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Absentéisme : les solutions pour économiser des milliards

Comme on pouvait s’y attendre, le projet de budget pour la Sécurité sociale cible les arrêts de travail avec deux articles (28 et 29) qui visent à limiter la durée d’indemnisation et de prescription des arrêts de travail pour maladie. Ces articles reprennent les analyses du rapport de la CNAM, à savoir une croissance des indemnités journalières depuis 2019 (+28%) qui représentent 10 Mds € pour les seuls arrêts maladie, 16 Mds € si on inclut les AT-MP et la maternité. A cela les 15 milliards d'euros que coûte l'absentéisme dans l'administration en auto-assurance (estimation IGAS). Les derniers chiffres publiés par le courtier WTW montrent que l'absentéisme dans le public se situe toujours un peu au-dessus des chiffres du privé : 6,1% contre 5,1%, dont 4,7% en maladie contre 4,2%. Dans les entreprises, la question de l'absentéisme conduit les responsables RH à mettre en œuvre une approche globale de suivi et de contrôle des absences, amélioration des conditions de travail, prévention et couverture par des complémentaires santé au titre de la prévoyance. Les administrations et en particulier les collectivités doivent elles aussi s'emparer de ce sujet, à commencer par un meilleur suivi et contrôle des absences. Pour la Fondation IFRAP, l'un des moyens d'y parvenir est de sortir de l'auto-assurance et de déléguer à la CNAM les déclarations et le contrôle des arrêts de travail, ainsi que les visites de reprises du travail.


 

Les données sur l’absentéisme montrent qu’il s’agit encore d’un sujet majeur aujourd’hui, qui pèse sur les comptes de l’assurance-maladie, de l’Etat et des collectivités locales qui sont – pour les prestations en espèces – en auto assurance. 

Les dernières données publiées par le cabinet WTW viennent confirmer cette tendance :

Tableau récapitulatif

Tx d’absentéisme maladie ordinaire public

4,7%

34 jours : nombre de jours moyen par arrêt

Prévalence 31,6%

Tx maladie privé

4,22%

Durée moyenne : 21 jours

Prévalence 57%

Tx d’abs. ATMP public :

1,4%

Durée : 84 jours en moyenne par arrêt

Prévalence 5,7%

Tx d'abs. ATMP privé :

0,88%

Durée : 71 jours en moyenne par arrêt

Prévalence 4%

Secteur privé 

Le cabinet WTW s’appuie sur un panel de 1952 sociétés observées, soit 431 981 salariés en 2024.

Le taux d’absentéisme se situe à 5,1%, en hausse de 3% par rapport à 2023 et de 34% par rapport à 2019. Ce chiffre regroupe les arrêts maladie et ATMP (respectivement 4,22% pour la maladie et 0,88% pour les ATMP).

La prévalence, c’est-à-dire la proportion de salariés s’arrêtant au moins une fois dans l’année est de 35%, en hausse de 13% depuis 2019[1].

La durée moyenne des arrêts[2] est de 24 jours, elle aussi en hausse de 14% depuis 2019. Cela s’explique par une montée des arrêts pour risques psycho-sociaux qui ont des durées d’arrêt plus longues.

La fréquence s’établit à 1,8, soit le nombre moyen d’arrêts par salarié ayant eu un arrêt dans l’année.

Si le PLFSS 2025 a introduit une mesure d’économies en abaissant le plafond de l’IJSS de 1,8 à 1,4 Smic, le coût s’est mécaniquement reporté sur les entreprises et les assureurs au titre de la prévoyance (respectivement une hausse de 8-14% pour les entreprises et de 4-6% pour les assureurs) et pourrait entrainer une hausse de cotisations dans le futur.

Dans le détail, on constate que les arrêts de courte durée sont les plus nombreux (59% sont des arrêts de moins de 7 jours), mais ce sont les arrêts de plus de 3 mois qui pèsent le plus dans l’absentéisme (57% du total en jours d'arrêt). Autre observation : la part des risques psycho-sociaux dans les arrêts longs est de 36%. De plus, les arrêts pour ATMP sont peu nombreux (6% du total des arrêts) mais pèsent pour 17% des jours d’absentéisme.

En termes de tranche d’âge, on constate que la prévalence est à peu près constante avec l’âge sauf pour les plus jeunes où elle est un peu moins élevée (30% contre 35-36% pour les autres tranches d’âge). Mais la fréquence est plus forte pour cette tranche d’âge : 1,9 arrêt par agent absent de 20-30 ans pour 1,64 pour les 50-60 ans et 1,61 pour les 60-70 ans. L’étude conclue que les 20-30 ans, l'absentéisme est plus fréquent mais court, souvent lié aux affections saisonnières et aux risques psycho-sociaux. En revanche, les plus âgés sont moins souvent absents mais les arrêts sont plus longs (45 jours par arrêt contre 11 jours pour les 20-30 ans).

Qu’en est-il pour le public ?

L’étude se penche sur les collectivités territoriales : son échantillon représente 10 000 collectivités soit 258 000 agents de la fonction publique territoriale en 2024. Elle porte également sur la maladie ordinaire et les ATMP.

Le taux d’absentéisme se situent à 6,1%. Il se décompose en 4,7% pour la maladie ordinaire et 1,4% pour les ATMP. Le taux d’absentéisme pour maladie ordinaire progresse de 0,2 point par rapport à 2023. La durée moyenne par agent est de 17,3 jours, mais la durée moyenne par agent ayant eu un arrêt est de 34 jours (en hausse de 2 jours par rapport à 2023). La prévalence est de 31,6% rien que pour la maladie ordinaire

En nombre d’arrêts, les arrêts de moins de 10 jours restent majoritaires avec respectivement 23% des arrêts entre 1 et 3 jours, et 31% des arrêts entre 4 et 10 jours. Mais les arrêts de plus de 30 jours représentent 82% des jours d’arrêts.

Par tranche d’âge, la durée et la fréquence des arrêts augmentent à mesure que les agents vieillissent : La fréquence est de 25% pour les agents de moins de 30 ans et la durée moyenne des arrêts est de 21 jours alors qu’elles sont respectivement de 66% et de 41 jours pour les agents de 50 ans et plus.

Le taux d’absentéisme augmente avec la taille de la collectivité mais, fait notable en 2024, il recule nettement pour les grandes collectivités, passant de 5,2% à 4,2%. Dans le détail, la fréquence des arrêts est faible dans les plus petites collectivités et plus fort dans les grandes. En revanche, la durée est bien supérieure dans les petites collectivités que dans les grandes. En effet, dans une petite collectivité, l’arrêt se fait fréquemment en ultime recours car l’absence d’un agent a plus de répercussion sur l’organisation du service que dans une grande collectivité.

Sur les seuls arrêts maladie ordinaire, le taux d’absentéisme est de 4,7% mais il varie selon les régions : 3,7% en Bourgogne-Franche-Comté, 3,9% dans les Hauts-de-France, 4% en Normandie. Tandis que l’on trouve des taux élevés en Bretagne (6,3%), Occitanie (5 ,3%), Nouvelle-Aquitaine (5,2%) et Pays de la Loire (5,2%). Ces chiffres ne sont pas directement comparables avec nos études publiées à l’automne 2023 sur les régions, départements et grandes villes. Ils semblent en tout cas montrer une dégradation dans plusieurs régions.

Du côté des ATMP, la durée moyenne par absence est de 84 jours. La durée et la prévalence augmentent fortement avec l’âge. La durée mais surtout la fréquence augmente avec la taille de la collectivité.

Conclusion

Le cabinet WTW a publié coup sur coup ces deux baromètres sur l’absentéisme. Dans le baromètre pour le privé, le cabinet insiste sur plusieurs éléments : l’absentéisme a un impact sur la productivité et influence le climat social et l’image de l’entreprise. Il entraine des coûts de maintien de salaire et prévoyance et de recrutement et remplacement. Le cabinet fait sa propre évaluation d'un coût global de l'absentéisme pour les entreprises de 120 milliards € par an.

Les administrations publiques étant en auto assurance pour les indemnités journalières maladie (et invalidité), la connaissance des coûts de l’absentéisme est plus difficile. 

Depuis 2019, le phénomène de l’absentéisme s’est enraciné dans la population active. Selon un rapport de l’IGF publié en septembre 2024, l’absentéisme dans l’administration coûte 15 Mds € et représente entre 300 et 350 000 ETP. A l’heure où le gouvernement cherche des économies, il est urgent de mesurer l’absentéisme, d’identifier les principales caractéristiques à l’œuvre pour le faire reculer.

  • Information

Il est nécessaire de revoir les systèmes d’information au sein de la fonction publique pour améliorer la connaissance des arrêts de travail :

  1. Déléguer à la CNAM le suivi des arrêts maladie des fonctionnaires : Supprimer l’auto-assurance des employeurs publics et faire basculer les agents sur la Sécurité sociale pour leurs arrêts maladie
  2. Télétransmission des avis d’arrêts de travail pour les fonctionnaires et respect des 48h pour déclarer un arrêt
  3. Contrôle des arrêts de travail (contre visites)

 

  • Indemnisation

Pour prévenir l'augmentation des arrêts courts, prévoir un décalage de la prise en charge (comme ce qui est prévu par la CCN des banques) : indemnisation s'effectue après 1 jour de carence pour les 1er et 2e arrêt et dès le 4e jour d'absence pour les arrêts suivants. Pour les absences résultant d'accident de travail, de trajet ou de maladie professionnelle, le salaire est maintenu dès le 1er jour d'absence dans tous les cas.

Pour les arrêts longs, il existe plusieurs facteurs qui expliquent la durée avant la reprise du travail : d'abord, le délai d’examen des instances médicales prévues obligatoirement avant la reprise du travail. Ces commissions médicales sont particulièrement engorgées et une délégation à la CNAM pourrait être utile pour accélérer la reprise du travail. L'autre souci c'est la rigidité du statut et la possibilité de reclassement dans d'autres filières d'emploi. Les agents peuvent être aussi moins enclin à changer de filières en raison de la perte de primes liées aux filières techniques.


[1] L’étude ne fait pas de distinction sauf mention contraire entre maladie et ATMP

[2] Attention cet indicateur est différente la durée moyenne d’absence par agent