Tribune

« Emploi à domicile : cessons de pénaliser ceux qui travaillent »

TRIBUNE. Sous couvert d'économies, le gouvernement s'attaque au crédit d'impôt pour services à domicile. Une décision qui risque de pénaliser les ménages actifs, selon Agnès Verdier-Molinié*. 

Cette tribune a été publiée le 12 juin 2025 dans le journal Le Point

Les contours du coup de rabot se précisent pour les plus de 4 millions de foyers qui bénéficient du crédit d'impôt emploi à domicile. Quel est le réflexe pavlovien quand on cherche à faire des économies sur les dépenses publiques en France ? La réponse est aisée : augmenter les impôts ! On avait pourtant compris que, pour une fois, le gouvernement s'était engagé à ne pas chercher des économies en taxant plus... Mais, patatras, on vient d'apprendre que le crédit d'impôt pour emploi à domicile était dans le viseur de Bercy. Il pourrait être divisé par deux . 

Seules les aides à la garde d'enfant et à l'accompagnement des personnes âgées seraient épargnées. Cette niche fiscale (déduction de 50 % des dépenses de services à la personne de son impôt à payer dans la limite de 15 000 à 20 000 euros en fonction de la situation du foyer) permet aux ménages français de faire baisser leur impôt sur le revenu de 6 milliards par an en créant de l'emploi déclaré. 

Les emplois de ménage à domicile représentent la moitié de la niche (2,9 milliards d'euros en 2023). Au total, ce dispositif concerne 1,2 million de salariés et 26 métiers. Pourquoi le coût fiscal de ce crédit d'impôt a-t-il triplé depuis dix ans, passant de plus de 2 milliards en 2016 à près de 7 en 2025 ? Tout simplement car, à partir de 2018, le crédit d'impôt a été généralisé à l'ensemble des contribuables, qu'ils paient ou non l'impôt. À l'époque, on expliquait la mesure par le fait que de nombreux ménages inactifs pour lesquels existait une réduction d'impôt n'en bénéficiaient plus car ils étaient sortis du barème à cause des allègements voulus par François Hollande, les rendant non imposables. Pour ces derniers, le tout crédit d'impôt revient à une quasi-subvention. 

Pourquoi il faut supprimer l'avance immédiate du crédit d'impôt 

À cela s'ajoute à partir de 2022 l'effet du dispositif d' avance immédiate qui permet aux ménages de disposer de l'avance de frais automatiquement. Résultat ? Les bénéficiaires, qui étaient 1,53 million en 2017, passent à 4,75 millions en 2025. La mesure s'apparente désormais à un double coût pour le fisc : sortie de l'impôt sur le revenu des ménages parmi les plus modestes et subvention par les caisses publiques de leurs salariés à domicile ! 

Le gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter les impôts. Si on va au bout de cette logique, il faut non pas supprimer ce dispositif pour les travaux domestiques, mais revenir en arrière sur le volet « subvention aux ménages non imposables » qui bénéficient en réalité d'un effet d'aubaine. On peut faire un parallèle avec MaPrimeRénov' : vouloir étendre des dispositifs de crédits d'impôts à des foyers non imposables revient à leur distribuer de quasi-subventions qui font exploser les coûts. 

Nous sommes dans la situation ubuesque où un foyer qui travaille de manière non déclarée peut cumuler des aides sociales non imposables, ne pas payer un euro d'impôt sur le revenu et se faire aider par le Trésor public pour payer des employés à domicile. Alors que la priorité est de soutenir les ménages (et notamment les femmes...) qui travaillent à plein temps tout en ayant charge de famille. Gardons en tête que le sujet est d'inciter les ménages de France à avoir des revenus du travail déclarés qu'ils soient salariés à domicile ou employeurs à domicile. 

*Agnès Verdier-Molinié est présidente de la fondation IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques). Dernier ouvrage paru : Face au mur. Dette, désindustrialisation, normes, assistanat, insécurité (L'Observatoire, 2025)