Actualité

Achats publics : un potentiel de réforme important

Les rencontres annuelles des achats de l’Etat, qui ont eu lieu à Bercy le 15 décembre 2025, ont été l’occasion pour les ministres présents (Roland Lescure, ministre de l’Economie et des finances, David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l’Etat et Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique) de fixer 5 orientations structurantes pour les achats de l’Etat et de ses établissements publics : (i) simplifier les procédures (côté acheteurs publics et fournisseurs), (ii) ancrer une politique d’achats responsables, (iii) rendre l’activité de l’UGAP et sa performance plus transparente, (iv) renforcer notre souveraineté (orienter les achats vers les entreprises françaises et européennes), (v) mieux piloter la politique de la commande publique. Sur l’ensemble de ces sujets, des parangonnages pertinents avec des pratiques étrangères existent. Par ailleurs, un usage intelligent de dispositifs déjà existants moyennant des développements complémentaires et des extensions pourraient permettre d’y parvenir « sans réinventer la roue » (frugalité/agilité).

Etat général de la commande publique en France : 400 Md€ selon l’UE

La commande publique en France, sur le seul fondement des contrats d’un montant supérieur ou égal à 90 000 euros HT, a représenté d’après l’observatoire économique de la commande publique (recensement 2023, décembre 2024), près de 170,7 Md€ en 2023, contre seulement 111,4 Md€ en 2020 soit une croissance de 53,2 % en 4 ans.

 

Etat et secteur hospitalier nombre

Etat et secteur hospitalier montant (M€)

Collectivités territoriales nombre

Collectivités territoriales montant (M€)

Autres nombre

Autres Montant (M€)

Total nombre

Total montant (M€)

2020

24 139

35 276

115 865

41 611

29 056

34 512

169 060

111 399

2021

20 988

48 673

126 110

47 808

38 668

55 312

185 766

151 793

2022

17 615

43 160

179 932

66 064

38 082

51 043

235 629

160 267

2023

19 545

51 112

194 993

73 385

29 193

46 161

243 731

170 658

Var 23-20

-19,0%

44,9%

68,3%

76,4%

0,5%

33,8%

44,2%

53,2%

Source : OECP (décembre 2024[1]).

La segmentation par niveau d’administration montre que l’ensemble de la commande publique déclarée à l’observatoire est d’abord portée par les achats des collectivités territoriales (+76,4 % en montant), tandis que celle émise par l’Etat et le secteur hospitalier croît de 44,9 % en montant, et que les autres acheteurs publics (entreprises publiques et opérateurs de réseaux) voient leurs commandes évoluer de +33,8 % sur la période. Comme le relève par ailleurs le Sénat dans une récente commission d’enquête[2], la Cour des comptes européenne évalue même le poids de la commande publique dans l’économie française à près de 14 % du PIB, soit près de 400 Md€[3].

Le Sénat relève par ailleurs que les centrales d’achat représentent désormais une part importante de cette même commande publique. Ainsi l’UGAP (Union des groupements d’achats publics) représente à elle seule près de 3 % des marchés publics français (5,9 Md€ en 2024). 

Le volume de la commande publique est donc à la fois très important et mal connu. Il n’existe pas à l’heure actuelle de recueil général permettant de consolider l’ensemble des commandes publiques réalisées et de les ventiler par acheteur ou par produit. Cela rend l’exercice de transparence sur les coûts d’autant plus important, et nécessaire de simplifier les procédures dans un but d’inclusivité des plus petites entreprises. 

En effet, les PME captent 27,2 % du montant total des marchés. Les collectivités achètent davantage auprès d’elles (36 % de leurs marchés en valeur) que l’Etat (18 %). Les Start-ups ont un accès limité à la commande publique avec seulement 1 % des achats publics en valeur (1,75 Md€ en 2022). 

Ajoutons que les questions de souveraineté sont très présentes notamment s’agissant des prestations en matière numérique : 80 % des dépenses de l'État en matière de cloud et logiciels sont effectuées auprès de fournisseurs américains. Amazon, Google et Microsoft concentrent 71 % du marché français du cloud. 

Enfin sur un plan environnemental, seuls 15 % des services de restauration se conformaient (loi Egalim) en 2023 à l’obligation de 50 % d’achats de produits durables. Par ailleurs les clauses environnementales ne représentaient que 29,1 % des contrats globaux en 2023. 

Pour satisfaire à ces exigences de fluidification des marchés publics, de souveraineté et de contrôle citoyen des montants facturés (transparence), des exemples européens bien choisis existent en sus des réformes déjà en cours sur notre territoire.

Des réformes des achats publics qui convergent entre la France et les autres pays de l’UE

En reprenant les axes annoncés par les trois ministres :

  1. Simplification des procédures

Les pays européens comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont introduit des seuils relevés pour les achats sans mise en concurrence, similaires à la mesure française, réduisant les formalités pour les acheteurs et fournisseurs. En Allemagne, des plateformes numériques centralisées comme "e-Vergabe" appliquent le principe "Dites-le nous une fois", préfigurant l'outil "Passe Marché" en France pour fluidifier les candidatures. L'Espagne utilise des accords-cadres dynamiques pour accélérer les attributions, limitant les appels d'offres répétitifs. ​

  1. Achats responsables

La France mène la danse avec son Plan national pour des achats durables (PNAD 2022-2025), visant 100 % des contrats avec une clause environnementale d'ici 2026[4], une obligation reprise en Belgique et en Suède via des schémas SPASER locaux. Les Pays-Bas intègrent systématiquement des critères sociaux et écologiques dans 80 % de leurs marchés, avec des outils d'auto-évaluation partagés au niveau UE. En Italie, les trophées annuels pour initiatives durables, inspirés du PNAD, mobilisent les réseaux d'acheteurs. [5]

  1. Transparence UGAP et performance

Bien que spécifique à la France, l'UGAP s'inspire du modèle suédois de groupements d'achats publics (comme Kommers Annons) qui publient mensuellement des rapports de performance et mécanismes de révision des prix[6]. Au Danemark, des tableaux de bord publics en temps réel sur les économies réalisées par les centrales d'achats renforcent la transparence, une piste pour l'UGAP. L'Allemagne impose des audits annuels indépendants pour ses entités similaires, garantissant l'accès égal pour tous les acheteurs publics[7].

  1. Renforcement de la souveraineté

La révision des directives UE en 2026, impulsée par la France, vise une "préférence européenne" pour contrer les USA et la Chine, avec des clauses cybersécurité obligatoires comme en Estonie pour les achats numériques. L'Allemagne et l'Italie priorisent les fournisseurs locaux via des pondérations géographiques dans les critères d'attribution, protégeant l'industrie européenne. Les Pays-Bas exigent des certifications "Made in EU" pour 40 % des marchés stratégiques, aligné sur la doctrine française actualisée.​

  1. Pilotage de la commande publique

La transformation de l'OECP (Observatoire économique de l’achat public) en Conseil national qui pourrait avoir lieu en France s'apparenterait au modèle néerlandais de "National Public Procurement Council", qui associe État et collectivités pour un pilotage stratégique partagé. En Suède, des observatoires régionaux avec indicateurs quantitatifs (environnementaux et sociaux) animent les politiques, comme proposé dans le PNAD. Le Royaume-Uni utilise des dashboards data-driven pour un suivi en temps réel, une innovation adaptable au contexte français. 

S’inspirer des meilleures pratiques européennes permettrait d’aller plus loin

Les pratiques analysées proviennent principalement de pays européens leaders en la matière (Estonie, Royaume-Uni, Norvège, Pays-Bas, Italie, Finlande, Danemark, Suède), avec des références à des standards OCDE et UE. Elles démontrent que des réformes ciblées génèrent des gains d'efficacité, de durabilité et de confiance publique.

  1. Simplification des procédures

La complexité administrative freine l'accès des PME. Des modèles numériques et standardisés réduisent les charges.

  • Estonie : Principe "Once-Only" via X-Road
    Les entreprises fournissent documents administratifs une seule fois ; les acheteurs les récupèrent via registres interconnectés. Avantages : Réduction drastique du temps de réponse aux appels d'offres (jusqu'à 90 % d'utilisation des services e-gouvernement), charge administrative minimale pour PME, transparence accrue et contrôle des données par les citoyens/entreprises.

  • Royaume-Uni : Playbooks commerciaux
    Des guides opérationnels standardisent le processus de décision et les modèles de contrats. Avantages : Sécurité juridique pour les acheteurs, lecture simplifiée pour les fournisseurs, cohérence contractuelle inter-marchés, réduction des risques et facilitation pour les PME.

Autres pratiques inspirantes : 

  • L'Allemagne ("e-Vergabe") et les Pays-Bas (seuils relevés pour achats sans concurrence) appliquent des principes similaires, fluidifiant les candidatures.

  1. Achats responsables et durables

Passer à des critères contraignants favorise l'innovation verte et sociale.

  • Norvège : Règle des 30 % critères environnementaux
    Depuis 2024, les critères climatiques pèsent au minimum 30 % dans la notation des offres (pour la plupart des marchés). Avantages : Innovation forcée chez fournisseurs, solutions durables plus compétitives, alignement sur les objectifs climatiques nationaux.

  • Pays-Bas : Coût du Cycle de Vie (LCC)
    Intégration systématique des coûts environnementaux (CO₂, recyclage) sur toute la vie du produit. Avantages : Solutions durables économiquement avantageuses, réduction des impacts à long terme, outils comme CO₂ Performance Ladder qui incitent à l'innovation verte.

Autres pratiques : 

  • Suède : Stratégie nationale qui intègre des critères sociaux (conditions de travail équitables) et environnementaux, avec outils EKU pour exigences écologiques dans 20 groupes de produits.

 

  1. Transparence des centrales d'achat

La publication détaillée de performances renforce la légitimité.

  • Italie : Consip
    Rapports détaillés avec benchmarks comparant prix centraux et prix du marché libre. Avantages : Justification de la centralisation, économies démontrées, confiance accrue des acheteurs locaux.

  • Finlande : Hansel et Tutkihankintoja.fi
    Portail de "transparence radicale" qui visualise les factures, prix unitaires et économies réalisées. Avantages : Contrôle citoyen/fournisseurs, détection d'anomalies, renforcement de la légitimité de la centrale.

Autres pratiques : 

  • Danemark : Tableaux de bord publics en temps réel sur économies des centrales, audits indépendants.

 

  1. Renforcement de la souveraineté

Outils UE et critères résilients qui protègent les écosystèmes locaux.

  • Instrument relatif aux marchés publics internationaux (IPI) de l'UE
    Depuis 2022, il restreint l'accès pour les pays tiers sans réciprocité (ex. : enquête sur les dispositifs médicaux chinois en 2024). Avantages : Réciprocité assurée, protection des industries européennes critiques (santé, numérique, défense).

  • Clauses de résilience (Italie, Pologne, Allemagne)
    Critères "sécurité d'approvisionnement" ou "proximité technique" dans les secteurs sensibles. Avantages : Favorise les écosystèmes locaux sans discrimination nationale (conforme UE), résilience en crise.

  1. Pilotage et professionnalisation

Données et formation centralisées optimisent les dépenses.

  • Royaume-Uni : Government Commercial Function (GCF)
    Filière métier centralisée avec des accréditations communes et des outils d'analyse partagés. Avantages : Pilotage par catégories (cloud, énergie), professionnalisation, économies globales.

  • Lituanie : Analyse de données
    Algorithmes qui détectent les anomalies de prix et les risques de collusion en temps réel. Avantages : Prévention de la fraude, optimisation des dépenses.

Autres pratiques : 

  • Danemark/Suède : Observatoires et dashboards data-driven pour suivi en temps réel.

Synthèse en tableau

ThématiquePays/Exemple principalPratique cléAvantages concrets
SimplificationEstoniePrincipe "Once-Only" (X-Road)Réduction charge administrative, accès PME facilité, temps appels d'offres ↓
SimplificationRoyaume-UniPlaybooks commerciauxStandardisation, sécurité juridique, cohérence contractuelle
Achats responsablesNorvège30 % critères environnementaux minimauxInnovation verte forcée, compétitivité solutions durables
Achats responsablesPays-BasCoût du Cycle de Vie (LCC)Intégration impacts environnementaux, économies long terme
Transparence centralesItalie (Consip)Benchmarks prix marché vs centralisésJustification économies, confiance acheteurs locaux
Transparence centralesFinlande (Hansel)Portail Tutkihankintoja.fi (factures visibles)Contrôle citoyen, détection anomalies
SouverainetéUE (IPI)Restriction accès pays tiers sans réciprocitéProtection industries critiques, réciprocité internationale
PilotageRoyaume-Uni (GCF)Filière métier centralisée et outils data communsProfessionnalisation, pilotage par catégories, économies globales
PilotageLituanieAlgorithmes détection anomalies/fraudePrévention collusion, optimisation dépenses

Sources : Fondation iFRAP parangonnage européen.

Ces pratiques, souvent alignées sur les recommandations de l'OCDE (transparence, durabilité, accès PME), montrent que la numérisation, les critères contraignants et des données ouvertes génèrent de l'efficacité budgétaire, de l'innovation et de la confiance. Pour la France, généraliser "Dites-le nous une fois", imposer un poids minimal durable (comme Norvège), ouvrir les données UGAP (comme Finlande) et professionnaliser via des structure GCF-like seraient des leviers immédiats. Une adoption progressive, avec une évaluation d'impacts, maximiserait les gains tout en respectant le cadre UE.

Mettre en place des réformes nécessaires à compter de 2026

Nous proposons ici des recommandations opérationnelles pour intégrer les pratiques étrangères identifiées dans le parangonnage précédent au contexte français actuel. Ces propositions s'inscrivent dans le cadre des réformes en cours ou annoncées pour les achats publics de l'État (et plus largement de la commande publique), notamment issues des premières Rencontres annuelles des achats de l'État (15 décembre 2025).

Elles s'alignent également sur l'objectif d'économies de 850 millions d'euros en 2026, le déploiement d'une "alerte prix" au printemps 2026 (initialement sur l'UGAP), le recours à l'IA pour l'analyse des offres, et la poursuite de la professionnalisation des acheteurs publics.

Ces recommandations visent à transformer la commande publique en levier stratégique, tout en respectant le cadre européen et les contraintes budgétaires actuelles.

  1. Généraliser le principe "Dites-le nous une fois" (inspiré de l'Estonie)

La France dispose déjà d'un dispositif "Dites-le nous une fois" (DLNUF), intégré au Code de la commande publique (articles R.2143-13 et seq.), permettant aux acheteurs de ne plus exiger certains documents administratifs récupérables via des bases interconnectées (API Entreprise, Service DUME). 

Recommandations opérationnelles :

  • Accélérer et généraliser le déploiement de l'outil Passe Marché, annoncé pour début 2026, qui permettra, sur la base du seul numéro SIRET, de pré-remplir automatiquement les candidatures en récupérant les données détenues par les administrations (Kbis, attestations fiscales/sociales, etc.). Cela étendra radicalement le principe estonien "Once-Only" à l'ensemble des plateformes de dématérialisation.

  • Intégrer Passe Marché aux orientations de simplification des procédures, en priorisant les marchés de l'État et en l'étendant progressivement aux collectivités via des incitations (subventions ou obligations pour les grandes entités).

  • Mesurer l'impact via des indicateurs (réduction du temps de candidature pour les PME, taux d'utilisation), avec un objectif de 80 % des candidatures pré-remplies d'ici 2027.

  • Avantages attendus : Réduction drastique de la charge administrative pour les PME (premier frein identifié), facilitation de l'accès à la commande publique, et économies indirectes par une concurrence accrue.

Cette mesure s'aligne sur la réforme de simplification en cours et le recours à l'IA pour fluidifier les processus.

  1. Imposer un poids minimal de 30 % aux critères durables (inspiré de la Norvège)

Le Plan national pour des achats durables (PNAD 2022-2025) fixe déjà des objectifs ambitieux : 100 % des contrats avec au moins une considération environnementale et 30 % avec une considération sociale d'ici fin 2025 (anticipant la loi Climat et Résilience de 2026). Un nouveau Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement Responsables (SPASER) de l'État, publié en décembre 2025, oriente vers des achats plus circulaires et bas-carbone. 

Recommandations opérationnelles :

  • Aller plus loin que le PNAD en imposant, par décret ou circulaire pour les achats de l'État, un poids minimal de 30 % aux critères environnementaux/climatiques dans la notation des offres pour les marchés supérieurs à un seuil (ex. : 100 000 € HT), comme en Norvège depuis 2024. Commencer par des catégories prioritaires (véhicules, informatique, travaux, énergie).

  • Compléter par l'intégration systématique du Coût du Cycle de Vie (LCC), inspiré des Pays-Bas, en rendant obligatoire son utilisation pour les marchés à fort impact environnemental, avec outils d'aide (guides DAJ actualisés).

  • Intégrer cette mesure aux orientations "achats responsables" et "souveraineté", en lien avec la préférence européenne/française annoncée.

  • Formation obligatoire des acheteurs sur ces critères via le programme de professionnalisation en cours.

  • Avantages attendus : Innovation forcée chez les fournisseurs, compétitivité des solutions durables, alignement sur les objectifs climatiques nationaux, et économies à long terme (réduction des coûts externalisés comme CO₂).

    1. Ouvrir les données de l'UGAP et instaurer un portail de transparence radicale (inspiré de la Finlande - Tutkihankintoja.fi et de l'Italie - Consip)

L'UGAP fait l'objet d'une attention particulière dans les réformes actuelles : mise en place de l' "alerte prix" (signalement d'écarts pour ajustement rapide des catalogues), publication début 2026 des enquêtes de satisfaction clients, et menace de dissolution si non-alignement sur les priorités (préférence française).

Recommandations opérationnelles :

  • Aller vers une transparence renforcée en créant, d'ici fin 2026, un portail dédié (extension de PLACE ou nouveau site) publiant : prix unitaires, factures payées, benchmarks avec le marché libre, économies réalisées, marges de l'UGAP – inspiré de Tutkihankintoja.fi (visualisation citoyenne) et Consip (rapports détaillés).

  • Rendre obligatoires des audits indépendants annuels et tableaux de bord en temps réel sur les performances, en lien avec l' "alerte prix".

  • Intégrer aux orientations "performance UGAP" et "transparence", avec extension possible aux autres centrales.

  • Avantages attendus : Restauration de la confiance des acheteurs locaux et PME, justification de la centralisation, détection d'anomalies, et économies démontrées (aligné sur l'objectif de 850 M€).

  1. Généraliser des "Playbooks" pour standardiser les processus (inspiré du Royaume-Uni)

Recommandations opérationnelles :

  • Élaborer et publier, sous l'égide de la Direction des achats de l'État (DAE), des Playbooks nationaux : guides opérationnels standardisant les modèles de contrats, processus de décision, et clauses types par catégories d'achats (cloud, énergie, flotte, etc.).

  • Déployer dès 2026 pour les achats de l'État, avec obligation d'utilisation progressive, en lien avec la simplification et le recours à l'IA.

  • Avantages attendus : Sécurité juridique, cohérence inter-ministérielle, simplification pour fournisseurs (mêmes cadres), et réduction des risques contentieux.

    1. Renforcer la professionnalisation des acheteurs (inspiré du Royaume-Uni - GCF)

Le gouvernement annonce explicitement la poursuite de la professionnalisation, avec formation et IA.

Recommandations opérationnelles :

  • Créer une filière métier centralisée inspirée de la Government Commercial Function (GCF) : accréditation commune des acheteurs de l'État, standards de compétence partagés, outils d'analyse de données communs, et pilotage par catégories d'achats.

  • Intégrer un programme national de formation obligatoire (en ligne et présentiel), avec certification, et mobilité inter-ministérielle pour attractivité.

  • Lier au meilleur pilotage et à l'IA pour détection d'anomalies (inspiré Lituanie).

  • Avantages attendus : Meilleure performance globale, économies par mutualisation, et positionnement stratégique des achats.

Ces leviers, déployés progressivement dès 2026, permettraient à la France de passer à une commande publique plus simple, responsable, transparente et souveraine, générant économies budgétaires durables et innovation. Une évaluation annuelle par la Cour des comptes serait recommandée pour ajuster la trajectoire.

Déployer ces réformes en faisant évoluer des outils existants (frugalité)

Dans un contexte de finances publiques tendues, il semble pertinent de proposer une approche de transformation publique basée sur une évolution d’outils existants plutôt que de créer des dispositifs ad hoc. Ainsi, sur la base des conclusions du rapport sénatorial de juillet 2025 nous proposons :

a. Simplification : Le "Passeport Commande Publique" via Portail Pro

Nous préconisons d'automatiser la vérification des obligations fiscales et sociales pour alléger la charge des acheteurs et des PME.

  • L'hybridation : Utiliser l'infrastructure du Portail Pro (déjà utilisé pour les déclarations fiscales/sociales) en y ajoutant un module "Éligibilité Marchés Publics".

  • La solution : Une entreprise se connecte à son espace Portail Pro. Si elle est à jour de ses cotisations, un jeton numérique (token) infalsifiable est généré. Lors de sa réponse à un appel d'offres sur PLACE, elle n'envoie plus de documents PDF mais autorise simplement l'acheteur à consulter ce statut "Vert" en temps réel via une API.

  • Bénéfice : Suppression totale de la collecte manuelle des attestations de vigilance tous les 6 mois.

b. Souveraineté Numérique : Un "FranceConnect Cloud"

Le rapport de la commission d’enquête sénatorial exigeait l'immunité aux lois extraterritoriales (Cloud Act) et le recours au SecNumCloud (ANSSI depuis 2021).

  • L'hybridation : Adapter le modèle FranceConnect (identifiant unique sécurisé) pour créer un "hub" de ressources cloud certifiées.

  • La solution : Créer une passerelle technique obligatoire pour toutes les administrations. Tout projet numérique ne peut "appeler" des données publiques sensibles que si l'hébergeur est authentifié sur cette passerelle comme étant immunisé contre le droit étranger.

  • Bénéfice : Automatisation du respect de la doctrine "Cloud au Centre" et blocage technique des solutions non souveraines (ex: Microsoft Azure pour le Health Data Hub).

c. Souveraineté Alimentaire : "Ma Cantine" en mode Marketplace locale

La commission demandait une "exception alimentaire" pour faciliter le recours aux producteurs locaux.

  • L'hybridation : Transformer la plateforme de reporting "Ma Cantine" (déjà utilisée par les gestionnaires) en un outil de mise en relation de type "Malt" ou "Airbnb".

  • La solution : Intégrer un module de géolocalisation vérifié par les données du SIRENE. Un acheteur public saisit son besoin (ex: 500 kg de pommes). Le système lui "pousse" automatiquement les offres des producteurs locaux dans un périmètre défini, sécurisant juridiquement le critère de proximité par l'intérêt général impérieux de résilience alimentaire.

  • Bénéfice : Atteindre enfin les 50 % de produits durables prévus par la loi Egalim, dont la mise en œuvre est actuellement défaillante.

d. Accès des PME : Le "Matching" intelligent basé sur l'Annuaire des Entreprises

Le rapport soutient un Small Business Act européen avec 30% de réserve pour les PME.

  • L'hybridation : Utiliser les algorithmes de recommandation (type LinkedIn Recruiter ou Tinder) appliqués à l'Annuaire des Entreprises (data.gouv.fr).

  • La solution : Au lieu que la PME cherche les appels d'offres, c'est l'appel d'offres qui vient à elle. Dès qu'un acheteur publie un marché inférieur aux seuils (procédure négociée), l'IA analyse les codes NAF et la localisation des PME locales et leur envoie une notification directe sur mobile pour solliciter un devis.

  • Bénéfice : Augmenter radicalement le nombre de soumissionnaires PME, qui est aujourd'hui en recul au niveau européen.

e. Pilotage et Données : Un Dashboard de souveraineté sur Chorus Pro

Le rapport appelle à un recensement des données dès le premier euro pour tracer la création de valeur territoriale.

  • L'hybridation : Utiliser les outils de Business Intelligence (type PowerBI ou Tableau) déjà déployés dans le privé, mais greffés sur le système de facturation Chorus Pro.

  • La solution : Ajouter un "Tag de Souveraineté" sur chaque facture électronique. Le Premier ministre disposerait d'un tableau de bord en temps réel visualisant la part de l'argent public qui irrigue réellement l'emploi local versus celle qui repart vers des sièges sociaux extra-européens.

  • Bénéfice : Passer d'un recensement statistique tardif à un pilotage politique instantané de la dépense publique.

Synthèse des solutions hybrides

Recommandation SénatSolution "Hybride" ProposéeOutil Existant amélioré
Passeport Commande Publique Jeton d'éligibilité automatiquePortail Pro
Souveraineté Numérique Filtre technique d'accès aux donnéesFranceConnect
Exception Alimentaire Marketplace de sourcing localMa Cantine
Soutien aux PME / SBA Notification "Push" de marchésAnnuaire des Entreprises
Pilotage par la donnée Dashboard de souveraineté temps réelChorus Pro

[1]https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/Chiffres_recensement_2023.pdf?v=1760602856 

[2] Rapport de la commission d’enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leurs effets d’entraînement sur l’économie française, juillet 2025. 

[3] Quel que soit le montant des commandes. 

[4] Une inclusion qui a été introduite en 2021 à la demande du Parlement, dans le cadre de la loi Climat résilience, https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/marches-publics-les-deputes-imposent-leurs-vues-au-gouvernement-1304612 

[5] https://www.impactfrance.eco/nos-actus/reorienter-les-achats-publics-au-service-de-notre-souverainete-economique-et-de-notre-resilience-territoriale 

[6] https://achats-durables.gouv.fr/plan-national-achats-durables-2022-2025-422 

[7] https://www.aefinfo.fr/depeche/742791-simplification-responsabilite-ugap-pilotage-le-gouvernement-fixe-cinq-orientations-pour-les-achats-de-l-etat