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« Impôts, dépenses publiques et dette : un budget 2020 qui rappelle Hollande »

« Pas de vague » : tel pourrait être le résumé du budget de l’État pour 2020, troisième du président Macron. L’ambition essentielle du projet de loi de finances est de ne pas « casser la croissance ». L’argument, commode, avait déjà été invoqué par le prédécesseur d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Il permet de justifier le choix de ne pas baisser la dépense publique aussi vite que les prélèvements obligatoires. Nous voilà toujours dans l’ancien monde et son keynésianisme caricatural, qui ne taille jamais dans les dépenses tout en conservant un déficit élevé.

Selon le gouvernement, en 2020, les dépenses publiques baisseront en part de PIB. En réalité, elles vont augmenter de 0,7 % en volume l’an prochain, soit une augmentation de 23,7 milliards en valeur. En valeur toujours, en 2020, selon l’évaluation de l’Ifrap, la dépense publique atteindra plus de 1.350 milliards d’euros (crédits d’impôts inclus). Ce n’est pas vraiment mieux que sous François Hollande, où la dépense publique avait augmenté de 102 milliards, soit 20 milliards d’euros de plus par an en moyenne pendant son quinquennat.

Certes, si l’on s’en tient à l’affichage, le niveau des dépenses publiques baisse de 0,4 point de PIB. Mais cela résulte d’un décompte des dépenses qui met de côté les crédits d’impôts. En outre, le déficit public s’élève à 2,2 % s’agissant du solde structurel (hors prise en compte de la conjoncture), soit environ 50 milliards d’euros. Pas de quoi pavoiser. Pour la troisième année consécutive, il n’y aura quasiment aucune baisse du déficit structurel (0 % en 2020 contre 0,1 % en 2018 et 2019…) Dommage, car c’est sur ce volet qu’on attendait une action vigoureuse du gouvernement. Là encore, pas de « politique autrement » en vue, au-delà des discours.

L’affichage du gouvernement

Pour tout arranger, la baisse des effectifs dans la fonction publique est quasi nulle : 47 postes équivalents temps plein pour l’ensemble de l’État et des opérateurs ! Dans le détail, les efforts sont très contrastés. Reconnaissons-le, Bercy est irréprochable avec 1.666 agents en moins. Mais d’autres ministères ne font quasiment aucun effort comme l’Éducation nationale (42 postes en moins). Les ministères régaliens de l’Intérieur, de la Justice et de la Défense sont, à juste titre, préservés, et voient leurs effectifs respectivement augmenter de 1.536, 1.520 et 274 agents.

Depuis quelques années, la masse salariale de l’État n’est plus précisée dans le projet de loi de finances. Où est passée la sacro-sainte transparence ? On sait aujourd’hui que, en 2019, la masse salariale de l’État a augmenté de presque 2 milliards, et il en allait de même en 2018. Le gouvernement a claironné une baisse des prélèvements obligatoires (hors crédits d’impôts) de 1,3 point sur l’ensemble du quinquennat. Impôts et cotisations sociales représenteront ainsi, nous dit-on, « seulement » 43,9 % du PIB en 2022. Mais considérons 2020 : nous assisterons bel et bien, l’an prochain, à une augmentation des prélèvements obligatoires en valeur de 18 milliards d’euros. L’hypothèse de croissance retenue joue à plein pour l’affichage gouvernemental.

Le gouvernement affiche une baisse de 9,3 milliards d’impôts pour les ménages l’an prochain (l’essentiel vient de la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu annoncée) et de 0,9 milliard pour les entreprises. Mais rien n’est moins sûr. Ces évaluations ne comprennent pas, curieusement, les recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés liées à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de charges en 2019 (recettes supplémentaires qui s’élèvent à 5,9 milliards tout de même) ; ni les rentrées fiscales supplémentaires liées au prélèvement à la source (soit 2 milliards en 2019).

L’interrogation grandit quand on constate, dans les documents budgétaires, la dynamique spectaculaire de la recette de l’impôt sur le revenu des ménages entre 2019 et 2020. Malgré les 5 milliards de baisse annoncés, la recette de l’impôt sur le revenu des particuliers passe de 72,6 à 75,5 milliards d’euros. Faut-il voir dans ce paradoxe une conséquence du prélèvement à la source, générant de confortables recettes supplémentaires pour l’État ?

Un anesthésiant collectif

Il en va de même pour la recette d’impôt sur les sociétés qui passe de 31,8 à 48,2 milliards, bond énorme, alors que l’impôt sur les sociétés est censé baisser. La fin du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’explique pas l’intégralité de cette hausse de recette. Il n’est donc pas impossible que les entreprises françaises aient à subir, en 2020, presque autant de hausses d’impôts que de baisses. Notre moral ne s’améliore pas quand on considère la situation de la dette publique. L’Insee vient de donner les chiffres pour le deuxième trimestre 2019, une dette de 2.375,4 milliards d’euros soit 99,5 % du PIB… Le quasi-statu quo est favorisé par l’opportunité que représentent les taux d’intérêt négatifs. Plus la France s’endette, plus la charge de sa dette fond.

La seule vraie bonne nouvelle, la baisse de la charge de la dette, est aussi un anesthésiant collectif. La charge de la dette passerait de 40,42 milliards en 2019 à 38,56 milliards en 2020. Or, malgré l’accumulation des taux négatifs et des primes d’émissions, ce niveau se maintiendrait à 38,87 milliards en 2022, alors qu’il devrait logiquement être plus bas encore. La charge de la dette semble ici surévaluée si les taux se maintiennent très bas.

Surtout, le risque est élevé que cette facilité conjoncturelle soit considérée comme le moyen de ne pas faire d’efforts structurels pour baisser les dépenses publiques. La baisse de la charge de la dette de l’État le soulage à court terme mais l’incite à la facilité à moyen et long terme.

De façon générale, les hypothèses affichées des finances publiques (baisse de la dépense, baisse des prélèvements, stabilisation de la dette) reposent avant tout sur la croissance. Pour la troisième année consécutive, la France ne respecte pas ses engagements européens (qui exigent un effort minimal de 0,5 point de PIB par an pour baisser le déficit structurel). La situation financière de la France est particulièrement fragile. Nous n’avons pas de marges budgétaires importantes pour faire face à des chocs externes (Brexit, guerre commerciale Chine-États-Unis, crise pétrolière). En cas de gros temps, le gouvernement semble placer tous ses espoirs dans la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne. Un choix risqué pour les Français. Malgré des progrès sur certains points, les finances publiques ne sont pas en voie de redressement.

Cette tribune a été publiée, samedi 28 septembre 2019, dans les pages du Figaro.