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Il faut publier le rapport Perruchot sur le financement des syndicats

Surtout quand on est pour l'ouverture des données publiques

Le rapport de la commission d'enquête Perruchot sur le financement des syndicats a été enterré. A quelques heures du vote, les députés UMP membres de la commission d'enquête ont décidé de s'abstenir tandis que les députés PS ont voté contre la publication. Résultat : 3 votes pour, 3 votes contre et beaucoup d'abstentionnistes. Les trois députés courageux ont été Nicolas Perruchot (NC), Francis Wercamer (NC) et Arnaud Richard (seul UMP à voter pour malgré les consignes de vote). Pourtant, ce rapport disséquait pour la première fois les 4 milliards d'euros de financements directs ou indirects (subventions, prêts de personnels, de locaux, CE…) qui financent tous les ans nos syndicats.

Étrange, alors que l'on parle en ce moment même d'ouvrir les données publiques. Ne serait-ce pas un gage de démocratie que de publier d'où viennent les financements de ceux qui gèrent notre système social, qui négocient avec le gouvernement et qui sont censés être représentatifs des salariés et des entreprises ? Qu'y a-t-il à cacher ?

Il semblerait que ce soit le premier rapport de commission d'enquête parlementaire qui ne soit pas publié. La création de la commission d'enquête avait été décidée le 8 juin dernier. Comme une commission d'enquête a une durée de vie limitée à 6 mois, le rapport ne pourra a priori plus jamais être publié (sauf si d'ici minuit les membres de la commission se ravisaient…). Tous les documents vont être envoyés à la présidence de l'Assemblée nationale pour être archivés.

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Les membres de la commission d'enquête parlementaire sur le financement des syndicats : M. Jean-Paul Anciaux (UMP) ; Mme Martine Aurillac (UMP) ; M. Marc Bernier(UMP) ; Mme Monique Boulestin (PS) ; M. Patrice Calméjane (UMP) ; Mme Marie-Christine Dalloz (UMP) ; Mme Claude Darciaux (PS) ; M. Guy Delcourt (PS) ; M. Franck Gilard (UMP) ; M. Jean-Patrick Gille (PS) ; M. Jacques Grosperrin (UMP) ; M. David Habib (PS) ; M. Laurent Hénart (UMP) ; M. Michel Issindou (PS) ; M. Régis Juanico (PS) ; M. Jean-Yves Le Bouillonnec (PS) ; M. Jean-Louis Léonard (UMP) ; M. Richard Mallié (UMP) ; M. Jean Mallot (PS) ; M. Pierre Morange (UMP) ; M. Nicolas Perruchot (NC) ; M. Arnaud Richard (UMP) ; Mme Valérie Rosso-Debord (UMP) ; M. Christophe Sirugue (PS) ; M. Lionel Tardy (UMP) ; M. Yves Vandewalle (UMP) ; M. Francis Vercamer (Nouveau centre) ; M. Alain Vidalies (PS) ; M. André Wojciechowski (UMP) )]

Que ce soit du côté des syndicats de salariés ou du patronat, tous devraient monter aujourd'hui au créneau pour demander la publication de ce rapport. Courageux, François Chérèque a déclaré hier sur Europe 1 « Je demande la publication du rapport ». Ce rapport n'aurait fait que montrer (voir le tableau ci-dessous qui aurait pu figurer dans le rapport s'il avait été publié) que 90% des ressources des syndicats viennent en réalité du financement des employeurs, en premier lieu les employeurs publics, que ce soit l'État ou les entreprises publiques type EDF, RATP, SNCF...

Il est en effet clair que si l'on veut une estimation crédible du poids du secteur public dans le financement du syndicalisme il faut additionner le coût implicite des mises à disposition issues de la fonction publique (1.340 millions d'euros), et l'ensemble des financements publics directs au niveau de l'État comme des collectivités locales (soit 172,6 millions d'euros). La somme de ces financements (1,51 milliard d'euros) est comparable au financement du secteur privé (1,6 milliard). Le plus intéressant est que 88,6% (ordre de grandeur) de l'argent public consacré au financement du syndicalisme est un argent virtuel qui n'apparaît pas dans les comptes de la comptabilité nationale.

La comptabilité nationale permet en effet de vérifier les moyens financiers des institutions sans but lucratif. [1] Et l'on constate qu'officiellement en comptabilité nationale les syndicats de salariés emploient près de 4.000 ETP (équivalent temps plein travaillé) alors que Dominique Andolfatto, chercheur spécialiste des syndicats, avance un chiffre entre 30.000 et 40.000 permanents syndicaux.

La Fondation iFRAP se joint aux trois députés et à François Chérèque pour demander la publication du rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le financement des syndicats. Il serait d'ailleurs judicieux de transposer les conclusions du rapport Perruchot dans une proposition de loi. Dix mesures à elles seules permettraient de réformer en profondeur nos syndicats. La Fondation iFRAP a publié ces 10 mesures sur le site Atlantico.

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Le rapport de la Cour des comptes sur le CRE de la RATP : Ironie du calendrier, la Cour des comptes a, elle, rendu public cette semaine un rapport sur le comité d'entreprise de la RATP qui montre que plus de 3% de la masse salariale est versée tous les ans au CRE RATP. Nous avons déjà eu à nous intéresser aux financements très particuliers du comité central d'entreprise de la RATP. Nous avions pu alors mettre en évidence l'existence de pratiques généralisées de trafic de chèques syndicaux comme en faisait état un rapport interne d'audit dont visiblement d'ailleurs la Cour des comptes a tiré le plus grand profit pour nourrir ses investigations.

L'intérêt du rapport de la Cour est précisément de reprendre la plume là où le rapport d'audit interne restait muet, à savoir les dérives de la gestion interne du comité d'entreprise lui-même :
- Comptabilité tenue avec retard et « certifiée » par le même cabinet d'experts comptables servant d'auxiliaire à la tenue de la comptabilité (conflit d'intérêt)
- Absence de publicité des comptes même réduite auprès des salariés
- Non déclaration des cotisations sociales à l'URSSAF
- Toute-puissance des élus du personnel sur les services gestionnaires du comité
- Passation de marchés publics récurrents sans appels d'offres, auprès des mêmes cocontractants pour des montants visiblement surfacturés et sujets à de nombreuses malfaçons
-Anniversaire du comité d'entreprise dans la propriété de la CGT-RATP moyennant des dépenses somptuaires manifestement surdimensionnées
- Organisation en régie de la restauration des personnels RATP dans des conditions d'hygiène et de salubrité délicates pour des prestations toujours réglées en espèces.
- Subventions à des organisations étrangères caritatives (cubaines) dans des localités d'origine de conjoints d'agents détachés de la RATP chargés des fêtes. )]

[1] Pour voir apparaître les syndicats et les organisations paritaires, il faut retraiter les comptes comme l'ont fait deux chercheurs sur les associations à partir des comptes nationaux suivant une classification proposée par l'ONU que ne suit pas actuellement l'INSEE. Les derniers chiffres connus datent de 2002.