Les tendances migratoires des millionnaires, la France devient un repoussoir en 2025

Le cabinet Henley & Partners vient de publier grâce aux données de New Word Wealth, son Henley private wealth migration report 2025. Une publication qui a l’avantage de ne considérer que les millionnaires en US $ dont la fortune comporte au moins 1 million de cash ou de patrimoine jugé « liquide ». Il s’agit bien entendu d’une approche assez hétérodoxe par rapport à l’approche traditionnelle se bornant à mesurer uniquement le patrimoine net (global ou financier) adopté par d’autres publications faisant autorité en la matière. Pour autant cette métrique permet de ne retenir que les foyers les plus aisés pouvant aisément se délocaliser. Ainsi, contrairement au recensement de la Banque suisse UBS, le nombre de millionnaires français est évalué par l’étude à seulement 490.800 contre 2,9 millions, soit un rapport de 1 à 6… tout simplement, car il s’agit de millionnaires dont la fortune est liquide donc délocalisable. Dans ce contexte, les migrations de millionnaires s’intensifient : d’après les prévisions de Henley Partners le niveau migratoire atteint en 2025 serait sans précédent récent (165 000 millionnaires) et la France deviendrait à son tour (tout comme le Royaume-Uni depuis 10 ans) un pays d’émigration de ses millionnaires (-800 millionnaires) en 2025, délocalisation d’une fortune cumulée de 4,4 milliards de $.
Une migration des millionnaires qui s’accélère au niveau global en 2025 :
Prise sur moyenne période, les mouvements migratoires des millionnaires (liquides) sont en augmentation significative :
Sources Henley & Partners, NWW, 2025.
Entre 2013 et 2026 (prévision) les millionnaires migrants augmenteraient de 224%, passant de 51.000 au niveau mondial à près de 165.000. L’effet reste important si l’on enjambe le Covid. Entre 2019 et 2025 (prévision), leur nombre au niveau mondial s’apprécierait de 29%.
Ces migrations pour certains pays sont également stables dans le temps. Ainsi le Royaume-Uni est depuis plus de 10 ans un territoire d’émigration. Cela commence avec le Brexit en 2015, et le phénomène se succède au gré des crises politiques et de l’arrivée de la gauche travailliste au pouvoir, en passant par l’épisode de la fuite des oligarques russes, etc. Le malheur pour le Royaume-Uni est que le phénomène tend à s’emballer à compter de 2023, et ne ferait que s’aggraver, le territoire britannique perdant en valeur absolue plus de millionnaires que la chine à compter de 2024.

Le même phénomène s’observe en Chine. Un grand nombre de millionnaires quitte le territoire depuis 2014. Néanmoins ce phénomène tend à s’inverser depuis 2024, à mesure que certaines positions industrielles se consolident et que la « mondialisation » de l’économie se ralentit.
Au contraire, les États-Unis et les Émirats arabes unis constituent des territoires d’immigration pour millionnaires (flux nets positifs) – que ces derniers y recherchent une stabilité politique et économique importante ou un cadre réglementaire et fiscal plus accommodant – une dynamique qui tend à se renforcer entre 2014 et 2025.
La France accuse un solde négatif de millionnaires en 2025 :
Bien que ces chiffres soient prévisionnels, en 2025, les flux migratoires de millionnaires (liquides) devraient concerner dans le monde près de 145.000 individus. Parmi ceux-ci le premier bénéficiaire serait constitué par les Émirats arabes unis (UEA) bénéficiant d’un solde net de 9.800 millionnaires représentant un flux de patrimoine net de 63 milliards de $ (soit un déplacement moyen de 6,4 millions $/individus). Les États-Unis arrivent en second avec +7.500 millionnaires représentant un patrimoine net agrégé de 43,7 milliards de $ (soit un déplacement moyen de 5,8 millions $/individu). A l’autre bout de la chaîne la France affiche une perte de 800 millionnaires pour un déplacement de capitaux de 4,4 milliards $ - soit une perte de patrimoine moyen/individu de 5,5 millions de $). La France est le 7e pays pour lequel le solde net négatif est le plus élevé. Les deux pays les plus importants étant le Royaume-Uni avec une perte de 16.500 millionnaires (pour un patrimoine de 91,8 milliards de $) et la Chine avec -7.800 millionnaires pour une sortie de patrimoine de 55,9 milliards de $.

Si maintenant on regarde la progression du nombre de millionnaires (liquides) sur 10 ans (2014-2024), la France présente une augmentation de ses effectifs de seulement 7%. Il s’agit d’une preuve de plus selon laquelle les millionnaires français sont d’abord des millionnaires immobiliers, donc non liquides. Leur fortune n’est pas délocalisable et ne produit que peu de cash… Aux deux bouts de la chaine, le Monténégro présente une augmentation de 124%, le Liban de -60%. Les États-Unis et la Chine de respectivement +78% et +74%... ce qui veut dire pour cette dernière que la croissance interne de ses fortunes reste beaucoup plus dynamique que sont l’émigration…

Petite comparaison statistique entre millionnaires en fortune nette et « millionnaires liquides » :
Si l’on compare les classements effectués par UBS et par Henley & Partners avec les éléments de NWW (New World Wealth), on constate que retenir comme critère la liquidité des actifs, aboutit à définir autrement qu’en simple patrimoine les millionnaires en US $. Pour les 10 pays possédant le plus de millionnaires, la répartition s’effectue comme suit :

La France qui était le 3e pays avec le plus de millionnaires en US $ (fortune nette) selon UBS en 2024 (GWR 2025), devient la 9e en retenant uniquement ce critère de liquidité de la fortune. Elle n’affiche plus 2,9 millions de millionnaires, mais seulement 490.800… soit 16,9% de l’ensemble initial. À cet égard les pays dont les fortunes des millionnaires sont les plus liquides sont la Suisse, l’Allemagne et le Japon avec respectivement 34,4%, 29,2% et 26,1% de millionnaires liquides par rapport à la totalité de leurs millionnaires. Cela permet de bien montrer que c’est avant tout le patrimoine immobilier en France qui constitue le principal actif de la très grande majorité des millionnaires. La Chine (continentale) arrive en dernière position, avec 13,1% de millionnaires liquides dans l’ensemble de ses millionnaires. Cela peut provenir du caractère « étatiste » du capitalisme chinois, qui rend les actifs des millionnaires peu exportables hors de Chine pour la très grande majorité d’entre eux, celle-ci étant d’abord formée de très petits entrepreneurs à succès (dépassant tout juste le million, mais pas en actifs liquides).
Cette moins bonne position des millionnaires « liquides » français se retrouve également lorsqu’avec les mêmes critères on identifie la population de « centi-millionnaires ». La France gagne simplement une place (8e), avec 0,129% de sa population de millionnaires qui atteint les 100 millions US$ et plus, contre au contraire 0,273% pour la Chine et 0,179% pour les USA, la Suisse étant troisième avec 0,171% en 2024.

Lorsque l’on regarde la population des milliardaires cette fois, la France ne gagne qu’une place et devient 7e avec 60 milliardaires (0,0122% de sa population de millionnaires liquides). Elle fait cependant mieux que la Suisse, l’Allemagne et le Japon respectivement. Le top 3 étant trusté par la Chine (0,0336% de milliardaires/millionnaires liquides avec 278 milliardaires), 0,0151% pour l’Italie (48 milliardaires) et les États-Unis avec (0,0144% de milliardaires suivant les mêmes critères, soit 867 milliardaires).

[1] Global Wealth Report 2025 https://www.ubs.com/global/en/wealthmanagement/insights/global-wealth-report.html