Taper les plus riches n’est ni légitime, ni efficace

Certains de nos concitoyens croient malheureusement que l’on taxe davantage les plus modestes que les plus riches car on leur a communiqué de fausses informations non démenties par les instances officielles. Quand Olivier Blanchard, Jean Pisani Ferry et Gabriel Zucman publient ainsi dans Le Monde en juin dernier une tribune intitulée : « un impôt plancher sur les grandes fortunes est le plus efficace face à l’inégalité fiscale » et qu’au fil du papier ils avancent la raison de leur position : « alors que l’ensemble des Français acquittent environ 50 % de leurs revenus en impôts et cotisations sociales, tous prélèvements compris, ce chiffre tombe à 27 % pour les milliardaires, soit presque deux fois moins. Il s’agit là d’une violation du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt », ils montent les Français les uns contre les autres sur la base de chiffres contestables.
Car les bons chiffres sont proches de la proportion inverse. Nous les publions dans une nouvelle étude de la Fondation IFRAP intitulée : « Fiscalité des riches : le mirage des milliards de recettes ». Si l’on prend pour assiette le revenu disponible brut des ménages, donnée la plus fiable de l’INSEE pour avoir le revenu réel des ménages par décile (revenus + aides sociales après prélèvements) et que l’on met en face les impôts directs (IR, CSG, Taxe foncière, IFI…) et les cotisations sociales, alors le chiffre d’imposition moyen des ménages Français est non pas de 50% mais de 28,4%. Les 10% des Français aux revenus les plus faibles s’acquittent quant à eux de 11,3% d’impôts et cotisations et les 10% des Français les plus aisés de 54,2% d’impôts et cotisations. Dès lors, comment peut-on dire que les plus riches paient moins d’impôts que la moyenne des ménages français ?
Si l’on fait maintenant un focus sur les 10% des ménages qui ont le revenu disponible le plus élevé, que trouve-t-on ? 38,2% d’impôts directs pour les 9 premiers centiles du dernier décile et 55,8% pour les 1% les plus aisés. Quant aux 0,1%, ils sont à 55,2% d’impôts directs. On dirait bien que les termes du débat ont largement été présentés à l’envers pour pousser l’opinion populaire à soutenir des hausses d’impôts ciblées sur les plus riches et donc sur les entrepreneurs de ce pays.
C’est d’ailleurs exactement le projet de la taxe Zucman à 2% minimum du patrimoine au-delà de 100 millions d’euros qui veut nous faire croire à 20 milliards de recettes sur seulement 1800 contribuables. Soit plus de 10 millions en moyenne par an et par foyer à payer. Le sénateur Emmanuel Capus a pourtant bien montré que le niveau gargantuesque de la recette escomptée est un leurre. Comme il y a des biens professionnels dans l’assiette, il faut compter l’impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises qui rentrent dans le patrimoine des ménages.
Et là, la recette ferait pschitt : 2 et 3 milliards d’euros selon le rapport du Sénat. Philippe Aghion a aussi pris la plume dans Le Monde, pour dire que la taxe Zucman « générerait une réduction du déficit de 5 milliards d’euros, pas de 20 milliards ».
Enfin, comme l’a reconnu le Conseil d’Analyse Économique dans une récente note, ce genre de taxe fait fuir les détenteurs d’entreprises et détruit de la richesse nationale. Pour une taxation de 4 milliards d’euros en plus sur les détenteurs de plus de 10% des actions d’entreprises ? Ce serait 0,05% du PIB détruit au bout de 15 à 20 ans. Soit environ 24 milliards. 120 milliards si la taxe était de 20 milliards… Sachant que, comme le reconnaissent les auteurs de la note du CAE, les entreprises contrôlées par le top 1% des ménages « représentent 19,6% du chiffre d’affaires total généré en France, 22,5% de la masse salariale et 20,9% de la valeur ajouté ».
Avons-nous vraiment envie, en flirtant avec des taux d’imposition proches des 100%, de faire partir fiscalement de France des entrepreneurs qui représentent un cinquième de la création de valeur ajoutée et de la masse salariale ? Avons-nous tous bien compris que l’impôt sur le patrimoine se paie avec des revenus ? Et que, sinon, cela s’appelle de l’expropriation ?