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Budget 2026 : 5,3 % de déficit, c'est trop !

Le Sénat vient de rendre sa copie d’examen en 1ère lecture du PLF 2026, et disons-le franchement, elle n’est pas bonne. Les sénateurs affichent un solde public à -5,3 % du PIB, soit une réduction de seulement 0,1 point par rapport à celui annoncé pour 2025 (-5,4% du PIB). La France ferait donc du sur-place. Inadmissible dans le cadre de nos engagements européens et vis-à-vis des marchés. Un manque d’ambition dont le Sénat n’est pas directement la cause, puisque ce solde intègre celui du PLFSS 2026 arrêté à l’Assemblée nationale (les Sénateurs ayant voté contre le texte en 2nde lecture), à -19,4 Md€, contre -17,5 Md€ prévu initialement (soit -1,9 Md€). Mais il n’y a pas que cela, car la copie adoptée au Sénat et renvoyée en CMP (commission mixte paritaire) est en réalité beaucoup plus abîmée, avec un écart par rapport à la version initiale du Gouvernement de quasiment 18,4 Md€. Ainsi compris le solde passerait de -143,9 Md€ prévu à l’origine à -162,2 Md€, il serait même plus enfoncé de près de 1 Md€ par rapport à 2025. Roland l’Escure a donc exhorté les députés et sénateurs réunis en CMP à trouver 9 Milliards (de baisses de dépenses ou de hausses d’impôts) pour river le déficit à 5 % du PIB au maximum. Un vœu pieux ?

Un déficit et des dépenses qui dérapent lors de la discussion budgétaire

L’article d’équilibre est formel, au cours de la discussion budgétaire et malgré les modifications apportées par le Sénat, les dépenses publiques hors crédits d’impôts augmenteraient de 11 Md€. D’abord au niveau des dépenses de sécurité sociale (+7 Md€[1]), mais aussi +4 Md€ sur le champ des collectivités territoriales (notamment à l’instigation du Sénat qui a réduit à peau de chagrin le DILICO et les mécanismes de reprises de TVA contre dotations offerts aux régions[2]), ainsi qu’au niveau des APUC (Etat+opérateurs), soit +2 Md€ de dépenses. 

  

PLF 2026

PLF 2026

Petite loi Sénat - 1ère lecture

 
 

2024

2025

2026

2026

Var. Sénat- PLF 2026

Administrations publiques centrales (APUC)

 
Solde (% PIB)

-5,3

-4,6

-4,5

-5

-0,5

Dépenses hors crédits d'impôts (Md €)

651

663

683

685

2

Administrations publiques locales (APUL)

 
Solde (% PIB)

-0,6

-0,5

-0,3

-0,4

-0,1

Dépenses hors crédits d'impôts (Md €)

330

337

338

342

4

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 
Solde (% PIB)

0

-0,3

0,1

0

-0,1

Dépenses hors crédits d'impôts (Md €)

778

805

814

821

7

Total des administrations publiques (APU)

 
Solde (% PIB)

-5,8

-5,4

-4,7

-5,3

-0,6

Dépenses hors crédits d'impôts (Md €)

1 652

1 696

1 725

1 736

11

Source : PLF 2026 et petite loi adoptée en 1ère lecture au Sénat. Présentation Fondation iFRAP décembre 2025.

Mais comme on le voit, le déficit serait significativement plus enfoncé que l’accroissement des dépenses le ferait penser. C’est qu’il y a aussi de gros « bougés » en recettes. La décomposition est parlante :

 EcartsDécompo-sitionDécompo-sition
En Md€Sénat-PLFdont dépensesdont recettes
Solde public

-18,4

11,0

-7,4

dont APUC

-15,2

2,0

-13,2

dont APUL

-3,4

4,0

0,6

dont ASSO

-2,7

7,0

4,3

    dont régime général et fonds de solidarité vieillesse

-2,7

7,0

4,3

Source : PLF 2026 et petite loi adoptée en 1ère lecture au Sénat. Calculs Fondation iFRAP.

En effet, sur 18,4 Md€ de creusement du déficit 2026 au cours de la discussion budgétaire, près de 7,4 Md€ de recettes (essentiellement en prélèvements obligatoires) manqueraient à l’appel (pour 6,1 Md€). Cela serait dû en particulier aux garanties arrachées par les Vert, dont 4,5 Md€ de compensations d’exonérations de charges (2 Md€ de compensations d’allègements généraux et 2,5 Md€ de compensations des allègements de charge sur les heures supplémentaires) à payer pour l’Etat. Rien que cette mesure représente 1/3 des recettes manquantes des APUC (-13,2 Md€). On voit là encore très bien comment progressivement les déficits se concentrent au niveau de l’Etat, alors qu’ils proviennent d’ailleurs[3].

S’agissant du reste, les sénateurs ont diminué les prélèvements obligatoires de près de 7,7 Md€[4] en supprimant notamment les taxes nouvelles ou reconduites qui avaient été proposées par le Gouvernement Lecornu : suppression de la surtaxe sur les bénéfices des grands groupes (-4 Md€), réduction de la taxe holding aux activités purement somptuaires (-1 Md€). Baisse de l’effort demandé aux collectivités territoriales (-2,6 Md€) qui passe ainsi de 4,6 Md€ à seulement 2 Md€[5].

Où sont les économies ?

Les sénateurs ont coupé dans les dépenses de l’Etat à hauteur de 2,7 Md€ en supprimant notamment près de 1 Md€ dans l’enveloppe restante du budget France 2030, ainsi que d’environ 700 M€ s’agissant de la formation professionnelle. Cette optique a été relativement contre-productive dans la mesure où elle a abouti au contraire à une accélération le 12 décembre du déblocage européen de l’ensemble du PNRR (plan de relance) de la France pour une enveloppe totale de 6,1 Md€ restants. Les sénateurs ont également voté le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur 2, sauf ministères régaliens et Education nationale (ce qui aurait pourtant permis de compenser les mesures de titularisation précoce des élèves enseignants). Mais l’ensemble de ces économies se sont avérées insuffisantes pour compenser les baisses de recettes votées et le renforcement des transferts actés auprès des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale (voir tableau supra). 

Résultat, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait 43,7 % du PIB, contre 43,9 % dans la copie initiale du Gouvernement hors crédits d’impôts (-0,2 points). Soit une quasi-stabilité par rapport à 2025 (43,6 % du PIB). Symétriquement, les dépenses atteindraient 56,7 % du PIB hors crédits d’impôts, contre 56,4 % du PIB prévu initialement (+0,2 points), soit là encore une quasi-stabilité par rapport à 2025 (-0,1 point). Malgré les débats passionnés entre les deux chambres, l’avalanche fiscale à l’Assemblée nationale et les dépenses non bridées s’agissant de la sécurité sociale, la suspension de la réforme des retraites, les sénateurs aboutiraient à geler les ratios des finances publiques à leur niveau de l’année d’avant…

 

2024

2025

2026

2026 Sénat 

Total des recettes publiques (Md€ courants)

Var Sénat -PLF
Clés en crédit d'impôt recettes publiques

20

20

21

21

0

dont autres recettes

234

238

239

237,8

-1,2

dont P.O. hors UE, hors C.I.

1 248

1 300

1 342

1 335,9

-6,1

Total

1 502

1 558

1 602

1 594,6

-7,4

Total des dépenses publiques (Md€ courants)

Var Sénat -PLF
Clé de passage

19

22

21

20,8

-0,2

Dépenses publiques hors crédits d'impôts

1 652

1 696

1 725

1 736,0

11

Total

1 671

1 718

1 746

1 756,8

10,8

Solde public

-169

-160

-144

-162,2

-18,2

Source : Fondations IFRAP, calculs, décembre 2025

Faisant une victime : la dette. Celle-ci était attendue à 117,9 % du PIB en 2026 selon la prévision du Gouvernement. Elle atteindrait d’après les calculs du Sénat désormais 118,5 % à la même échéance, soit +0,6 point de dette supplémentaire pour cause de non-ajustement correct des finances publiques et surtout une augmentation sans précédente de +2,6 points de dette par rapport à 2025, soit +165,3 Md€ de dette sur un an si aucun accord ne parvient en CMP à faire baisser le solde public sous la barre des -5 % du PIB.


[1] Il s’agit notamment des 6,3 Md€ de dépenses supplémentaires adoptées en cours de discussion du PLFSS. 

[2] Sa contribution totale en la matière atteindrait d’après le pointage de la Commission des finances au total +5,1 Md€ sur l’ensemble des APU. Voir, https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/un-deficit-inacceptable-lavertissement-de-bercy-apres-ladoption-au-senat-du-budget-2026-2204909

[3] https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/le-deficit-de-la-securite-sociale-pourrait-vite-depasser-les-22-mdeu-en-2026 

[4] Voir en particulier https://www.senat.fr/enseance/2025-2026/138/Amdt_COORD-8.html ainsi que https://www.senat.fr/amendements/2025-2026/138/Amdt_I-2799.html 

[5] https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/les-collectivites-locales-participeront-elles-suffisamment-au-redressement-des-comptes-publics