Ville de Paris : une dette totale colossale de 10,7 Mds€
Depuis 2020, les dépenses de la ville de Paris progressent rapidement. Le nombre d'agents continue d'augmenter alors même que la population est, elle, en baisse. Dans le même temps, le montant des impôts et taxes a progressé de 19 %, malgré une imposition locale plus faible qu’en 2020 (mais en hausse depuis 2021). Ces évolutions creusent encore davantage la dette totale de la ville, qui a atteint 10,7 Mds€ en 2024, soit 5 036 € par habitant, en hausse de 42 % depuis 2020. Avec un agent (équivalent temps plein) pour 45 habitants en 2022, Paris emploie largement plus de personnel que la ville de Lyon (un pour 66). Si Paris était alignée sur Lyon en termes de personnel (chiffres de 2022), la ville économiserait environ 780 M€ et emploierait 15 800 agents en moins.
Note : toutes les données correspondent à l’addition des montants du budget principal (BP) et des budgets annexes (BA). Les budgets annexes de la ville de Paris couvrent la gestion de l’eau, l’assainissement, l’aide sociale à l’enfance et la gestion de son parc automobile. |
Les dépenses réelles de fonctionnement
Entre 2020 et 2024, la dépense réelle de fonctionnement (DRF) par habitant a augmenté de 3046 € à 3606 €, soit une augmentation de 18 %. Cette hausse des dépenses de fonctionnement est même plus rapide que celle des recettes, qui ont pourtant fortement augmenté aussi. Les dépenses réelles de fonctionnement ont atteint 7,7 Mds€ en 2024.
Elles se divisent en quatre catégories : les charges de personnel, les dépenses de gestion, la péréquation et reversement fiscaux, et les charges financières. Les dépenses de gestion couvrent la sécurité, l’enseignement, la santé, les transports, l’environnement, etc.
Les dépenses de fonctionnement progressent de quasiment 250 M€ par an en moyenne entre 2020 et 2024, alors que la population de la ville de Paris est en baisse de presque 16 000 habitants chaque année sur la même période. Si les dépenses de fonctionnement ont effectivement été tirées par la crise énergétique, le coût des marchés de collecte des déchets ménagers et de nettoiement, la coupe du monde 2023 et les JO 2024, la CRC affirme tout de même que d'autres dépenses auraient pu être réduites en compensation. Le poste « publicité, publications et relations publiques » a par exemple augmenté de 71,4 % entre 2021 et 2024. Hors événements exceptionnels et renchérissement du prix de l’énergie, les dépenses ont tout de même progressé de 105 M€ entre 2021 et 2024.
Les frais de personnel
Les frais de personnel (PERSO), inclus dans la dépense de fonctionnement, augmentent au même rythme que la DRF en montant par habitant (18 %). Ces charges passent de 1 127 € à 1 325 € par Parisien. Au total, les frais de personnel ont atteint 2,8 Mds€ en 2024.
Ces dépenses importantes en frais de personnel s’expliquent par le nombre d’agents employés. La ville de Paris employait 52 984 agents en 2024, contre 51 680 en 2023, soit un agent pour 40 habitants. Ces chiffres sont difficilement comparables à ceux des autres grandes villes françaises puisque la ville et le département de Paris ont fusionné en 2019. Toutefois, les rapports sociaux uniques de la ville de Paris détaille qu'en 2018, la ville comptait 48 818,4 agents ETP et 1658,2 agents supplémentaires pour le département. Si l'on extrapole ces chiffres et qu'on considère que la part d'agents supplémentaires pour le département est restée stable, la ville comptait 50 402 agents ETP en 2024, soit un agent pour 42 habitants. En 2022, la ville de Paris employait un agent pour 45 habitants, contre un agent pour 66 habitants dans la municipalité de Lyon. Si Paris s'était alignée sur Lyon, elle aurait employé 15 800 agents en moins en 2022 et aurait économisé plus de 780 M€.
| Année | Nombre d'agents | Nombre d'habitants |
|---|---|---|
| 2020 | 52 551 | 2192485 |
| 2021 | 52 250 | 2182174 |
| 2022 | 51 553 | 2162598 |
| 2023 | 51 680 | 2149216 |
| 2024 | 52 984 | 2129257 |
| Evolution 2024/2020 | +433 | -63228 |
| +0,82% | -2,88% |
Les dépenses réelles d’investissement hors remboursement de la dette
Les dépenses d’investissement progressent aussi depuis 2020. Elles passent de 739 € à 891 € par habitant en 2024, soit une augmentation de 21 % sur la période. Les dépenses réelles d’investissement atteignent 1,9 Md€ en 2024.
Ces dépenses sont dirigées majoritairement vers l’aménagement des territoires et l’habitat (notamment le logement social) qui représentent quasiment la moitié des dépenses d’investissement. Le reste de l’investissement finance la culture, les transports, la santé, etc.
Les impôts et taxes
Pour financer toutes ces dépenses, la ville a choisi d’imposer davantage les Parisiens. Le montant des impôts et taxes par habitant a augmenté de 3 098 € à 3 701 € entre 2020 et 2024. Ce montant a donc progressé de 19 % sur la période. Les impôts et taxes représentaient 7,9 Mds€ en 2024.
Parmi ces impôts et taxes, les impôts locaux sont en baisse de 2 % depuis 2020. Le montant des impôts locaux par habitant est passé de 2 430 € à 2 392 € entre 2020 et 2024. En 2024, les impôts locaux représentaient 5,1 Mds€.
Paris est pourtant la grande ville française qui a connu la plus forte hausse de sa taxe foncière entre 2014 et 2024. Cette taxe a augmenté de 87,9 % sur la période. Cependant, malgré cette hausse, la ville de Paris reste l’une des villes où le taux de taxe foncière est le plus bas en France (21,2 % contre 40,7 % en moyenne dans les communes françaises en 2024).
La diminution des recettes des impôts locaux s’explique par la réduction de certains impôts locaux : suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, allègement de la CVAE, etc. La réduction des impôts locaux a été compensée par d’autres sources de financements, comme l’affectation d’une fraction de la TVA aux communes. C’est pour cette raison que les impôts et taxes par habitant continuent d’augmenter malgré la baisse des impôts locaux. On constate toutefois que les impôts locaux repartent à la hausse depuis 2021 (même s’ils restent à un niveau légèrement inférieur à 2020), du fait de la hausse de la taxe foncière notamment.
La dette totale
La Chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France évalue la dette totale de la Ville de Paris entre 9,3 Mds€ et 10,6 Mds€ selon les périmètres comptables retenus (engagements de trésorerie, loyers capitalisés, garanties). Ces montants ne correspondent qu’à la dette totale du BP. En ajoutant les budgets annexes, on peut estimer la dette totale à 10,7 Mds€ en 2024. La CRC évalue la capacité de désendettement à 39,6 ans, bien plus que dans les autres collectivités territoriales.
Entre 2021 et 2024, la ville de Paris aurait eu recours à 1,6 Md€ d’emprunt chaque année pour financer ses investissements. À cause de toutes les dépenses en hausse, l’épargne nette de Paris s’est dégradée, ce qui fait que la ville a dû recourir à la dette. La part des investissements payée par l’épargne s’est considérablement réduite.
Pour se rendre compte de l’importance de cette dette, on peut la comparer à celle de la ville de Madrid (environ 3,4 millions d’habitants). L’encours de la dette de Madrid au titre de l’encours long terme était de 1,9 Md€ en 2024, soit 559 € par habitant, contre 8,6 Mds€ pour Paris, soit 4 039 € par habitant.
Une gestion inefficace
La hausse constante des dépenses s'explique en grande partie par l’inefficacité de la dépense publique de la ville. La dépense publique n’est pas une solution en soi si elle n’est pas utile. D’abord, les agents employés par la ville de Paris bénéficient de régimes spécifiques pour travailler moins. La loi de transformation de la fonction publique de 2019 imposait aux communes de passer aux 1607 heures de travail par an dès 2022 pour mettre fin aux régimes dérogatoires. Pour contourner cette règle, la mairie avait introduit des mesures comme l’octroi de trois jours de congés supplémentaires pour tous les agents. Mais fin mars 2022, le tribunal administratif avait annulé ces dispositifs. La loi n’est pourtant toujours pas entièrement appliquée…La mairie a négocié des aménagements au cas par cas selon les filières pour ses agents. Tous les agents ne sont donc toujours pas passés aux 35h. La Cour des comptes estimait, avant la réforme, que les agents de la ville travaillaient en moyenne 1 552 heures par an, soit 33,7 heures par semaine. Ce constat est certainement toujours d’actualité dans certaines filières malgré la réforme. Grégory Canal, élu municipal du groupe d’opposition Changer Paris, estime que si « les services administratifs, soit environ 20 % des 54 000 employés de la mairie, sont bien passés aux 35 heures […] certains agents travaillent 34,5 heures, d’autres 33… ». Il ajoute qu’il est quasiment impossible de savoir précisément combien d’agents ont réellement suivi la réforme tellement il existe d’aménagements différents.
Outre ce problème du temps de travail légal, les absences des agents posent aussi question. En 2024, les agents ayant été absents au moins une fois l’ont été 1 377 314 jours ouvrés, soit 41 jours d’absence par agent en moyenne dans l’année ! La ville de Paris est aussi la seule qui compte les jours d’absence en jours ouvrés et non en jours calendaires. Pour avoir une approximation en jours calendaires, on peut multiplier les 41 jours ouvrés par 7/5, ce qui donne 57 jours calendaires d’absence dans l’année par agent en moyenne. En comparaison, les agents absents l’étaient en moyenne 36 jours en 2022 à Lyon.
Dans un communiqué de presse de 2024, la mairie de Paris critique cette méthode de calcul du nombre de jours d’absence par agent, arguant qu’il ne prend en compte que les agents ayant été absent au moins une fois. Pourtant, si on divise le nombre de jours ouvrés d’absence par le nombre total d’agents (52 984), on trouve tout de même une moyenne de jours ouvrés d’absence par agent de 26 jours par an ! En faisant une approximation de ces absences en jours calendaires, on arrive à 36 jours d’absence par agent en 2024, contre 31 à Lyon en 2022.