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ENA : une amélioration des comptes plus rapide que prévu

Sous l’impulsion de son directeur Patrick Gérard, les comptes de l’Ecole nationale d’administration lourdement obérés depuis 2013 jusqu’en 2017 (-2,842 millions d’euros) repassent clairement dans le vert (+1,024 millions d’euros en 2019) d’après le prévisionnel établi par l’Ecole dans son budget rectif 2019 n°2 adressé aux membres du conseil d’administration pour le 27 novembre 2019. Ce redressement spectaculaire provient de l’activation de plusieurs leviers qu’il nous faut analyser.

  • Tout d’abord des recettes qui baissent (38,691 millions d’euros attendus pour 2019 contre une exécution 2018 à hauteur de 39,434 millions d’euros), soit -743,1 K€ (-1,88%) ;
  • Ensuite des dépenses également en repli à 37,667 millions d’euros en 2019 contre 39,774 millions exécutés en 2018, soit -2,1 millions d’euros (-5,3%). Soit une contraction plus importante que le produit des recettes permettant ainsi de dégager l’excédent exposé plus haut.

Quel que soit le choix définitif sur la préfiguration de la future école supérieure de service public qui devrait être dévoilée par le rapport Thiriez en janvier 2020[1], tout porte à croire que les finances de l’ENA seront remises en ordre plus rapidement que ce que le solde du budget initial (-434 K€) ou du premier budget rectificatif (BR1, -131 K€) laissaient escompter[2].

Des recettes 2019 en baisse de -1,88% par rapport à 2018

Les recettes de l’ENA se ventilent entre recettes globalisées et recettes fléchées.

  • Les premières comprennent la subvention pour charges de service public versée par l’Etat qui s’élève à 30 millions d’euros, en baisse de 802,6 K€[3] par rapport à 2018, complétée par d’autres financements de l’Etat à hauteur de 27 K€. S’y ajoutent également les autres financements publics à hauteur de 1,289 million d’euros (hausse de 6,2% par rapport à 2018) ainsi que les recettes propres globalisées de l’Ecole, soit 4,058 millions d’euros (se ventilant entre recettes propres d’activité (2019) en repli de 367 K€ par rapport à 2018, et de recettes globalisées issues d’exercices antérieurs (-710,9 K€ par rapport à 2018).

S’agissant des recettes « globalisées », il apparaît que l’Etat continue de baisser en 2019 sa subvention pour charge de service public, tandis que les recettes propres se contractent ce qui permet de tenir compte des mesures autorisées par le décret n°2019-806 du 30 juillet 2019 quant à la réduction de la durée de scolarité et l’arrêté du 21 juin 2019 relatif au nombre de places de sortie des élèves.

  • Les recettes fléchées, sont en augmentation de 1,1 million d’euros par rapport à 2018 (soit 3,035 millions d’euros). Exclusivement à raison des recettes propres et spécifiquement des recettes propres d’activités de l’année (+1,1 million d’euros), les recettes issues d’exercices antérieurs baissant de 80,7 K€.

Tableau n°1 : recettes du budget rectificatif n°2 de l’ENA en 2019

 En euros

Compte financier 2018

BI 2019

BR n°1 2019

BR n°2 2019

Variation N-N-1

Variation N-N-1 en %

Recettes globalisées

37 504 332

34 987 880

35 386 739

35 655 885

-1 848 447

-4,9%

SCSP

31 083 959

30 281 382

30 281 382

30 281 382

-802 577

-2,6%

Autres financements de l'Etat

95 392

27 000

27 000

27 000

-68 392

-71,7%

Autres financements publics

1 213 797

1 285 560

1 288 344

1 289 124

75 327

6,2%

Recettes propres

5 111 183

 3 393 938

3 790 013

4 058 379

-1 052 804

-20,6%

Recettes propres d'activité

3 769 450

2 726 562

3 134 341

3 400 538

-368 912

-9,8%

Recettes globalisées issues d'exercices antérieurs

1 368 733

667 376

655 672

657 841

-710 892

-51,9%

Recettes fléchées

1 930 016

2 697 476

2 877 419

3 035 396

1 105 380

57,27%

Financements de l'Etat fléchés

20 000

48 000

48 000

62 967

42 967

214,8%

Recettes propres fléchées

1 910 016

2 649 476

2 829 419

2 972 429

1 062 413

55,6%

Recettes propres fléchées d'activité

1 337 079

2 009 595

2 200 759

2 480 270

1 143 191

85,5%

Recettes fléchées issues d'exercices antérieurs

572 937

639 881

628 660

492 159

-80 778

 

Total des recettes

39 434 348

37 685 356

38 264 158

38 691 281

-743 067

-1,88%

Sources : BR 2 (2019), p.2 et 5.

Les ressources propres de l’Ecole représentent près de 7,03 millions d’euros en 2019, en augmentation de 9,6 K€ par rapport à 2018. On peut en avoir une décomposition par financement grâce au tableau synthétique suivant :

Tableau n°2 : ventilation des recettes suivant leur destination en BR2 2019

 

Compte financier 2018

BI 2019

BR n°1 2019

BR n°2 2019

Variation N-N-1

Variation N-N-1 en %

Financements publics de l'ENA

32 413 149

31 641 942

31 644 726

31 660 473

-752 676

-2,3%

Recettes propres de l'ENA

7 021 199

6 043 414

6 619 432

7 030 808

9 609

0,1%

Ventilation :

 

 

 

 

 

 

Actions pédagogiques (I)

8 139 901

7 368 974

7 830 009

8 184 644

44 743

100%

Préparation aux concours de l'encadrement supérieur

325 254

214 060

217 602

234 882

-90 372

-27,8%

Formation des élèves de l'ENA en formation initiale

1 318 462

1 320 120

1 321 737

1 336 127

17 665

1,3%

Formations continues

3 527 531

3 105 821

3 309 224

3 292 160

-235 371

-6,7%

Recherches et publications

98 202

61 100

80 300

89 986

-8 216

-8,4%

Action internationale et européenne

2 870 452

2 667 873

2 901 146

3 231 489

361 037

12,6%

Part de financement public

1 118 702

1 325 560

1 210 577

1 153 836

35 134

3,1%

Fonction "support" (II) via SCSP stricte

30 294 151

30 316 382

30 430 724

30 506 171

212 020

0,7%

Autres postes (III)

1 000 296

0

3 425

466

-999 830

-100,0%

Sources : BR 2-2019, retraitement IFRAP novembre 2019

Les ressources propres financent l’extrême majorité des actions pédagogiques de l’école à 85,9% pour 2019[4]. On constate en particulier une baisse significative des recettes en provenance de la préparation aux concours de l’encadrement supérieur (-90,37 K€), ainsi que des formations continues (-235,4 K€). Le budget rectificatif ne se positionne pas par rapport à l’exercice 2018. Nous pouvons supposer qu’il pourrait y avoir une baisse des candidats aux concours (ce qui impacterait les droits finançant les préparations[5]), tout comme pour la formation continue des cadres dirigeants, à moins qu’il ne s’agisse d’un report comme pour « les formations sur mesure ou par le biais du catalogue » puisqu’il est précisé que « les recettes des formations sur mesure (…) diminuent de 88 K€[par rapport au 1er budget rectificatif de 2019], essentiellement du fait de report d’encaissement sur 2020. »

On aurait alors des effets de baisse de recettes (et symétriquement sans doute des effets de baisse de dépenses (voir infra)), liés à des reports d’opérations sur 2020, allégeant d’autant le budget pour 2019.

Il faut par ailleurs relever une forte hausse des ressources propres liées aux formations internationales et européennes (+361 K€) essentiellement dues à un plus grand volume d’achats de formations en provenance de la zone Afrique/Moyen-Orient (+93 K€ via une nouvelle action avec la RDC (République démocratique du Congo), de l’Egypte (réévaluation de +75 K€)) etc. Mais aussi en zone Amériques avec le Brésil (32 K€), Haïti (74 K€) et en Asie : 52 K€. Sur fond d’amélioration des encaissements.

Des dépenses en baisse de 5,3%

Les dépenses de l’ENA devraient se contracter fortement en 2019 avec une baisse de 2,106 millions d’euros, beaucoup plus rapidement encore que les recettes dont on a vu la contraction totale de 743,1 millions d’euros. Expliquant du même coup le solde excédentaire inattendu de cette année (+1,024 million d’euros).

Tableau n°3 : ventilation des dépenses de l’ENA par nature

Dépenses en crédits de paiements 2019

Compte financier 2018

BI 2019

BR n°1 2019

BR n°2 2019

Variation N-N-1

Variation N-N-1 en %

Dépenses de personnel

29 688 812

28 895 939

28 403 850

28 058 662

-1 630 150

-5,5%

Masse salariale hors CAS pension

23 552 938

22 923 931

22 533 543

22 259 696

-1 293 242

-5,5%

Contribution au CAS pension

6 135 874

5 972 008

5 870 307

5 798 966

-336 908

-5,5%

Elèves

8 702 121

8 413 121

8 324 192

8 269 808

-432 313

-5,0%

Stagiaires et boursiers

4 738 694

4 832 667

4 384 646

4 201 446

-537 248

-11,3%

Personnels permanents, non permanents

13 804 392

13 248 509

13 285 813

13 195 188

-609 204

-4,4%

Intervenants

2 443 604

2 401 642

2 409 199

2 391 621

-51 983

-2,1%

Fonctionnement

9 575 602

8 523 646

9 291 690

8 908 679

-666 923

-7,0%

Intervention

0

0

0

0

0

 

Investissement

509 891

700 000

700 000

700 000

190 109

37,3%

Total des dépenses (A)

39 774 305

28 895 939

38 395 540

37 667 341

-2 106 964

-5,3%

Total des recettes (B)

39 434 348

37 685 356

38 264 158

38 691 281

-743 067

-1,9%

Solde budgétaire (B)-(A)

-339 957

8 789 417

-131 382

1 023 940

1 363 897

-401,2%

Sources : BR 2-2019

  1. Les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel devraient baisser en 2019 de 1,63 million d’euros dont -1,293 million d’euros hors contribution employeur au CAS pension. Cette baisse est homogène entre la masse salariale des élèves rémunérés, les stagiaires et boursiers, les personnels permanents et non permanents ; oscillant entre -432,3 K€ et -609,2 K€. Elle s’explique par une baisse des plafonds d’emplois de -4 ETPT s’agissant des personnels, de -10 ETPT pour les élèves et les stagiaires, soit un total de -24 ETPT. La réduction de la durée de scolarité ainsi que la baisse de volume de l’enveloppe « élèves » explique la bonne maîtrise de la masse salariale « élèves ». Par ailleurs, la baisse de 537,25 K€ des « stagiaires », s’explique non seulement par le plafond d’emplois en réduction mais aussi pour 183 K€ par rapport au premier budget rectificatif pour 2019 par « des désistements de stagiaires internes admis. Seuls 80 préparationnaires au concours interne intègreront les cycles contre 86 admis initialement. »

S’agissant des personnels administratifs, l’économie est de -609,2 K€. Celle-ci est due à la réduction du plafond d’emplois, mais pas seulement. S’y ajoute une baisse de 90 K€ répartie entre 53 K€ pour les personnels permanents et 37 K€ pour les personnels non permanents. Cela se traduit en particulier par une baisse des personnels sous plafond de 16,78 ETPT soit 168,22 ETPT alors que le plafond d’emploi était fixé à 185 ETPT. « La trajectoire d’économies liées aux mesures de régulation des recrutements (gels et suppressions) initiées en 2018 est à ce jour maintenue (…) l’objectif de générer une économie nette de 556 K€ en 2019 est atteint. »

Enfin, pour 51,9 K€ de baisse en 2019 par rapport à 2018, l’enveloppe des vacations est maîtrisée, notamment via « une reprogrammation en fin d’exercice, induisant un décaissement en 2020. » Il s’agit d’une petite habileté comptable par décalage d’imputation entre comptabilité budgétaire (de caisse) et comptabilité générale (en droits constatés) pour optimiser le résultat final mais son volume en est réduit[6].

  1. Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement de l’ENA sont fortement contenues avec une baisse de 666,92 K€ en 2019 par rapport à l’année précédente. Elles représentent 8,9 millions d’euros. Ce niveau est cependant plus important que ce que prévoyait le budget initial 8,52 millions d’euros, de 400 K€ mais inférieur par rapport à sa prévision réalisée lors du premier budget rectificatif de -383 K€. Le « dérapage » par rapport au budget initial s’explique par des dépenses pédagogiques plus élevées qu’initialement budgétées (2,1 millions en BI contre 2,69 millions en BR1 et 3,016 en BR2 2019). L’explication est à mettre en parallèle avec le développement symétrique des ressources propres notamment en matière d’actions internationale et européenne. On relève une augmentation des dépenses de formation sur facture (+107 K€ par rapport au BR1), de soutien pédagogique (+217 K€ par rapport au BR1) et aux régularisations des subventions aux centres de préparation (+129 K€). En sens inverse, les dépenses de déplacements/hébergement sont en baisse de -349 K€ par rapport au précédent budget rectificatif tout comme les dépenses logistiques (-348 millions d’euros). Mais l’ensemble ne parvient pas toutefois à compenser l’augmentation des dépenses de formation.

  1. Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissement sont en hausse de 190,1 K€ par rapport à l’année précédente. Il s’agit de la mise en place des programmes de renouvellement du parc informatique et de l’aménagement d’espaces pédagogiques. Ces dépenses d’investissement réduites à l’essentiel devraient être dénouées dans les deux mois de la fin de l’exercice (novembre/décembre).

Tableau n°4 : présentation des dépenses de l’Ecole par destination

Destination des dépenses

Compte financier 2018

BI 2019

BR n°1 2019

BR n°2 2019

Variation N-N-1

Variation N-N-1 en %

Préparation aux concours

6 457 154

6 517 186

6 260 267

6 170 682

-286 472

-4,4%

Recrutement des élèves

1 011 492

953 539

957 498

948 315

-63 177

-6,2%

Formation initiale

13 129 622

12 678 379

12 728 371

12 520 975

-608 647

-4,6%

Formation continue

4 571 354

4 379 739

4 301 057

4 255 381

-315 973

-6,9%

Recherche et publications

574 803

590 639

630 609

608 424

33 621

5,8%

Actions internationales et européennes

4 556 565

3 265 371

3 571 551

3 485 985

-1 070 580

-23,5%

Support

9 473 315

9 734 732

9 946 187

9 677 579

204 264

2,2%

Total

39 774 304

38 119 585

38 395 540

37 667 340

-2 106 964

-5,3%

Source : ENA, BR2 2019, p.23 ; Fondation iFRAP novembre 2019

La présentation des dépenses par destination permet de mettre en évidence une baisse importante des dépenses en matière d’Actions internationales et européennes, de formation initiale, de préparation aux concours et de formation continue. La plus importante d’entre elles (-1,07 million d’euros en 2019 par rapport à 2018) est la catégorie actions internationales et européennes mais ce résultat est obtenu « principalement du fait d’un décalage des décaissements en 2020 de l’action avec la République démocratique du Congo, dont les recettes ont déjà été encaissées. » Cependant, cette explication reste limitée car les volumes en jeu sont modestes (-86 K€ en dépenses et +93 K€ en recettes). Les autres éléments sans doute publiés dans le cadre du BR1 ne sont pas communiqués.

Les seuls postes en augmentation toutes dépenses confondues sont les dépenses de support (dont investissement) et les dépenses de recherche et publications. Sur le premier volet (+204,3 K€ par rapport à 2018) « un certain nombre de projets (…) ont été temporairement mis en veille, dans l’attente de la redéfinition des besoins pédagogiques… » ce qui a pu juguler l’augmentation prévisionnelle. Cette prudence est de bon aloi en l’absence de cadre clair s’agissant de l’avenir de l’Ecole. S’agissant du poste « recherche et publications », la montée en puissance est modeste (+33,6 K€) mais les données ne permettent pas de conclure.

Conclusion

Les décisions récentes de la direction de l’ENA permettent d’assainir à vitesse rapide la situation financière de l’institution tout en réservant son évolution à venir. Le retour plus rapide qu’anticipé d’un excédent budgétaire de 1,023 million d’euros et d’un résultat patrimonial de +937 K€ est le résultat, certes, de certaines mesures de présentation comptables (accélération des encaissements de recettes et décalage sur l’exercice ultérieur des dépenses) mais ces dernières sont contenues dans des volumes modestes. A la vérité c’est la maîtrise des dépenses des personnels (étudiants, mais aussi agents de l'Ecole) et la sous-exécution des plafonds d’emplois qui permettent de faire baisser la dépense de manière pérenne, alors même que les recettes publiques (subventions pour charge de service public) sont en baisse.


[1] Sur le décalage de la remise du rapport sur la réforme de la Haute fonction publique, voir https://www.acteurspublics.fr/articles/la-remise-du-rapport-thiriez-sur-la-haute-fonction-publique-reportee-a-fin-janvier

[2] Et bien que la perspective d’un excédent de +130 millions d’euros n’était pas exclu courant août 2019, voir notre note d’actualisation du 30 août à ce sujet, https://www.ifrap.org/fonction-publique-et-administration/la-reforme-de-lena-dans-lexpectative

[3] Pour être tout à fait précis, la subvention pour charge de service public baisse de -424 K€, tandis que l’Etat procède à une « non reconduction de l’abondement spécifique accordé en 2018 » dont hors SCSP proprement dite, soit -366 K€.

[4] Le reliquat étant pris en charge par des financements publics.

[5] Voir le rapport pour avis de la sénatrice Catherine DI FOLCO (LR) sur le budget de la Fonction publique, dans le cadre de la discussion du PLF 2020, http://www.senat.fr/rap/a19-146-6/a19-146-61.pdf ainsi que l’article d’Acteurs publics sur le sujet, https://www.acteurspublics.fr/articles/les-propositions-du-senat-pour-renforcer-lattractivite-des-concours-de-la-fonction-publique

[6] Et le dispositif ne peut être reconductible tous les ans.