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L’iceberg de la dette se rapproche

Il y a un an, nous mettions en garde dans ces pages sur le risque de dérapage du coût annuel de la dette publique. En alertant sur le fait que les taux sur la dette pouvaient monter jusqu’à 4 % et que sa charge allait atteindre 80 milliards d’euros. Que n’avait-on osé dire ? Nous avons reçu immédiatement des messages incendiaires de Bercy.

Cette tribune a été publiée dans les pages du JDD, le dimanche 1er mai 2023. 

Depuis, que s’est-il passé ? La charge annuelle de la dette a explosé. Elle a dépassé les 50 milliards en 2022 en comptabilité nationale. En comptabilité budgétaire, soit ce que l’on dépense vraiment dans l’année, on est déjà en 2022 au-delà des 70 milliards d’euros sur l’ensemble des administrations publiques, selon nos calculs.

Même si le nouveau programme de stabilité 2023-2027 essaie de minorer au maximum le coût annuel de la dette en ne comptant pas le coût des services d’intermédiation financière et en sous-estimant l’inflation, les faits sont là. Nous basculons dans l’ère où nos plus de 3 000 milliards de dette coûteront plus cher par an que l’Éducation nationale, premier poste budgétaire de l’État. Cela fait froid dans le dos.

Quant aux taux d’intérêt dont « personne n’anticipait » à Bercy un niveau à 4 %… le taux de la dette à dix ans est déjà à 3 %. Le gouvernement anticipe même pour fin 2023 le taux de la dette à trois mois à 3,9 %, et à 3,4 % sur la dette à dix ans. Une situation abracadabrantesque qui ne laisse rien augurer de bon. Et, là encore, ce sont des prévisions basses puisque le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement de la BCE est déjà à 3,5 %…

De quoi faire cogiter les agences de notation. Car attention, comme la BCE n’achète plus notre dette publique, il faut de nouveau convaincre les investisseurs du sérieux de la gestion de la France. D’où le fait que le gouvernement communique à fond en ce moment sur la nécessité du désendettement et du civisme fiscal ; d’où la nouvelle opération « en avoir pour mes impôts ».

Remettre au centre la question lancinante du consentement à l’impôt lorsque notre taux de prélèvements obligatoires n’a jamais été aussi haut, à 45,3 % du PIB, est une bonne chose, tout comme remettre sur le métier la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Mais cela ne suffira pas pour calmer le ras-le-bol fiscal qui court à bas bruit dans notre pays. Comme ne suffiront pas les baisses de dépenses de 5 % par ministère pour arriver à un déficit de 2,7 % du PIB en 2027.

Messieurs de Bercy, il va falloir cette fois aller plus loin dans l’anticipation et la transparence vis‑à-vis des ­Français. Sinon, le scénario noir qui nous guette est bel et bien celui de la hausse des impôts que vous déguiserez en « baisses de dépenses fiscales ».

C’est d’ailleurs clairement prévu dans le programme de stabilité pour une dizaine de milliards de hausses d’impôts par an par le biais de « la réduction de certaines dépenses fiscales et sociales inefficaces ». Des rabotages de niches jamais précisément nommées, tout comme le renoncement gouvernemental aux baisses de l’impôt sur les successions. Il est temps d’arrêter de compter sur l’inflation pour remplir les caisses en recettes fiscales, sur la suppression des boucliers tarifaires et de niches pour équilibrer les comptes. Et plus que temps de dégainer un plan de baisse des dépenses digne de ce nom pour éviter à la fois la boule de neige de la charge de la dette et la hausse des impôts.