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Le déficit de la sécurité sociale pourrait vite dépasser les 22 Md€ en 2026

L’Assemblée nationale vient d’adopter le 9 décembre 2025 en seconde lecture le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026. Une version extrêmement remaniée depuis la présentation de la version initiale par le gouvernement début octobre. En effet, les concessions faites aux partis d’opposition dont, au premier chef, les socialistes (avec notamment la lettre entérinant la suspension de la réforme des traites) mais aussi les écologistes (sur l’ONDAM dont la progression a été portée à 3 % contre 1,6 % dans sa version initiale) ont dû être gagées en urgence par des compensations de l’Etat à hauteur de 4,6 Md€. Il en résulte l’affichage d’un solde de la sécurité sociale de -19,4 Md€. Sauf que… pour que ces compensations soient actées, il faut qu’en parallèle le PLF 2026 soit voté, ce qui est beaucoup moins sûr…

Entre le début de la discussion du PLFSS 2026 et son adoption, le solde de la sécurité sociale s’est dégradé de 1,9 Md€

Causes et conséquences de l’instabilité chronique existante à l’Assemblée nationale, les recettes comme les dépenses ont beaucoup varié pendant la discussion du PLFSS 2026. Normalement cependant, elles ne devraient plus bouger puisque l’ultime lecture effectuée par le Sénat sur le texte devrait se conclure par un rejet du budget, accélérant la procédure pour une adoption définitive sans retouche avant la date butoir du vendredi 12 décembre.

Le tableau d'équilibre de 

l'article 14 pour l'année 2026

PLFSS 2026

Assemblée 

nationale 1ère lecture

Sénat 1ère lecture

CMP non conclusive

Assemblée 

nationale 2ème lecture

 Format ROBSSRecettesDépenses SoldeRecettesDépenses SoldeRecettesDépenses SoldeRecettesDépenses SoldeRecettesDépenses Solde
Maladie

255

267,5

-12,5

255

267,5

-12,5

253,9

268,5

-14,6

253,9

268,5

-14,6

257,5

271,3

-13,8

AT-MP

17,1

18

-1

17,1

18,0

-1,0

17,1

18,0

-0,9

17,1

18,0

-0,9

17,1

18,0

-1,0

Vieillesse

304,4

307,4

-3,1

304,5

307,5

-3

307,2

308,1

-0,9

307,2

308,1

-0,9

305,8

310,4

-4,6

Famille

60,1

59,4

0,7

60,1

59,7

0,4

60,2

59,6

0,6

60,2

59,6

0,6

60,1

59,7

0,4

Autonomie

41,8

43,5

-1,7

41,8

43,5

-1,7

41,8

43,5

-1,7

41,8

43,5

-1,7

43,3

43,6

-0,3

Toutes branches 

hors transferts entre branches 

(consolidé)

659,4

676,9

-17,5

659,5

676,9

-17,5

659,5

676,9

-17,5

661,2

678,7

-17,6

664,8

684,2

-19,4

Total non consolidé (pour info)

678,4

695,8

-17,4

678,5

696,2

-17,7

680,2

697,7

-17,5

680,2

697,7

-17,5

683,8

703,0

-19,2

Source : PLFSS 2026, « petites lois » Assemblée nationale, Sénat. Présentation, Fondation IFRAP décembre 2025

Il en résulte durant cette séquence, une augmentation de près de 5,4 Md€ de recettes, insuffisantes pour couvrir des dépenses sociales en augmentation de +7,3 Md€ par rapport au projet de loi de financement initiale. Cela représente donc in fine une aggravation du déficit des comptes sociaux de près de 1,9 Md€ supplémentaire, dont le financement est renvoyé à l’endettement de l’ACOSS (le déficit passant de -17,4 Md€ à près de -19,4 Md€). Nous en donnons ici la synthèse par branches du ROBSS :

Les écarts PLFSS initial / petite loi AN 2nd lectureRecettesDépenses Solde
Maladie

2,5

3,8

-1,3

AT-MP

0

0

0

Vieillesse

1,4

3

-1,5

Famille

0

0,3

-0,3

Autonomie

1,5

0,1

1,4

Toutes branches hors transferts entre branches (consolidé)

5,4

7,3

-1,9

Total non consolidé (pour info)

5,4

7,2

-1,8

Source : PLFSS 2026, « petites lois » Assemblée nationale, Sénat. Présentation, Fondation IFRAP décembre 2025

Sans surprise les dépenses qui ont le plus été impactées à la hausse concernent l’Assurance-maladie (+3,8 Md€), notamment à cause de la revalorisation de l’ONDAM (voir infra) relevé à 3 % (+1,4 point d’augmentation par rapport à l’objectif initial de +1,6 %). Il s’agit en la matière d’une ultime concession faite aux écologistes dans la dernière ligne droite de bouclage du budget à l’Assemblée nationale en 2ème lecture. Sur ce champ, la discussion au Sénat avait augmenté les dépenses d’assurance maladie de 1 Md€. Les discussions à l’Assemblée nationale en seconde lecture les ont accrues de +2,8 Md€.

S’agissant des dépenses de la branche vieillesse, l’impact la première année de la suspension de la réforme des retraites n’est que de 300 M€, mais les autres dépenses de la branche ont-elles augmentées de près de 2,7 Md€ par rapport à la copie initiale du Gouvernement. Notamment sous l’effet du refus de toute « année blanche » s’agissant des retraites et du minima vieillesse. Le Sénat a mis un premier coût de canif s’agissant des revalorisations de +600 M€, tandis que l’Assemblée nationale augmentait encore l’addition de près de 2,3 Md€ en seconde lecture. 

Côté recettes, cette fois, les variations proviennent à la hausse de celles affectées à l’Assurance-maladie (+2,5 Md€), mais aussi de la branche autonomie (+1,5 Md€) et de la branche vieillesse (+1,5 Md€). Elles viennent principalement du rétablissement de la CSG sur les revenus du capital[1] introduite par les socialistes pour compenser la suspension de la réforme des retraites (+1,4 Md€), mais aussi du rétablissement de la taxation exceptionnelle des complémentaires santé (+1 Md€) avec une clause de sauvegarde acquise par les socialistes afin d’empêcher le report de la taxe sur les cotisations. Enfin et surtout, de la hausse de la compensation par l’Etat des exonérations de charges à hauteur de +4,5 Md€ dont 2 Md€ sur les allègements généraux et 2,5 Md€ pour les heures supplémentaires. En contrepartie, le Gouvernement à renoncé au doublement des franchises médicales (-2 Md€). 

Un ONDAM finalement relevé à 3 % soit +1,4 point (+4 Md€)

L’ONDAM a fait l’objet d’âpres négociations en seconde lecture à l’Assemblée nationale, les écologistes en faisant un impératif pour l’adoption du texte, relayant les doléances de la FHF (Fédération hospitalière de France). L’article 49 n’étant pas adopté ni dans la version de l’Assemblée nationale en 1ère lecture, ni dans celle du Sénat lors de la navette.

Du point de vue de l'ONDAMPrév 2025PLFSS 2026Ecart PLFSS 2026 - Prév 2025Petite loi SénatTexte CMP2ème lecture ANEcarts PLFSS 2026Ecarts Prév 2025En %
Dépenses de soins de ville

113,9

114,9

1

  

117,5

2,6

3,6

360%

Dépenses relatives 

aux établissements de santé

109,5

111,8

2,3

  

112,8

1

3,3

143%

Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées

17,4

18,2

0,8

  

18,3

0,1

0,9

113%

Dépenses relatives aux 

établissements et services 

pour personnes handicapées

15,6

16

0,4

  

16

0

0,4

100%

Dépenses relatives au 

Fonds d'intervention régional 

et soutien à l'investissement (FIR)

6,1

6,2

0,1

  

6,4

4

0,3

300%

Autres prises en charge

3,3

3,3

0

  

3,3

0

0

 
Total

265,9

270,4

4,5

268,5

268,5

274,4

4

8,5

189%

Source : PLFSS 2026, « petites lois » Assemblée nationale, Sénat. Présentation, Fondation iFRAP décembre 2025. Articles 2 et 49.

En particulier, les objectifs de dépenses ont été revus sur la médecine de ville de +2,6 Md€ par rapport au projet gouvernemental initial et de +3,6 Md€ par rapport à l’ONDAM 2025. Les dépenses hospitalières croissent de 1 Md€ (en réalité +850 M€[2]) par rapport à la copie initiale (+3,3 Md€ par rapport à l’ONDAM 2025). Le reste, des revalorisations des objectifs des établissements sociaux et médico-sociaux (+1,3 Md€), et à la marge le FIR (+0,3 Md€). 

En définitive l’ONDAM 2026 atteindrait +4 Md€ par rapport à la copie initiale du Gouvernement et acterait une augmentation de +8,5 Md€ par rapport au niveau de l’ONDAM 2025 prévu en loi de financement (article. 2). Cela témoigne de l’extrême difficulté qu’à la Représentation nationale actuelle à modérer efficacement ses dépenses de santé.

Un déficit de la sécurité sociale à -19,4 Md€ qui pourrait dépasser les -20 Md€

Malgré une dégradation « limitée » in fine en cours de discussion parlementaire à -1,9 Md€ (à -19,4 Md€ contre -17,5 Md€ initialement prévu), le solde de la sécurité sociale ne s’améliorerait entre 2025 et 2026 que de 4,1 Md€. Un résultat loin d’être acquis pour autant.

 

Pour mémoire PLFSS 2026 actualisation 2025

Assemblée nationale 2ème lecture PLFSS 2026

 RecettesDépenses SoldeRecettesDépenses Solde
Maladie

245,1

-253,9

-268,5

257,5

271,3

-13,8

AT-MP

16,9

-17,1

-18

17,1

18,0

-1,0

Vieillesse

297

-307,2

-308,1

305,8

310,4

-4,6

Famille

60,2

-60,2

-59,6

60,1

59,7

0,4

Autonomie

41,7

-41,8

-43,5

43,3

43,6

-0,3

Toutes branches hors transferts entre branches (consolidé) hors FSV

642,3

665,8

-23,5

664,8

684,2

-19,4

Source : PLFSS 2026, « petites lois » Assemblée nationale, Sénat. Présentation, Fondation IFRAP décembre 2025

En effet, celui-ci ne « tient » que par l’accroissement des transferts de fiscalité compensatrice des exonérations de charges exigées par les socialistes pour l’adoption du budget de la sécu. Or, ces transferts ne peuvent être crantés qu’en loi de finances 2026 à partir du budget de l’Etat. La hiérarchie des lois financières imposant une primauté de la loi de finances sur les lois de financement, conséquence du consentement de l’impôt strict et du consentement aux dépenses dont elle dispose, ce dont ne bénéficient pas les lois de financements de la sécurité sociale[3]. Or rien n’autorise à penser que la loi de finances 2026 soit adoptée dans les temps constitutionnels impartis. Il en résulterait alors l’adoption d’une loi spéciale comme l’année passée, qui ne pourrait pas inclure ces transferts supplémentaires (mais uniquement des modifications des plafonds d’endettement et la perception des impôts courants et le paiement des services « votés »). Il existe donc une impasse possible qui pourrait aller jusqu’à 4,5 Md€ si aucune loi de finances 2026 ne parvenait in fine à être votée en cours d’année 2026. Des problèmes de rétroactivité pourraient également se présenter, obligeant à un décaissement au prorata temporis. On peut donc raisonnablement penser que le déficit de la sécurité sociale en 2026 pourrait bien dépasser les 20 milliards d’euros[4], voir quasiment faire du sur-place par rapport au solde prévisionnel 2025 dans la pire des hypothèses. 

 


 

[1] Mais hausse édulcorée par le Gouvernement pour en exclure les revenus fonciers, les plus-values immobilières, les PEL, les contrats d’assurance-vie etc. Son rendement passe ainsi de 2,8 Md€ initialement prévu à 1,4 Md€.

[2] https://www.fhf.fr/actualites/communiques-de-presse/plfss-2026-la-veille-des-ultimes-debats-parlementaires-le-budget-de-la-securite-sociale-doit 

[3] Voir notre note récente sur le sujet : https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/pour-une-fusion-du-plf-et-du-plfss

[4] https://www.lepoint.fr/economie/le-budget-pere-noel-met-la-dette-de-la-secu-dans-le-rouge-10-12-2025-2605135_28.php