Combien la France compte d'effectifs publics en plus par rapport à la moyenne européenne ?

Comment les effectifs d’agents publics évoluent en Europe et comment la France se comporte-t-elle comparativement à ses voisins en matière d’emploi public ? Il n’est pas simple de répondre à cette question dans la mesure où des statistiques longues en la matière sont peu abondantes et surtout non exhaustives. Il apparaît cependant qu’entre 2019 et 2021, la France a plutôt fait croître modérément ses emplois publics par rapport aux autres pays de l’UE, avec une part de l’emploi public passant de 21,31 % à 21,13 % de l’emploi total. Cependant, le niveau de l’emploi en France est tel qu’en 2021, le faire baisser au niveau de l’Allemagne supposerait de supprimer près de 1,8 million d’agents publics. Si maintenant la France avait le même nombre de fonctionnaire que la moyenne de notre échantillon européen hors France (UE 22+2), elle présenterait une population d'agents publics inférieure de 1,41 million par rapport à la situation actuelle. Pour aller plus loin, en réalisant un retraitement du différentiel de population en emploi (ce qui revient à tenir compte du taux d'activité), la France aurait des effectifs en baisse de 933.000 agents.
Une mesure de l’emploi public indirect – la France 7e en Europe :
Il n’existe pas malheureusement de données régulièrement mises à jour d’Eurostat sur l’emploi public dans les différents pays de l’Union européenne. On dispose cependant d’indicateurs indirects comme la part de l’emploi public au sein de l’emploi total. Dans un document de travail récent financé par l’Union européenne et réalisé par l’OCDE[1], il est cependant possible d’y voir un peu plus clair. Il peut être également complété par les bases de données de l’OIT, mais celles-ci ne sont pas complètes loin s’en faut. Nous avons donc procédé de manière indirecte à partir des données livrées tous les deux ans par la publication de l’OCDE « government at a glance ». Il est alors non seulement possible d’effectuer des comparaisons pertinentes entre pays, mais aussi d’isoler la part des écarts provenant de la structure de l’emploi (population active plus importante par exemple, etc.) au sein de la population totale, et la part relevant de choix politiques (nombre anormalement élevé d’emploi public, effet de périmètre des activités considérées comme publics, etc.).

La France apparaît comme le 7e pays disposant de la plus forte proportion d’employés dans le secteur public au sein de l’emploi total. Elle affichait une proportion d’emplois publics de 21,31% de l’emploi total en 2019 contre 21,13% de l’emploi total en 2021. Sur la période, la France est en outre le seul pays européen examiné derrière la Pologne à afficher un taux d’agents publics en recul par rapport à l’emploi du secteur privé, soit -0,19 point contre -0,4 point pour Varsovie.

Un niveau cependant inédit d’agents publics par rapport à ses principaux voisins :
Ce qui frappe cependant pour la France, c’est la très forte proportion en valeur absolue du nombre de ses agents par rapport au reste de l’Europe. Hors UK, cette proportion atteint les 17,6% en 2021 contre 18% en 2019, soit un léger repli de 0,4 point. Ainsi sans tenir compte de la taille des populations, la France affiche 5,65 millions d’emplois publics en 2021 contre 4,34 pour l’Allemagne, soit 30% de plus alors même que la taille de leurs populations administrées est 18,5% plus faible : 83,2 millions d’habitants en 2021 pour l’Allemagne contre 67,84 millions pour la France.

Cette situation est due à des effets de périmètre des administrations publiques différents entre les deux pays : une part d’importance de l’Éducation et de la Santé n’est pas classifiée au sein des APU en Allemagne contrairement à la France. Idem pour les dépenses de retraites pour le compartiment par capitalisation – ce que l’on constate aussi en France où l’ERAFP a été reclassé par l’INSEE l’année dernière au sein des sociétés financières – ce qui a nécessairement une incidence sur les effectifs « publics ».
Et si la France s’alignait sur l’Allemagne ou le reste de l’Europe ? :
Si maintenant la France est comparée aux autres pays européens identifiés dans notre échantillon OCDE (hors UK), soit 22 autres pays de l’UE + Suisse et Norvège, les effets de structure (niveau d’emploi dans la population totale) et les effets de périmètres ou de choix politiques seraient les suivants :

Entre 2019 et 2021, le nombre d’agents travaillant dans le secteur public (ci appelés dans le tableau « fonctionnaires » au sens large) augmenterait toutes APU confondues de 3.000 agents environ.
Nous avons dans les tableaux ci-dessus tenté de partir d'un niveau pro forma - et si notre pays avait le même taux d'emplois publics dans l'emploi total que les pays de comparaison (ici l'Allemagne et la moyenne de notre panel européen avec et hors France), puis ajusté cet écart en le décomposant entre les écarts absolus irréductibles et les écarts liés au différentiel de taux d'emploi au sein de la population (ce qui revient à prendre en compte l'impact de la population active). Les résultats sont les suivants:
Si la France avait le même nombre de fonctionnaires que l'Allemagne - toutes choses égales par ailleurs - elle emploierait 2,7 millions d'agents publics en moins. Si l'on neutralise l'effet de la moindre population active par rapport à son voisin d'Outre-Rhin, cela enlève à cet écart initial près de 885.000 agents.
En adoptant la perspective la plus restrictive: Si la France avait le même nombre de fonctionnaires que sa voisine l’Allemagne, elle aurait 1,79 million d’agents publics en moins en 2021, compte tenu du différentiel de population en emploi entre les deux pays.
Si maintenant la France avait le même nombre de fonctionnaires que la moyenne de notre échantillon européen (France incluse, soit UE 23+2) dont la France aurait en 2021 des effectifs plus faibles de 1,2 millions d'agents publics. Mais si l'on retraite ce résultat pour en déduire les effets du moindre taux d'activité en France (cela retrancherait à ce premier résultat près de 410.000 agents publics). En conséquence la France aurait des effectifs d’agents publics plus faibles de 804.000 agents en 2021.
Enfin si maintenant la France avait le même nombre de fonctionnaire que la moyenne de notre échantillon européen hors France (UE 22+2), elle présenterait une population d'agents publics inférieure de 1,41 million par rapport à la situation actuelle. Mais là encore en réalisant un retraitement du différentiel de population en emploi (ce qui revient à tenir compte du taux d'activité), la France aurait des effectifs en baisse de 933.000 agents par rapport à la situation actuelle.
D’une façon générale en 3 ans, les écarts se rétrécissent d’environ 100.000 à 130.000 agents entre la France et ses principaux voisins en pro forma après retraitements. Cela montre que les autres pays tentent à augmenter le nombre de leurs agents publics plus rapidement que la France sur la période. Cela ne préjuge en rien de la séquence suivante : 2021-2023 pour laquelle nous n’avons pas encore d’informations comparées disponibles. La mise à jour devrait intervenir lorsque Government at glance 2025 de l’OCDE paraîtra, plus tard dans l’année.
[1] A. Lupi, N. Handlos Thomassen, N. Nolan Flecha, Size and composition of public employment: data, sources, methods and gaps, Working Paper n°76, 2024.
[2] Voir OCDE, Government at a glance, 2023, https://www.oecd.org/en/publications/government-at-a-glance-2023_3d5c5d31-en.html