Tribune

Oui, c'est possible d'économiser 8 milliards sur les dépenses locales !

Les collectivités locales assurent qu'elles ne sont pas responsables de la dette publique. Faux, rétorque Agnès Verdier-Molinié, qui appelle à rationaliser des dépenses très disparates selon les territoires.

Avec un déficit public à 5,8 % du PIB en 2024, soit 169 milliards d'euros, et un cru 2025 qui risque de ne pas être bien meilleur, la France doit trouver d'urgence 40 milliards d'économies pour 2026. Les administrations publiques locales, qui représentent près de 20 % de la dépense publique totale, ont vu leurs dépenses progresser de 13,9 milliards d'euros en 2024. Une augmentation bien supérieure à celle de l'Etat (+ 3,5 milliards) sur la même période.

On entend depuis plusieurs semaines les représentants des collectivités locales dire à quel point nos collectivités ne sont pas responsables de la dette. Et surtout à quel point elles ne pourraient pas faire les 7 à 8 milliards d'euros d'économies qui correspondent à 3 % de leurs dépenses… Le chiffre que retiennent les collectivités est qu'elles ne sont responsables que de 8 % de la dette publique totale.

Ecarts de gestion

En réalité, indirectement, selon les estimations de la Fondation IFRAP, c'est plutôt environ 20 % de la dette publique française qui leur est imputable, compte tenu des transferts de l'Etat à leur égard. Car même si les collectivités ne peuvent s'endetter que pour investir, elles perçoivent chaque année 150 milliards d'euros de transferts, soit un tiers environ des recettes fiscales de l'Etat.

La maîtrise des dépenses de personnel local constitue une priorité.

Un effort de 7 à 8 milliards d'euros d'économies annuelles sur les dépenses locales est parfaitement atteignable, simplement en alignant les dépenses de fonctionnement par habitant des collectivités (hors dépenses sociales et d'investissements) sur la moyenne nationale. On pourrait même envisager de pousser l'effort plus loin.

Car en alignant ces mêmes dépenses sur les 10 % des collectivités les plus efficientes, l'économie potentielle atteint 30 milliards d'euros par an. Ces résultats démontrent l'existence d'un écart significatif de gestion entre des collectivités comparables sur nos territoires.

Pacte de Cahors

Au sein de ces dépenses de fonctionnement, la maîtrise des dépenses de personnel local constitue une priorité. Un simple alignement sur la moyenne permettrait d'économiser autour de 3 milliards d'euros par an. Dont environ 1 milliard de dépenses de personnel des communes, 1,5 milliard dans les intercommunalités, 700 millions dans les départements et 200 millions dans les régions.

Pour atteindre ces objectifs, la réintroduction d'un mécanisme de type pacte de Cahors s'impose. Ce dispositif, qui plafonnait la progression des dépenses de fonctionnement à 1,2 % pour les grandes collectivités, a démontré son efficacité entre 2018 et 2019. Sa suspension pendant la crise sanitaire a entraîné un rebond des dépenses.

Selon nos estimations, si les pactes de Cahors n'avaient pas du tout été suspendus entre 2018 et 2023, cela aurait permis d'économiser 12 milliards d'euros en 2023. L'économie aurait été de 7 milliards s'ils avaient été appliqués de nouveau en 2023 après la période de Covid, comme c'était initialement prévu avant que la Première ministre Elisabeth Borne ne renonce à les faire appliquer.

Dans le contexte budgétaire actuel, chacun doit prendre sa part et l'optimisation de la dépense publique locale de fonctionnement ne constitue pas une option mais un levier important, concret et crédible pour réduire efficacement le déficit sans recourir à des hausses d'impôts. Une démarche fine de comparaison, politique publique par politique publique (petite enfance, voirie, eau, etc.), à l'image de ce que pratique l'Italie pour ses collectivités locales, permettrait une convergence vers les meilleures pratiques. Le freinage des dépenses de fonctionnement des collectivités locales est une nécessité. Une contractualisation avec un pacte d'efficience local doit revoir le jour le plus rapidement possible.