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Le taux de prélèvements obligatoires explose à 45,2% du PIB en 2022

Les raisons sous-jacentes

Le taux des prélèvements obligatoires constitue un premier indicateur avancé du niveau de pression fiscale existant en France. Pour 2021 celui-ci est évalué à 44,3% du PIB, mais atteindrait 45,2% en 2022 pour redescendre ensuite à 44,7% en 2023, d’après les documents annexés au projet de loi de finances 2023. Un niveau jamais atteint encore en 2022 puisque le dernier pic a été atteint en 2017 avec 45,1%. Il s’agit du taux de P.O. net des crédits d’impôt suivant la méthodologie de l’INSEE.

Une augmentation des P.O. à 45,2% en 2022, soit +0,9 point par rapport à 2021

L es documents budgétaires, RESF 2023, PLPFP 2023-2027, PLF 2023, expliquent globalement cette hausse par un dynamisme inédit des recettes fiscales et sociales. Leurs produits résulteraient d’une élasticité supérieure à la croissance (1,5) liée au rebond intervenu en 2021 en sortie de crise, qu’il s’agisse de la création de richesse ou du dynamisme de la masse salariale, ce qui se répercuterait « mécaniquement » en 2022.

La décomposition de l’effet volume (hors effets de l’inflation) sur l’évolution des prélèvements obligatoires se décompose comme suit :

P.O. nets des crédits d’impôts en % du PIB

2021

2022

2023

Var 2022-21

Etat

12,3%

12,9%

12,5%

0,6%

ODAC

0,7%

0,7%

0,7%

-0,1%

ASSO

24,5%

24,9%

24,8%

0,4%

APUL

6,5%

6,5%

6,4%

0,0%

UE

0,2%

0,2%

0,2%

0,0%

APU

44,3%

45,2%

44,7%

0,9%

Source : RESF 2023

Il en résulte une décomposition en niveaux permettant de faire la part entre l’effet volume et l’effet prix (inflation) :

P.O. nets des crédits d’impôts en Mds €

2021

2022

2023

Var 2022-21 en valeur

Var 2022-21 en volume

Var 2022-21 effet prix

Etat

308

341,9

346,1

33,9

17,28

16,62

ODAC

18,5

17,2

19

-1,3

-2,45

1,15

ASSO

612,9

657,9

685,9

45

10,89

34,11

APUL

162,6

171,1

176,9

8,5

-0,71

9,21

UE

5,7

6,0

6,2

0,3

-0,02

0,32

APU

1107,7

1194,1

1234,1

86,4

24,98

61,42

Source : RESF 2023

Il apparaît que l’augmentation en valeur des P.O. entre 2021 et 2022 atteindrait les 86,4 milliards d’euros, dont un effet prix de 61,42 milliards et un effet volume de 25 milliards d’euros environ. Dont en niveau :

  • +33,9 milliards d’euros en valeur au niveau de l’Etat dont 17,3 milliards en volume,
  • +45 milliards d’euros en valeur au niveau des ASSO (administrations de sécurité sociale), dont +11 milliards en volume.,
  • La contribution des autres postes étant très faible, voire négative en valeur comme en volume (y compris les APUL, donc les recettes fiscales et sociales des collectivités territoriales en volume).

Par ailleurs cette augmentation résulterait d’une hausse spontanée des prélèvements obligatoires corrigée de mesures fiscales discrétionnaires du gouvernement pour un solde de -4,7 milliards d’euros (et de -3,6 milliards d’euros hors effet de périmètre lié à France Compétences).

Principales mesures discrétionnaires en 2022

Intitulé

Volume

Baisse TICFE

-7,4

Redevance TV

-3,2

Baisse TH

-2,8

CVAE part régionale

-1,1

Gain sur les charges de SPE

9,6

Baisse du taux d'IS

-2,8

Autres (exhaustif)

3

Total (exhaustif) y.c. France Compétence

-4,7

Source : RESF 2023

Les explications des hausses de P.O. intervenues en 2022 sur le champ de l’Etat

Au niveau de l’Etat, et en comptabilité nationale, la hausse des « impôts » stricto sensu (hors cotisations sociales) augmenterait de près de 33 milliards d’euros, à 333 milliards contre 300 milliards en 2021.

Décomposition de la comptabilité nationale

2021

2022 (p)

S13111 - État

308,0

341,9

            - Impôts (*)

300,0

333,4

            - Cotisations sociales (**)

8,0

8,5

Source : INSEE 2022, calculs de la fondation iFRAP octobre 2022.

Cette augmentation se répercuterait en comptabilité budgétaire (qui ne s’intéresse qu’au périmètre fiscal), par une augmentation (en comptabilité de caisse et non plus d’engagement) de 19,4 milliards d’euros en 2022 par rapport à 2021 et de 27,5 milliards d’euros entre la LFI 2022 et la nouvelle estimation lors du PLF 2023 :

 

2021

2022

Var 2021-2022

Var 2022 PLF 2023-LFI 2022

Comptabilité budgétaire

Exécution

LFI

LFR 1

PLF 2023

 

 

Impôt net sur le revenu

78,7

82,4

85,3

86,8

8,1

4,4

Impôt net sur les sociétés

46,3

40

56,8

59

12,7

19

TICPE nette

18,3

18,2

18,1

18

-0,3

-0,2

Taxe sur la valeur ajoutée nette

95,5

98,4

101,2

102,1

6,6

3,7

Autres recettes fiscales nettes

56,9

48,6

50,2

49,3

-7,6

0,7

Recette fiscales nettes

295,7

287,6

311,6

315,1

19,4

27,5

Source : PLF 2023

Le différentiel entre la comptabilité nationale et la comptabilité budgétaire +33 milliards contre +19,4 milliards, outre la clé de passage, doit s’analyser comme comportant un différentiel de 9,6 milliards sur les gains sur les charges du service public de l’énergie. Le RESF précise en effet que « l’hypothèse ét[ait] faite que ces dernières relèvent en comptabilité nationale de la catégorie des taxes sur les produits lorsque les prix de marché sont supérieurs aux prix de référence (…). » Ils ne sont, bien entendu, pas retracés en tant que tels dans les produits fiscaux en comptabilité budgétaire.

D’un point de vue strictement fiscal, on relève que l’IR augmenterait de 8,1 milliards entre 2021 et 2022 et de +4,4 milliards entre la LFI 2022 et l’évaluation du PLF 2023 pour l’année 2022. Son rendement serait tiré par l’augmentation des revenus intervenus en 2021 (et à régulariser lors de la déclaration fiscale 2022, donc en 2022) ainsi qu’en 2022. On peut relever toutefois que l’indexation du barème qui intervient en prenant en compte l’inflation intervenue en n-1 au lieu de l’année n (contrairement au PAS qui se veut contemporain), aboutit en pratique à augmenter le rendement fiscal de près de 4,7 milliards d’euros[1] (le gain attendu de la prise en compte de l’inflation 2022 en 2023 devrait faire faire des économies au contribuable de 6,2 milliards d’euros, pour une inflation retenue à 5,3%, contre des économies en 2022 de seulement 1,5 milliard d’euros pour une inflation 2021 anticipée à 1,4%). Le reste du rendement serait dû uniquement à l’effet « base » (croissance du revenu fiscal de référence). S’y ajouterait un effet « base » 2021 en 2022 de 2,6 milliards, ainsi qu’une hausse des dividendes et des intérêts perçus par les ménages assujettis au prélèvement forfaitaire obligatoire (+0,8 milliard).

S’agissant de l’IS, soit +12,7 milliards d’euros entre 2022 et 2021 et +19 milliards d’euros entre l’anticipation 2022 du PLF 2023 et la LFI 2022, l’explosion de rendement proviendrait de l’effet « double » sur les acomptes sur le solde de la très bonne tenue du bénéfice fiscal 2021 (+41%, d’où une évolution spontanée de +24,6% de l'IS), mais aussi d’autres éléments associés (+3,7 milliards) :

  • Effets sur l’IS de la transformation du CICE en exonérations de cotisations +1,7 Milliards ;
  • Effets sur les recettes d’IS de la baisse des impôts de production (+1,3 Milliards) ;
  • Fin des dispositifs de crise de report en arrière des déficits (+0,5 milliard) ;
  • Fin du crédit d’impôt transition énergétique (+0,5 milliard).

Enfin la TVA augmenterait de 6,6 milliards en 2022 par rapport à 2021 et de 3,7 milliards entre la LFI 2022 et l’estimation 2022 du PLF 2023 : « l’évolution spontanée de la TVA serait plus rapide [+10,2%] que la croissance de son assiette économique (les emplois taxables) [+9,4%] », ce qui peut s’expliquer par la très forte inflation.

Les prélèvements obligatoires augmenteraient de 45 milliards sur le champ des ASSO

Sur le champ des administrations de sécurité sociale, les prélèvements obligatoires augmenteraient de 45 milliards par rapport à 2021 en valeur et de 11 milliards en volume. En effet les recettes des ASSO augmenteraient de 7,2% en 2022 après +8,2% en 2021, mais ce relatif « tassement » en volume proviendrait du fait que « la croissance des cotisations est moins dynamique que celle de la masse salariale privée » du fait d’une forte hausse des allègements généraux. Cependant, comme le relève la Cour des comptes[2], il y aurait un effet 2022 sur le montant des cotisations et contributions des travailleurs indépendants « dans le cadre de plans d’apurements » soit +4,2 milliards d’euros. Il s’agirait donc de reports de créances qui seraient encaissées par les URSSAF en 2022, des reports de créances d’entreprises doivent également affecter les augmentations des recettes des ASSO suivant un volume pour le moment indéterminé.


[1] Voir notre estimation avec des anticipations d’inflation un peu différentes : https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/il-est-urgent-de-revaloriser-les-baremes-de-lir-et-de-lifi. Un chiffre très proche de celui avancé par la Direction du Trésor dans le RESF  2023 p.95 : « Ce dynamisme s’expliquerait d’une part par le solde (+2,6 milliards) en raison du rebond économique de l’activité économique observée en 2021 et, d’autre part, par le prélèvement à la source 2021 (+4,2 milliards) du fait d’une masse salariale assujettie particulièrement dynamique en 2022. »

[2] Cour des comptes, La sécurité sociale en 2022, octobre 2022, p. 94, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-10/20221004-rapport-securite-sociale-2022_0.pdf#page=94