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Confiner l’économie peut aussi nuire gravement à la santé

Le gouvernement doit prendre des décisions difficiles mais nous devons protéger autant les entreprises que les particuliers et avec bon sens. Oui, le gouvernement a soutenu financièrement l‘économie et nous lui en savons gré, mais aujourd'hui, le doute nous saisit.

Depuis le début de cette crise, les entreprises se sont montrées plus que responsables. Ce sont elles qui ont débloqué et vendu les masques, ce sont elles qui, en premier, ont mis en place des protocoles sanitaires, ce sont elles qui encore aujourd'hui, installent des tentes avec des municipalités pour faciliter l'accès aux tests aux salariés. Nos entreprises de santé privées, non associées au premier confinement alors qu’elles étaient à disposition et disponibles, sont toujours là, fidèles au poste et voudraient faire davantage.

Les Allemands ne font et n'ont pas fait, depuis le début de la pandémie, le choix du sanitaire aux dépens de l'économie qu’ils préservent habilement. Ils ne sacrifient pas leur économie, s’ils confinent à l'heure qu'il est, ils ne ferment pas les salles de sport, les magasins et organismes culturels… Leurs commerces ne sont pas condamnés à fermer.

En France, la balance du gouvernement penche en faveur de l'urgence sanitaire eu égard à la mauvaise gestion de nos hôpitaux.

Nos commerces et nos entreprises ne méritent pas de disparaître

Mais où est passé le "en même temps" ? C’est maintenant que nous en aurions besoin. Ce sont les plus fragiles, déjà surendettés, déjà meurtris et tellement courageux, qui vont souffrir et risquent de mourir face à ces mesures drastiques.

Comment croire qu'on va pouvoir continuer à faire tourner nos usines sans magasins pour vendre les produits ? Les usines risquent de s'arrêter d'elles-mêmes, faute de débouchés. 

Pourquoi fermer les librairies et les fleuristes et pas les jardineries ou les kiosques à journaux ? La presse contaminerait moins que les livres ? Les plantes des jardineries moins que les fleurs coupées des fleuristes ? Les meubles en kit plus que les outils de bricolage ? Nos commerces et nos entreprises ne méritent pas de disparaître mais bien de pouvoir toutes continuer leur travail intelligemment, en responsabilité, avec précautions et bon sens. Avec des restrictions certes, mais rester en vie ! Nous ne sommes pas tous destinés à passer sous la même toise et nous ne chaussons pas tous du 39 ! Nos entreprises sont peu consultées, et pas écoutées, sinon un faux semblant dans de grandes messes syndicales dont il ne ressort que des ordres exécutoires.

L'insistance sur le télétravail, obligatoire "partout où c'est possible", est rationnelle mais cela devrait être au dirigeant de chaque entreprise de décider avec ses salariés (selon de nombreux critères) ce qui doit en être. "Il faut travailler", disait le Président mais sous menaces d'amendes si les salariés ne sont pas 5 jours sur 5 en télétravail, ajoutait Elisabeth Borne (ministre du Travail) ! Dans ces conditions, il faut fermer les entreprises ? Les ordres contradictoires et la perte de sens dans les décisions successives annoncées, laissent les chefs d'entreprise plus que dubitatifs et découragés.

Il faut déjà préparer la troisième vague

On pouvait admettre lors de la première vague, que nous ne soyons pas prêts face à un virus inconnu. Mais, sept mois plus tard, c'est incompréhensible et en plus il faut déjà préparer la troisième vague, cela s’appelle anticiper (n’importe chef d’entreprise sait ce que ça veut dire). Peu d'augmentation de lits de réanimation, pas de formations systématiques des personnels supplémentaires et des soignants à bout ; pas de réelle meilleure synchronisation entre médecine de ville, hôpitaux publics et privés et pas de stratégie en commun avec les prestataires de soins à domicile ; un système trop hospitalo-centré. 

Tout cela en France : le pays qui a les plus fortes dépenses publiques et sociales. Le pays qui met tous les ans 15 milliards d'euros de plus pour l'hôpital par rapport à l'Allemagne. Le pays qui a le plus d'agents administratifs dans les hôpitaux en proportion de l'emploi total, dans les pays de l'Union.

La chaîne de commandement qui fait qu'un pays est efficace quel que soit le pilote dans l'avion, semble atrophiée, paralysée, trop de responsables sans pouvoir. Les consignes se perdent, la dilution des responsabilités est accablante.

Aujourd’hui nous devons nous battre car sans libertés pour sauver notre économie, le virus sera plus dangereux encore. Laissons à nos maires la liberté de décision pour ouvrir les commerces. Et ne l’oublions pas, sans entreprises : pas de Sécurité Sociale, moins de sécurité hospitalière, pas de retraites, pas d’emplois… un pays sans vie.

Sophie de Menthon                                            Agnès Verdier-Molinie

        Présidente d’ETHIC                                   Directeur de la Fondation iFRAP

 

Ont signé cette tribune (publiée le 3 novembre 2020 dans les pages de Challenges).

Maxime Aiach Président de Domia, Patricia Balme Présidente de PB COM International, Nicolas de Brognac Président de Sequoia Pressing, Antoine d’Espous Président du groupe CA COM, Philippe Fort Chef d’Etablissement, Pierre Gattaz, Président de Radiall, ESMOD, Arnaud de Langautier Président d’Amplegest, Jérémy Mauvenu, Directeur Général Depiltech, Jean-Xtophe Ordonneau Managing partner Melcion & cie, Philippe Salle, CEO Foncia Group