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Trop facile de faire payer le contribuable plutôt que le casseur

... La solidarité ne peut pas être à sens unique

Le coût des émeutes qui ont secoué notre pays début juillet devrait monter autour de 800 millions d’euros pour les assureurs (plus de 12 000 voitures, 1 000 commerces…). Des chiffrages loin d’être complets car ils ne prennent en compte que les dégâts pour le secteur privé, les entreprises et les particuliers mais quasi rien pour les bâtiments publics (273 bâtiments des forces de l’ordre, 105 mairies, 168 écoles…), pour lesquels les collectivités publiques sont très majoritairement en autoassurance. En effet, contrairement aux particuliers et aux entreprises, les collectivités locales n’ont pas l’obligation d’assurer leur patrimoine immobilier public et, malheureusement, très rares sont celles qui l’ont assuré. Un énorme risque financier alors que l’on peut évaluer le patrimoine immobilier local à plus de 1 200 milliards d’euros.

Très clairement, cela veut dire que l’Etat devra, aux côtés des assureurs, payer. D’une part via le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. D’autre part, par le biais du coût que vont représenter les procès de ceux qui ne seront pas bien indemnisés dans le privé pour faire jouerr la responsabilité civile de l’État, du coût de la rénovation des bâtiments publics et transports publics. Rien qu’en Île-de-France : 20 millions pour la dégradation des transports publics, une rame de tramway coûte en moyenne 5 millions d’euros. L’État va payer aussi pour les commerces, car Bercy a annoncé faire des annulations de charges pour les plus touchés.

Et c’est sans compter les dépenses déjà consacrées à la politique de la ville : environ 5 milliards de dépenses budgétaires pour l’État mais aussi 1,7 milliard de dépenses fiscales, 2,3 milliards de dotation de solidarité urbaine de l’État aux collectivités locales, 150 millions de dotation politique de la ville, 330 millions de fonds de solidarité aux communes d’Île-de-France et 200 millions de fonds européens, soit un total de 9,6 milliards en 2019. Pour 2023, ces montants atteignent 10 milliards d’euros. Il faut également y ajouter une partie du programme de rénovation urbaine pluriannuel non financé par l’État, soit 13 milliards d’ici 2030, composé notamment des prêts bonifiés et des subventions d’Action Logement (soit 187 millions par an).

On dépasse vraisemblablement les 150 milliards depuis les années 2000.

Et à chaque émeute, on reconstruit, comme si l’argent public était gratuit. C’est un peu trop facile de reconstruire en permanence en faisant payer le contribuable à la place des casseurs-pilleurs. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait Olivier Becht (actuel ministre délégué chargé du Commerce extérieur) il y a quinze ans. Maire d’une commune de 15 000 habitants, il avait appliqué avec succès la règle suivante : tout bien public dégradé ne serait plus ni réparé ni remplacé. Au bout de trois ans, les casseurs avaient participé à la rénovation de leur quartier en échange de l’abandon des poursuites judiciaires à leur encontre. Ce qui nous montre que le fil rouge pour sortir par le haut de cette période est de responsabiliser les casseurs et leurs familles, surtout s’ils sont mineurs, et de remettre pour tous le travail au cœur du modèle social français. Les casseurs, mineurs ou non, participeront-ils à la reconstruction ? Pour l’instant non mais symboliquement, cela aurait du sens et une solution serait d’allouer une partie de leurs allocations sociales ou de leurs salaires aux reconstructions. Au Royaume-Uni, les familles qui comportent des personnes (majeures ou mineures) ayant un comportement antisocial devraient se voir supprimer leurs aides sociales et passer dans un programme social avec moins d’aides, et avec obligation pour les parents d’être en démarche active de recherche d’emploi et une exigence de présence à l’école pour les enfants. En France, certaines villes comme Valence suppriment déjà leurs aides locales facultatives (chèque culture, bail d’habitation…) aux parents de mineurs délinquants qui n’acceptent pas les mesures éducatives.

C’est ce chemin qu’il faut suivre au niveau national car dans une société, la solidarité ne peut pas être à sens unique.

Car les émeutes nous rappellent qu’il ne suffit pas de réhabiliter des quartiers, de repeindre leurs bâtiments et de construire de nouvelles salles de sport : il faut que les habitants de quartiers prioritaires de la ville et leurs enfants que qui dit droit, dit devoir en face également. Notamment le devoir, vis-à-vis de la société, de chercher un emploi quand on ne travaille pas, ou aller étudier à l’école jusqu’à 16 ans et se former pour un métier… Il existe des familles au sein desquelles personne ne travaille depuis plusieurs générations… Résultat : dans les quartiers prioritaires de la ville, le taux de chômage est de 16,5 % pour les femmes et de 19,6 % pour les hommes (la moyenne nationale est de 7,1 %). Un habitant sur cinq y est bénéficiaire du RSA et un quart des ménages y perçoit des allocations chômage, soit 8 points de plus que dans les unités urbaines les contenant… Et 75 % des logements de ces quartiers sont des logements sociaux.