur le papier, cela semble parfait. Mais cela demande quelques investigations supplémentaires. Dans le trio de tête, c'est la France qui enregistre la plus forte baisse du nombre de projets d'investissements étrangers pour 2020 : - 18 %, contre - 12 % pour le Royaume-Uni et même seulement - 4 % pour l'Allemagne.

Ensuite, si l'on compte, non plus en nombre de projets mais en nombre d'emplois créés, la France se place non pas première mais en quatrième position avec 33.490 emplois créés, derrière l'Allemagne (44.640 emplois), l'Espagne (47.790) et le Royaume-Uni (59.457).

Enfin, si l'on regarde les chiffres de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le montant d'investissements directs étrangers (IDE) a chuté partout en 2020, jusqu'à atteindre son niveau le plus bas des vingt-cinq dernières années. Parmi les 27 Etats membres de l'Union européenne, 17 ont vu leurs IDE diminuer, dont la France (-47%) et l'Allemagne (-34%), tandis que 10, dont la Suède (+160 %) et l'Espagne (+52 %), ont vu leurs IDE augmenter au cours de l'année écoulée. Au total, ils auraient atteint 18 milliards de dollars en France, contre 20 milliards au Royaume-Uni et 36 milliards en Allemagne. Ainsi, selon la Cnuced, la France se place en huitième place pour les investissements étrangers.

Au-delà de cela, faire la balance en matière d'investissements directs étrangers est simple : ce sont deux lignes de la balance des paiements, un état comptable publié chaque mois par la Banque de France. Les deux lignes sont les « investissements étrangers en France » et « investissements français à l'étranger ». Le solde est intéressant à suivre pour véritablement caractériser l'attractivité de la France. En effet, si des firmes étrangères ouvrent des sites en France mais que les firmes françaises en ouvrent davantage à l'étranger, la France continue de se désindustrialiser.

Sur les vingt dernières années, les investissements directs en provenance de l'étranger en France se sont établis en moyenne à 21 milliards d'euros par an, soit près de 440 milliards d'euros d'investissements étrangers localisés en France au total. Sur ces mêmes vingt dernières années, les investissements français à l'étranger se sont élevés à 1.075 milliards d'euros et donc à une cinquantaine de milliards par an, soit un solde net négatif de 30 milliards par an.

Sur vingt ans, le solde net est donc largement négatif avec - 640 milliards d'euros. Une glissade qui a débuté dans les années 2000 mais qui a connu un léger regain à partir de 2012, grâce au Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), au pacte de responsabilité et de solidarité, et à la baisse de l'impôt sur les sociétés… S'il faut se féliciter que la France attire encore des projets d'investissements étrangers, ne nous berçons pas d'illusions, la France n'est pas (encore) le pays le plus attractif en Europe. Cela pose d'ailleurs une question de fond : pouvons-nous être vraiment attractifs sans être compétitifs ? Pour arriver à cet objectif que nous souhaitons tous, chiche, allégeons encore la fiscalité des entreprises et allégeons les réglementations !