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La réforme de l’ENA dans l’expectative

Dans la plus grande incertitude face aux conclusions de la mission Thiriez (attendues pour novembre 2019) et la création d’une Ecole Supérieure unique du Service public, l’ENA poursuit ses réformes de structures. Elles sont donc nécessairement timides à ce stade et visent tout à la fois à donner plus de souplesse à l’institution tout en continuant de réduire la voilure financière afin d’apurer son déficit. C’est dans cette optique que sont parus pendant l’été un décret n°2019-806 du 30 juillet 2019 adaptant la composition de son conseil d’administration et réformant la direction de l’Ecole mais aussi la durée de la scolarité des élèves, ainsi qu’un arrêté en date du 21 juin 2019 réduisant le nombre d’emplois ouverts aux élèves de l’ENA achevant leur scolarité en décembre 2019.

La première image que donnent ces deux textes est celle de la recherche d’économies en conformité avec le plan financier stratégique proposé par Patrick Gérard, afin de rééquilibrer les comptes de l’institution. Il l’avait promis, l’objectif devrait être après la constatation d’un déficit de 2,842 millions en 2017 de le réduire à 339.957 euros en 2018 pour atteindre un excédent dès l’exécution 2019 autour des 130.000 euros.

Pour y parvenir, les leviers sont au nombre de trois : resserrer les postes administratifs, réduire le nombre des élèves payés pendant leur scolarité par l’établissement, enfin réduire la durée de ladite scolarité.

Le volontarisme de son directeur ne s’est pas fait attendre puisque près de 4 postes ont été supprimés en 2018 et que le décret 2019 supprime à son tour un poste de direction en « fusionnant » 3 postes en deux : le directeur de la formation devient directeur des enseignements et de la recherche (clin d’œil à l’entrée de docteurs à l’ENA (près de 300 candidats pour 3 places)) et le directeur des relations internationales absorbe celui des affaires européennes pour devenir « chef de la mission des projets et partenariats internationaux ».

Par ailleurs, le directeur avait proposé une baisse de la durée de la scolarité de 24 à 21 mois. C’est chose faite puisque le décret du 30 juillet précise en modifiant l’article 37 du décret 2015-1449 du 9 novembre 2015 que la durée de la scolarité « est comprise entre vingt et vingt-quatre mois » et non plus « dure vingt-quatre mois », tandis que « le règlement intérieur de l’école précise les modalités d’application du présent article, notamment la durée de la scolarité ». Cela devrait désormais laisser tout loisir à la direction de l’Ecole d’adapter discrétionnairement la durée de la scolarité, ce qui constitue un gisement important d’économie.

Enfin, troisième levier, faire baisser le volume des élèves fonctionnaires formés. Précisons toutefois que le nombre des postes offerts (arrêté du 21 juin 2019) est toujours supérieur à celui des élèves terminant leur scolarité (83 contre 80 pour 2019) dans la mesure où trois postes supplémentaires sont offerts de façon à laisser un choix à raison du classement de sortie même au "dernier de promotion". Les nombres de postes offerts constituent donc des marqueurs indirects du volume des promotions (à la marge d'offre près). On sait que le ministre de l’action et des comptes publics voulait revenir à un effectif de sortie proche de celui de l’année 2011 lorsque celui-ci n’excédait pas 80 personnes. C'est donc chose faite. Les postes ouverts aux sortants de décembre 2019 excédent cependant cet objectif de 3 élèves (83 au lieu de 80), mais représentent une baisse de 7 postes par rapport à 2018. Le gouvernement a choisi cependant par rapport à 2011 de faire peser une lourde part de la baisse de postes ouverts sur les grands corps de l’Etat (-4 postes). Les élèves de la « botte » voient les places offertes baisser de 3 postes, ainsi que l’IGA. Par ailleurs aucun poste à la Caisse des dépôts ne sera ouvert, mais cette caractéristique s’était déjà présentée en 2011 et en 2012. Si le gouvernement veut véritablement contingenter ses « promus » à 80 postes, il faudra « tailler » dans le vivier des administrateurs civils et réduire le volume des promotions de 3 postes (77) si l'on veut maintenir une pluralité de choix au dernier rang. Les ministères de la Justice, des Solidarités, du Travail et du Sport ou de l’Agriculture, voire de la Culture, pourraient être appelés à contribuer.

Les modifications sont donc de faible ampleur en apparence. Le management de l’école gagne en agilité, notamment s’agissant des partenariats internationaux. Or on sait qu’il s’agit tout à la fois d’une source de rayonnement pour l’ENA mais aussi de difficultés financières puisque les institutions tierces sont souvent mauvaises payeuses. L’Ecole s’assure donc de sa stabilisation financière sans aller au-delà car elle risquerait d’empiéter sur la réforme « en cours ». C’est d’ailleurs ce qui explique que le décret du 30 juillet 2019 a été amplement amputé par rapport à sa version originelle dans l’attente des conclusions de la mission Thiriez.

Source : Légifrance 2019.