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La croissance 2021 est financée par le déficit

6,25 % de croissance en 2021. Le verdict vient de tomber. « La croissance est forte, elle est solide, elle est dynamique »… Dans son rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2022, le gouvernement affirme même que « la France a connu une croissance plus importante que ses principaux partenaires européens depuis 2017 ». Le pays devrait effectivement afficher une des croissances les plus fortes de l'Union européenne en 2021 avec 6,3 % attendus par l'OCDE, contre 5,3 % prévus en zone euro.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le lundi 18 octobre 2021. A voir, en cliquant ici.

D'où viennent ces bons résultats ? Selon le gouvernement, c'est le dynamisme de l'investissement de nos entreprises qui fait la différence. En 2021, la hausse de l'investissement des entreprises est évaluée à +12 %. Soit. Mais les 6,25 % ne sont-ils pas aussi issus de l'ouverture des vannes de dépenses publiques en 2021 par le même gouvernement ?

Le chéquier est ouvert

Quand on décompose les contributions des secteurs pour une croissance à 6 %, on se rend compte que celle de la consommation publique des administrations est plus importante que celle de la consommation des ménages soit +2,1 points face à +1,8… et que la contribution de la dépense globale des administrations publiques atteint 2,5 points. Plus d'un tiers de la croissance de 2021 est donc lié à l'explosion de la dépense publique sous toutes ses formes (directes : fonctionnement et investissements ; ou indirecte : transferts).

Pas grave si c'est de la dépense publique d'investissement, diront certains. Mais, en réalité, la contribution de l'investissement des administrations publiques représente seulement 0,4 point dans les 6 % de croissance en 2021. C'est peu.

En 2021, les dépenses de fonctionnement sont reines. Entre 2020 et 2021, la dépense publique de fonctionnement a bondi de près de 48 milliards d'euros. On entend déjà la réplique : oui, mais les autres pays font comme nous, ils ont lâché les vannes de la dépense publique.

Verdict sans appel

Il faut dire que le chéquier est particulièrement ouvert en ce moment avec les promesses de dépenses supplémentaires pour 2021 (chèque énergie additionnel à 580 millions d'euros par exemple) et les promesses de dépenses en plus pour 2022 non budgétées dans le PLF envoyé au Parlement (grand plan d'investissement, revenu d'engagement…).

Si l'on se penche sur la comparaison France/Allemagne, alors le verdict est sans appel. Certes, l'Allemagne va clôturer l'année 2021 avec une croissance estimée à 3,4 % qui semble très loin des 6 % de la France mais, outre-Rhin, c'est vraiment l'investissement privé et le solde extérieur, donc les exportations, qui la dynamisent avec plus des deux tiers de création de valeur ajoutée privée, alors qu' en France, c'est un peu plus de la moitié seulement.

En clair, si nous n'avions pas des dépenses publiques de fonctionnement aux vannes ouvertes pour 2021, nous aurions la même croissance peu ou prou que l'Allemagne… L'effet rebond tant vanté est donc largement dû à la relance par la dépense du secteur public. Relance financée par le déficit (203 milliards d'euros en 2021) et la dette (185 milliards de dette en plus).

Dégonflement de l'épargne

Cette croissance financée à crédit est-elle pérenne ? Pas vraiment, sauf à accepter la poursuite de la dégradation des finances publiques. Le gouvernement a assis sa prévision (optimiste) de 4 % de croissance pour l'année prochaine sur l'hypothèse d'un dégonflement quasi-complet de l'épargne des ménages constituée pendant les confinements et donc un regain de croissance de la consommation privée. Ce regain de consommation privée permettrait de compenser le recul de la dépense publique qu'il a inscrit dans sa prévision pour 2022.

Sauf qu'on est en campagne et qu'il y a fort à parier que le dérapage des dépenses publiques va continuer aussi en 2022, continuant de gonfler artificiellement la croissance en la finançant par du déficit.