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Le travail, thème crucial de la présidentielle

Faut-il travailler pour gagner sa vie et être bien assuré ? Ou bien tout attendre de l’Etat, des organismes sociaux et des collectivités locales : des minima sociaux tout au long de la vie, la couverture maladie gratuite, des aides diverses et, arrivés à l’âge de la retraite, un minimum vieillesse pour tous plus généreux, que l’on complète par un travail à mi-temps non déclaré ? A ceux qui jugeront cette alternative caricaturale, on répondra que c’est ce qui risque bel et bien d’advenir si l’on oublie (comme on commence à le faire) une loi d’airain : c’est uniquement par le travail dans nos entreprises que l’on crée la valeur ajoutée que l’on peut ensuite redistribuer via notre modèle social.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le vendredi 26 novembre. A voir, en cliquant ici.

Tous ceux qui veulent séparer le financement de notre couverture sociale et le travail font fausse route. Cela amplifierait les effets d’aubaine et augmenterait irrémédiablement le nombre de passagers clandestins qui optimisent notre système social. Les défenseurs d’un financement par l’impôt de l’assurance-chômage, de l’assurance maladie ou des retraites oublient que les pays qui ont ce genre de systèmes assurantiels ont, certes, un filet social de sécurité financé par l’Etat mais que ce filet social est minimaliste. Au Royaume-Uni, la prestation garantie aux chômeurs financée par l’impôt s’élève à 127 euros maximum par semaine.

Le modèle social de notre pays est le plus cher du monde. La France consacre un tiers de sa production de richesse à sa protection sociale. C'est 5% des dépenses sociales du monde. Pourtant, nous sommes un des pays qui travaille le moins. Par rapport aux huit pays d’Europe les plus proches de la France, nous avons un retard de 7 milliards d’heures travaillées par an. Et néanmoins, 30% des actifs à temps partiel et 13% des actifs à temps plein déclarent vouloir travailler davantage selon une étude du Trésor. Il y a urgence à remettre le travail au cœur du fonctionnement de notre modèle social.

Nous entrons dans la vie active trop tard, nous n’effectuons pas assez d’heures par an notamment parce que nous disposons de plus de jours de congés (vacances, RTT, jours fériés) et nous partons trop tôt à la retraite. Si, officiellement, notre taux de chômage s’améliore, il y aurait toujours plus de 1,9 million de personnes dans le halo autour du chômage en 2020, soit 600 000 personnes de plus qu’au
début des années 2010. Et le nombre de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues, reste en septembre 2021, plus élevé qu’en septembre 2016.  

Notre modèle social et nos finances publiques sont devenus, à cause de ce manque de travail, une bombe à retardement. La plus faible durée du travail en France est un handicap qu’il nous faut combler si nous voulons assurer son financement, redresser les comptes publics et satisfaire les aspirations des Français. Les solutions sont devant nous.

Travailler plus tôt, d’abord. Cela doit nous conduire à améliorer l'insertion dans la vie active des jeunes : même avant la crise sanitaire, notre pays était particulièrement frappé par le phénomène des « NEET », ces jeunes ni en emploi, ni en formation, qui représentent 16 % des 15-29 ans contre 9 % en Allemagne. Plutôt que le bac généraliste pour presque tous, développons plus de formations professionnalisantes en encourageant les entreprises qui le souhaitent à créer leurs propres écoles au lieu de les décourager. Mettons fin au principe du collège unique avec des parcours d’apprentissage précoces, sans couper les passerelles avec l’enseignement académique classique, ce que se pratique bien Outre-Rhin.

Travaillons plus, suite. Cela exige l'augmentation du temps de travail annuel en élargissant le recours au forfait jour, en déplafonnant le nombre maximum d’heures supplémentaires annuelles (qui est trop bas : 220 heures) et en supprimant la majoration pour les heures supplémentaires jusqu'à la 39e heure  et en supprimant le plafond de 5000 euros par an de la défiscalisation des heures supplémentaires au bénéfice des salariés. Supprimons, en outre, le « forfait social » pour toutes les entreprises en matière d’intéressement, de participation et de plans d’épargne retraite.

Il convient d’inciter -et d’exiger dès que c’est possible- le retour à l’emploi pour demandeurs d’emplois et bénéficiaires de minima sociaux. Comme dans certains pays scandinaves ou en Allemagne, nous devons appliquer la baisse, voire la suppression, des indemnités chômage et des minimas sociaux quand il y a refus réitéré d’accepter des offres d’emploi raisonnables. Pourquoi les jeunes de moins de 26 ans seraient-ils seuls à devoir signer un contrat d’engagement et une obligation de formation pour toucher une allocation ?

A la fin de la carrière, partir plus tard à la retraite est une nécessité. Les Français ont un âge d’ouverture des droits (62 ans) parmi les plus faibles des pays européens et un âge de sortie effective du marché du travail encore inférieur. Ainsi s’explique que la France affiche une durée de carrière plus courte : 35,4 ans en 2019, contre 39,1 ans en Allemagne et 42 ans en Suède. Il faut viser un âge d'ouverture des droits de 65 ans en 2028 et 66 ans en 2030.

Enfin, favoriser le cumul emploi-retraite est souhaitable. Permettons que les cotisations retraites versées par les Français qui cumulent emploi et retraite leurs donnent des droits supplémentaires à pension au lieu de les faire cotiser à fonds perdus.

Toutes ces mesures permettraient de remettre le travail à sa place, celle qu’il n’aurait jamais dû perdre : le moteur de la création de richesses. Un préalable à toute redistribution que les afficionados de l’empilement des aides sociales financées à crédit par la dette ont oublié. Le travail doit être un thème central de la présidentielle.