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Conférence sociale : la flexibilité en danger

Cela avait plutôt bien commencé, les sujets étaient les bons : la dette, la compétitivité et l'emploi. Aujourd'hui, c'est l'heure du bilan de la conférence sociale. Les annonces du gouvernement ont plus porté sur une plus grande rigidité des conditions de travail que sur un assouplissement de notre marché du travail. Dommage, la France a tellement besoin de réformer le marché du travail et de flexibiliser la durée du temps de travail et les salaires. La fin des négociations sur les accords « compétitivité-emploi » est assez emblématique du refus général d'aborder les sujets essentiels.

Ainsi, au lieu de proposer un recours plus souple aux licenciements, le gouvernement souhaite rendre plus difficiles les licenciements économiques et annonce vouloir pénaliser les entreprises qui font des bénéfices et qui souhaitent licencier. La suppression des négociations autour des « accords compétitivité-emploi », qui auraient permis d'ajuster le temps de travail et les salaires en fonction de la situation économique, en s'inspirant du modèle allemand, est à déplorer. Les Allemands sont forts de cette capacité à faire varier le temps de travail et les salaires en fonction de la conjoncture avec l'accord des syndicats et notre système d'annualisation du temps de travail est hyper-rigide.

En plus de cela, le gouvernement évoque l'idée de pénaliser les entreprises qui recourent à des contrats précaires. Outre que ce recours est déjà pénalisé financièrement (prime de précarité pour les CDD), cette proposition va encore dans le sens de retreindre la flexibilité du marché du travail. Si l'on ne peut pas licencier, si l'on ne peut pas apporter de la flexibilité dans les contrats de travail, si l'on ne peut pas recourir aux contrats précaires, la situation des employeurs va devenir encore plus incertaine et on peut légitimement penser qu'au lieu de protéger des emplois, l'addition de ces mesures en détruira.

Au sein de la conférence sociale, le coût du travail en France, l'un des principaux responsables de l'absence de compétitivité française, a également été abordé, mais renvoyé aux travaux d'un Haut Conseil… créé par François Fillon en mars 2012, avec une mission d'éclairage donnée à Louis Gallois. Rien d'étonnant en vérité à ce que le sujet soit retiré de la compétence des partenaires sociaux, il s'agit d'un aspect de la réforme de la fiscalité qui est du domaine exclusif de compétence de l'État, lequel ne doit pas jouer les Ponce Pilate – ni non plus en profiter pour renvoyer le sujet aux calendes grecques. Car le financement de la protection sociale a déjà fait l'objet de nombreux rapports, comme celui du CES en 2007 déjà. Cette fois il y a urgence.

Enfin, les questions suivantes n'ont pas été abordées : Faut-il décentraliser le SMIC ? Comment financer notre protection sociale sans casser l'emploi ? Avons-nous encore les moyens de notre modèle social ? Comment contrôler et baisser nos dépenses sociales ? La Cour des comptes évoque dans son dernier audit de la situation financière de la France la nécessité d'agir à la baisse sur les dépenses sociales. Il ne semble pas que les acteurs de secteur aient pris ce message en considération. Pourtant, les partenaires sociaux sont les mieux placés pour trouver des pistes de réformes et d'économies car ils sont aux manettes des organismes paritaires et connaissent le système social mieux que quiconque.

La conférence sociale a été cependant dans la bonne direction sur le sujet du chômage partiel puisque le gouvernement a annoncé l'amélioration du dispositif à la rentrée sans toutefois donner plus de précisions. Espérons qu'elle passera, par un assouplissement des conditions pour les employeurs car le système est généreux pour les salariés aux dépens des employeurs, qui doivent au surplus faire l'avance de la part de l'État dans une période où leur trésorerie est nécessairement tendue. Il serait aussi plus normal que ce soit l'Unedic, plutôt que l'État, qui prenne en charge le coût des compensations versées aux salariés. La Cour des comptes a d'ailleurs fortement recommandé d'assouplir la réglementation du chômage partiel et de le rendre plus incitatif.

Les mesures proposées par la Fondation iFRAP :
- Autoriser de nouveau le licenciement économique
- Instaurer des temps de travail flexibles sous la seule réserve du maximum prévu par les accords internationaux et de l'accord entre partenaires sociaux au niveau de l'entreprise ;
- Instaurer la possibilité de moduler les salaires
- Relever les seuils sociaux
- Ouverture 24 h / 24 et 7 jours sur 7 des magasins et des services
- Baisser les cotisations patronales
- Instituer des Smic(s)
- Définition d'un contrat de travail unique qui puisse être rompu en appliquant véritablement la règle de l'employeur seul juge, en contrepartie d'une limitation de l'utilisation du CDD à des cas exceptionnels ;
- Facilitation du chômage partiel sur longue durée et dans l'intérêt financier des entreprises.

[( [**Retrouvez le détail des mesures proposées par la Fondation iFRAP dans l'étude "100 jours pour réformer la France"*] )]

Ces mesures ont évidemment un objectif commun, qui est la sauvegarde et la création de l'emploi marchand. Ils ont aussi un mot d'ordre commun, qui est l'assouplissement des réglementations existantes, en vue d'assurer la capacité d'adaptation aux situations nouvelles qui est un impératif constant pour les entreprises. A la rigidité du droit du travail répond paradoxalement l'utilisation généralisée du contrat de travail le moins protecteur qui soit ; l'exemple de l'Allemagne montre que la réduction du travail peut parfaitement être un outil profitable à condition de ne pas être un carcan imposé aux entreprises. Il faut commencer par dépolitiser les réglementations pour les décentraliser, et admettre pour cela que l'intérêt des Français passe par celui des entreprises qui les emploie.

[(Aux antipodes des mesures envisagées en France, le Parlement italien a voté, sous l'impulsion de Mario Monti, le mois dernier la réforme du droit du travail qui corrige les rigidités du statut des travailleurs italiens. Cette réforme facilite les licenciements jusque là bloqués par l'article 18 du Code du travail italien : le salarié licencié avait pratiquement droit à une réintégration automatique en cas de départ forcé. Salariés et entreprises ¬peuvent, maintenant, d'un commun accord, mettre fin au contrat de travail moyennant une indemnité équivalente à douze ou vingt-quatre mois de salaire. Pour les jeunes, un nouveau contrat de travail est à l'étude avec une phase d'apprentissage de 3 ans avec licenciement possible pendant cette période mais embauche obligatoire à l'issue des 3 ans. )]