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Rendre les impôts intelligents suppose des incitations fiscales intelligentes

De celles qui financent le risque et la création d'emplois marchands

Le Ministre des Finances Pierre Moscovici le dit aujourd'hui dans les Echos : « L'amélioration de la compétitivité passe par plusieurs facteurs : l'innovation et la recherche, l'investissement et le financement de l'économie ». Le financement des entreprises, notamment à leur démarrage, est une donnée essentielle dans l'optique de créer les entreprises et les emplois de demain. Dans le cadre de cette réflexion, il semble étrange que tout en voulant favoriser l'investissement, le gouvernement réfléchisse à réduire l'ISF-tepa qui incite les plus aisés à investir au capital des PME ou à raboter, au milieu des autres niches fiscales, à 10.000 euros le dispositif Madelin alors que c'est la seule incitation qui draine l'impôt sur le revenu des particuliers directement vers les entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés.

Le ministre des Finances a déclaré ce matin sur France info qu'il souhaitait des impôts intelligents. A la fondation iFRAP, nous aurions tendance à croire que l'on rend les impôts intelligents en les aiguillant, via des dispositifs fiscaux, vers des causes d'intérêt général. Quelle plus grande cause d'intérêt général que nos entreprises de demain ? Quel plus grand chantier que celui de créer des emplois alors que nous avons 3 millions de chômeurs en France ? Aucun. Nos entreprises sont nos œuvres d'art et la politique de long terme veut que nous mettions toutes les forces possibles dans ces œuvres d'art. Le gouvernement est à la croisée des chemins, il sait pertinemment que les cosmétiques emplois d'avenir, s'ils ont le mérite de donner l'impression d'agir, ne résoudront rien. En revanche, rendre notre fiscalité intelligente en déclarant le financement des projets entrepreneuriaux des Français « urgence nationale », avec des plafonds d'incitation élevés, voire déplafonné, mais avec un vrai contrôle de Bercy pour vérifier que les entreprises destinataires sont de véritables start-up créatrices d'emplois, le travail est devant nous.

Il est clair que les mesures existantes aujourd'hui ne sont pas satisfaisantes : les incitations fiscales ont des plafonds trop bas et ont permis plus de défiscalisation que d'investissements réellement créateurs d'emplois. Quand on compare les montants investis en France par rapport aux pays anglo-saxons on voit la petitesse de notre arme fiscale pour financer les jeunes pousses : 130.000 contribuables français investissent en moyenne 6.500 €, contre 11.000 contribuables qui investissent en moyenne 70.000 £ en UK (voir encadré). Résultat : chaque année, les entreprises créatrices d'au moins un emploi sont deux fois plus nombreuses au Royaume-Uni qu'en France.

Ce qui est frustrant, c'est qu'il n'y aurait que quelques petits détails à changer dans la législation pour que ces mesures - sans coûter plus cher au Trésor- deviennent efficaces et non plus des mesures de défiscalisation comme elles le sont malheureusement trop souvent :

- Un rescrit de Bercy pour valider que l'entreprise rentre bien dans les critères
- Un investissement drainé uniquement vers le démarrage des entreprises (petites entreprises de moins de 50 salariés et de moins de 10 millions de total de bilan)
- Un plafond élevé de type 400.000 ou 500.000 euros par couple hors plafond global des niches
- Des investissements en direct
- Une évaluation régulière de l'impact de ces mesures en termes de création d'emplois (ce qui n'a pas été fait par Bercy avec l'ISF-tepa)

Pierre Moscovici nous rassure en disant : « Nous ne souhaitons pas un exode des cadres et des chefs d'entreprise ». Nous le recevons 5 sur 5 et lui disons : si la France veut de bons riches, de bons entrepreneurs et de bons emplois durables, la politique fiscale doit être orientée vers cet objectif. Rien qu'en changeant 3 articles du Code Général des Impôts, cet objectif peut être atteint. Mais cela demande d'oublier les idéologies.

[( Le dispositif fiscal britannique : l'Enterprise Investment Scheme, EIS.

C'est une réduction d'impôt de 30% de l'investissement réalisé dans une PME mais avec de nombreuses conditions qui n'existent pas dans la loi française, comme la taille qui ne doit pas dépasser 50 salariés, le fait que l'entreprise doit comporter un risque. Le Madelin comme l'EIS représentent un investissement annuel du même ordre, en 2008 760 millions d'euros pour le premier, 760 millions de £ pour le second.

Mais le nombre de contribuables intéressés était de 112.000 pour le premier, 11.000 pour le second. Donc un investissement par contribuable en moyenne de 6.500 euros d'un côté, 70.000 livres de l'autre. Pourquoi ces écarts ? Parce que le plafond d'investissement ouvrant droit à l'avantage fiscal était de 40.000 euros pour un ménage dans le premier cas, de 1 million de livres dans le second.

Mais dans le premier cas, il suffisait de cocher une case dans la déclaration d'impôt sur le revenu ; dans le cas anglais, il faut un dossier avec accord préalable de l'administration fiscale, un rescrit ; et les Britanniques avaient créé un service spécial avec deux antennes en province pour pourvoir accorder ces rescrits en moyenne en un mois.

Dans le premier cas, français, l'avantage fiscal est resté une aubaine ; dans le cas britannique, une incitation qui a permis à environ 2.000 entreprises de recevoir dans leurs premières années 300.000 livres en moyenne de financement. Pas très étonnant si aujourd'hui on dénombre en France seulement 600 gazelles, des entreprises de moins de 5 ans à développement rapide, suivant la définition de l'OCDE (au moins 72% de croissance en 3 ans) et 3.000 en Grande Bretagne.

BZ )]