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Et si on économisait 273 milliards en s’inspirant de la Banque de France ?

En 2016, avec l’élaboration de son plan « Ambitions 2020 », la Banque de France s’était fixé comme objectif de réduire de 10% ses dépenses nettes d’ici fin 2020 par rapport à 2015. Objectif atteint et dépassé à 18% de baisse de dépenses en prenant en compte les résultats de 2021, année clôturée avec 857 millions d’euros de dépenses. Transposé à l’Etat français, champion européen incontesté des dépenses publiques, les administrations publiques françaises pourraient économiser 273 milliards d’euros et ainsi éradiquer le déficit public en s’imposant cette même rigueur (sur la base des 1 518 milliards d’euros qui devraient être dépensés en 2022).

Le plan de transformation « Ambitions 2020 » 

Alors que François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France depuis 2015, réclame une meilleure efficacité des dépenses publiques et dénonce un modèle français trop onéreux, fixant notamment l’objectif de ramener la dette publique sous 100% du PIB d’ici une dizaine d’années, d’aucuns auraient pu exiger de lui de balayer devant sa porte et de s’appliquer la même rigueur. Or, c’est chose faite à la Banque de France.

En effet, la Banque de France a établi dès 2016 un plan de transformation nommé « Ambitions 2020 ». « Ambitions » au pluriel car le plan reposait sur 10 objectifs à atteindre pour l’année 2020, parmi lesquels, notamment, des objectifs de formation, d’effectifs et de recrutement, de confiance et de satifsaction envers l’institution, de modernisation, d’investissements… et aussi d’une baisse de 10% de ses dépenses nettes d’activité par rapport à 2015.

Objectifs du plan « Ambitions 2020 » de la Banque de France et leur réalisation

Depuis 2015, la Banque de France a réduit ses dépenses de 18%

En 2015, les dépenses de la Banque de France s’élevaient à 1,049 milliard d’euros. Or, l’institution publique est parvenue à progressivement réduire ses dépenses chaque année, pour que ces dernières atteignent 912 millions d’euros en 2020, soit une baisse de 137 millions d’euros, excédant donc de 3 points de pourcentage, à hauteur de 13%, l’objectif de 10% de réduction en cinq ans[1]. La trajectoire s’amplifie même avec les comptes de l’année 2021 lors de laquelle les dépenses d’activité s’élèvent à seulement 857 millions d’euros[2], équivalent à une baisse de 18% des dépenses en euros courants depuis 2015.

Dépenses nettes de la Banque de France, en millions d'euros*

*Valeurs en euros courants

La France pourrait économiser 273 milliards d’euros et éradiquer le déficit public

Si l’on cumule les dépenses de toutes les administrations publiques françaises (Etat, organismes divers d’administration centrale, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale), la Fondation iFRAP table sur 1 518 milliards d’euros de dépenses publiques pour l’année 2022.

Or, la tendance observée par la France est inverse à la Banque de France, les dépenses publiques, qui atteignaient 56,7% du PIB en 2016, s’élèvant à 57,9% du PIB en 2021. Le déficit public, lui, alors qu’il représentait 3,5% du PIB en 2015, devrait atteindre 5% du PIB en 2022 à hauteur de 132,6 milliards d’euros.

Si la France s’imposait la même rigueur budgétaire que la Banque de France au cours des six dernières années, c’est-à-dire 18% de baisse de dépenses, elle pourrait économiser 273 milliards d’euros sur la base des dépenses 2022 et ainsi éradiquer le déficit public, chiffres et objectifs dont pourrait s’inspirer le gouvernement.

25% de baisse d’effectifs comme principal levier

Si la Banque de France a autant diminué ses dépenses nettes depuis 2015, c’est notamment par une réduction de ses dépenses de fonctionnement et une baisse importante de ses effectifs. Alors qu’elle comptait 12 269 équivalents temps plein en 2015, ce nombre a été porté à 9 290 en 2021[3], soit une baisse de près de 25%. Cela a notamment été possible grâce à la non-compensation de nombreux départs à la retraite, sans pour autant empêcher le recrutement de près de 2 000 nouveaux agents depuis 2015.

La baisse des dépenses a également été rendue possible par une régulation de la politique de rémunération et la stabilisation des frais généraux à leur niveau de 2015.

Près d’1 milliard d’euros investi en cinq ans

Alors que la Banque de France s’était fixée comme objectif de réaliser environ 1 milliard d’euros d’investissements sur la période 2015-2020, 964 millions d’euros ont été investis en cinq ans, dont 362 millions d’euros pour « Ambitions 2020 » et la modernisation du réseau. Outre la digitalisation des processus et des postes de travail, la création en 2017 du laboratoire innovant « Le Lab » est à souligner avec un nouveau recours fait à la blockchain, au big data, à l’intelligence artificielle, etc., qui a facilité le renouvellement des pratiques et la transformation des activités.

175 millions d’euros ont été investis au total en 2021, la Banque de France visant désormais 800 millions d'investissements d’ici la fin de l’année 2024, échéance pour laquelle une dizaine de repères à réaliser ont déjà été établis avec le plan « Construire ensemble 2024 ».

Moins de dépenses certes, mais pour quelle qualité des services ?

Si la Banque de France a réduit ses dépenses et ses effectifs, les services qu’elle rend n’ont pas perdu en qualité, du moins selon le degré de satisfaction des bénéficiaires. En effet, 86% des usagers s’estimaient satisfaits ou très satisfaits des prestations de la Banque de France en 2019, et ce nombre a même grimpé à 87% à la fin de l’année 2021. La Banque se fixe désormais l’objectif d’atteindre 90% de taux de satisfaction d’ici 2024. Par ailleurs, le degré de confiance des agents employés dans l’avenir de la Banque de France est passé de 42% en 2018 à 60% en 2020.

Ce qu’il faut en retenir

En somme, il est donc tout à fait possible de réduire dépenses et effectifs tout en assurant des services de qualité. La gestion de la Banque de France en est un très bon exemple. Peut-être que l’Etat pourrait s’en inspirer en se recentrant sur ses missions régaliennes et en assurant une meilleure efficacité des services publics, qui plus est à la lumière des récentes déclarations de l’économiste Patrick Artus[4], qui affirme que le manque de productivité de nos services publics s’élève à 85 milliards d’euros, productivité inférieure de 10 à 15% à celle de l’Allemagne.


[1] Rapport Annuel de la Banque de France, 2020

[2] Rapport Annuel de la Banque de France, 2021

[3] Ibid

[4] Vignaud, Marc « Artus : « Il faut baisser massivement les impôts de production  », Le Point, 21 juin 2022