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Le grand débat doit poser la question du nombre d'élus

La fronde actuelle des gilets jaunes a conduit le président de la République à annoncer un grand débat dont Edouard Philippe a dessiné les contours en conseil des ministres : « Le gouvernement engage sur tout le territoire un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité et les services publics, l’évolution du débat démocratique et l’immigration, permettant à chaque Français de faire part de son témoignage, d’exprimer ses attentes et ses propositions de solutions ». Cette concertation  « doit se construire en prenant appui sur les territoires et les acteurs locaux, en particulier les maires, que le président de la République rencontrera dans les semaines à venir, région par région ».

Cinq thèmes ont été retenus :

  • Comment mieux accompagner les Français dans leur vie quotidienne pour se déplacer, se chauffer, isoler leur logement ?
  • Comment faire évoluer le lien entre impôts, dépenses et services publics pour mieux répondre aux besoins des Français ?
  • Comment faire évoluer l’organisation de l’Etat et des autres collectivités publiques pour les rendre plus proches des Français et plus efficaces ?
  • Que signifie être citoyen aujourd’hui ? Comment faire évoluer la pratique de la démocratie et de la citoyenneté ?
  • Quelles sont les attentes et les inquiétudes des Français relatives à l’immigration, dans un contexte de mondialisation et de laïcité parfois bousculée ?

Parmi ces thèmes, il en est un auquel la Fondation iFRAP a proposé de s’attaquer : l’organisation de l’Etat et des collectivités en posant clairement la question du nombre de strates et du nombre de mandats locaux comme un facteur d’efficacité démocratique. Dans notre étude Mandats politiques : passer de 645 000 à 114 000 élus, nous avions pointé la situation particulière de la France en comparaison des autres grands pays européens.

Nous avons souhaité préciser ces données en regardant département par département quel était le nombre d’élus. Les données sont disponibles en cliquant sur la carte ci-dessous :

- cliquez sur la carte pour la consulter en ligne

- vous pouvez faire une recherche par département en cliquant sur les balises ou en cliquant sur l'outil recherche à droite

- vous pouvez dézoomer pour faire apparaître les départements ultra-marins

Ces données collectées par la Fondation iFRAP représentent le nombre de mandats :

  • De députés
  • De sénateurs
  • De conseillers régionaux
  • De conseillers départementaux
  • De conseillers communautaires (EPCI)
  • De maires et conseillers municipaux

Les données pour les députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux proviennent d'informations directement observées, disponibles sur les sites internet concernés.

Les données pour les maires et conseillers municipaux ont été estimées à partir du nombre de communes par département classées par population, classement pour lequel il existe une nomenclature du nombre de conseillers municipaux prévus par la loi :

Au total, nos estimations sont un peu inférieures aux chiffres régulièrement cités sur ce sujet. Si maintenant, on représente la carte de France du nombre d’élus pour 1000 habitants, on obtient l’image suivante :

La cartographie ne permet pas de faire apparaître de façon lisible les résultats suivants :

  • Corse-du-Sud* : 11,86
  • Haute-Corse* : 17,95
  • Guadeloupe : 3,12
  • Martinique*: 2,94
  • Guyane*: 2,97
  • Réunion : 1,40

Les départements suivis d'un astérisque sont des collectivités territoriales uniques, c'est-à-dire que la région et les départements qui la composent ont fusionné. Ces expérimentations devraient être encouragées.

Les principales conclusions sont les suivantes :

Ce sont les conseillers municipaux qui font gonfler l’addition et ce sont les départements ruraux qui comptent le plus de communes. Ils comptent donc moins d’habitants et plus d’élus, raisons pour lesquelles ils affichent les scores les plus élevés. Sans remettre en cause le dévouement des personnes qui portent ces mandats, lesquels (pour les mandats locaux) sont, pour une grande part, assurés de façon bénévoleVoir notamment les élements sur les indemnités sur les documents suivants : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/regime-indemnitaire-des-elus et https://www.lagazettedescommunes.com/536459/ce-que-gagnent-vraiment-les-maires/, il est nécessaire de revenir sur cette organisation qui est source de nombreux doublons de compétences et de dépenses.

Même si les Français sont très attachés à leurs communes, ils sont aussi conscients des difficultés croissantes entrainées par la superposition des strates administratives et la multiplication des interventions à différents niveaux et les conséquences fiscales. L'augmentation observée du nombre de démissions de maires, notamment de petites communes, est aussi révélateur de cette difficulté à gérerhttps://www.lemonde.fr/politique/article/2018/08/25/ces-maires-qui-demissionnent-en-serie_5346101_823448.html. 

A lire aussi :

Le ministère de l'Intérieur vient de publier le Répertoire national des élus : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-du-repertoire-national-des-elus/ donnant l'origine socio-professionnelle des élus. On y apprend que les élus locaux sont nombreux à venir du secteur public.

La Fondation iFRAP s’est prononcée pour une réduction du nombre de mandats de la façon suivante :

  • Au niveau local

Fusion des communes de moins de 5.000 habi­tants dont l’objectif serait de rationaliser l’orga­nisation territoriale, de faire baisser drastique­ment le nombre d’élus (notamment en absor­bant les intercos dans les super-communes) et d’offrir une meilleure lisibilité aux citoyens avec en contrepartie une augmentation des indemnités des maires.

D’ici 2020, on tendrait donc vers 10.000 super-communes de 5.000 habitants au lieu des 36.000 communes que l’on compte actuel­lement. Cette refonte de la carte communale s’accompagnerait d’une suppression de l’éche­lon intercommunal. Les élus des super-communes resteraient des élus au suffrage direct, connus des habitants.

Voir la proposition de loi qui vient d'être déposée au Sénat : création des "commune-communauté"

Le nombre de conseillers municipaux attein­drait un peu plus de 100.000 (102.996 selon nos projections) variant de 10 à 20 conseillers selon la taille des communes, permettant de renforcer leur indemnisation. Notre proposi­tion est de doubler le barème des maires et de rémunérer les conseillers comme des adjoints.

Il faut également revoir l’organisation des régions : actuellement le très grand nombre de conseillers régionaux s’explique par une représentation en fonction du nombre de départements qui composent la région, eux-mêmes découpés en sections départemen­tales pour lesquelles il est prévu un nombre minimal d’élus, et ce, afin de mieux prendre en compte les territoires ruraux dans ces grandes régions.

Notre proposition est de supprimer les dépar­tements mais de retenir ce périmètre afin de déterminer le nombre d’élus régionaux. Il y aurait donc 5 conseillers par département.

Les fusions de communes ont été menées dans plusieurs pays européens avec succès
  • en Allemagne, le nombre de communes est passé de plus de 24 282 en 1968 à 11 000 environ pour 82 millions d’habitants, tandis que le nombre d’arrondissements a été presque divisé par deux. Les fusions de collectivités territoriales ont été effectuées sans nécessairement leur consentement. Le mouvement de réformes, qui varient selon les Länder, a été poursuivi jusqu’à aujourd’hui ; 
  • en Belgique, une réforme lancée en 1975 a permis de réduire le nombre de communes belges de 2 739 à 589 pour 11,1 millions d’habitants.
  • Au niveau parlementaire

La Fondation iFRAP propose de réduire le nombre de députés en passant à 350 et le nombre de sénateurs en passant à 150. Le nombre de députés européens restera inchan­gé 15. Les rémunérations ne seront pas modifiées.

Avec de telles réformes le nombre d’élus bais­sera substantiellement et ramènera la France dans un taux de représentation compris entre l’Allemagne et les États-Unis, soit environ un élu pour 600 habitants contre un élu pour 100 habitants actuellement. La révision des barèmes permettra de renforcer l’intérêt des missions électives sans amener les élus à cher­cher à multiplier les postes.

Même avec une révision importante comme celle que nous prévoyons, nous parviendrons à main­tenir le coût des mandats à un peu moins de 2 milliards d’euros contre un peu plus de 2,1 milliards actuellement, soit moins de 0,1 % de PIB. Mais cette réforme aura un impact important sur la lisibilité de l’action publique.