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Budget 2021 : agences de l’Etat, on en est où ?

Les opérateurs de l’Etat représentent un angle mort de l’examen du PLF annuel. Bien qu’un « jaune budgétaire » leur soit consacré, aucun rapporteur spécial ne s’attelle à l’analyse de ce secteur des administrations centrales de façon globale. Toutefois cette année de bonnes nouvelles sont au rendez-vous avec notamment une amélioration de la richesse des données fournies par les documents budgétaires et une prévision de dépenses globalement « maîtrisées ». On regrettera cependant que la question plus large des « agences » ne soit toujours pas traitée comme elle le mérite. A ce titre il n’existe toujours pas de document détaillant les éléments financiers des ODAC (organismes divers d’administration centrale) qui seuls avec l’Etat définissent le solde des APUC (administrations publiques centrales) : Etat central et ses satellites.

Une rationalisation des opérateurs en cours…

Tout d’abord une bonne nouvelle, le nombre des opérateurs est en baisse. Les données fournies sont claires : le périmètre des opérateurs passe, entre 2020 et 2021, de 483 à 437 unités, soit une baisse de 9,53% (-46). Par rapport à 2008, la chute semble vertigineuse, il y en avait 649, soit une baisse de -32,67%.

Plus structurelle cependant est la manière dont cette baisse est obtenue. On assiste ainsi, contrairement à 2008 ou 2016, à des baisses obtenues par suppressions nettes plutôt que par fusion ou par effets de périmètres (reclassement au sein des ODAC non considérés comme opérateurs). Ainsi l’ensemble des chancelleries des universités, hors celle de Paris, sont supprimées, tout comme la plupart des communautés d’universités et d’établissements (COMUE). D’autres sont fusionnés à cause de redécoupages territoriaux comme les ARS, suite à la création des nouvelles régions, ou l’Office français pour la biodiversité réunissant l’AFB (Agence française de la biodiversité) et l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage). Enfin on assiste à la création de nouveaux opérateurs comme l’Etablissement chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Périmètres

Opérateurs

Nombre d'entités en 2020

483

Créations

+13

dont à partir d'opérateurs existants

+9

Suppressions

-59

dont à partir de fusion

-18

Nombres d'entités en 2021

437

Source : Annexe, PLF 2021

Il n’est pas possible cependant de vérifier l’état de la population des ODAC (puisque la publication par l’INSEE en mai 2020 de la liste, l’arrête avec 2 années de retard, soit en 2018) pour vérifier si un mécanisme similaire s’y opère et contrôler les effets de « vases communicants » (pour la population des entités classées ODAC et non opérateurs).

Il apparaît simplement que les opérateurs classés également dans les ODAC en 2021 sont au nombre de 328, tandis que les opérateurs hors ODAC (et donc comptabilisés dans le périmètre de l’Etat en comptabilité nationale) s’élèvent à 109. Depuis notre dernier pointage en 2020, il apparait que les opérateurs hors ODAC croissent (+5), tandis que les opérateurs inclus dans les ODAC baissent (-52).

… qui se vérifie peu à peu dans les comptes :

Mais cette baisse faciale de la population des opérateurs, ne se traduit pas encore dans les comptes publics : on n’assiste pas à une « ré-internalisation » massive dans les ministères ou à un contrôle poussé de l’évolution des financements publics :

 

A budget courant

A budget constant

Financement des opérateurs par l'Etat

LFI 2020

PLF 2021

Var

Var %

LFI 2020

PLF 2021

Var

Var %

SCSP

29,14

29,64

0,50

1,72%

29,31

29,64

0,33

1,12%

Dotations en fonds propres

0,67

0,57

-0,09

-13,75%

0,67

0,57

-0,09

-13,75%

Transferts

13,30

15,37

2,06

15,51%

13,30

15,37

2,06

15,51%

Total budget général

43,11

45,58

2,47

5,74%

43,28

45,58

2,30

5,32%

Taxes affectées

17,63

17,63

-0,0022

-0,01%

17,61

17,63

0,0133

0,08%

Total financement public

60,74

63,21

2,47

4,07%

60,89

63,21

2,31

3,80%

Source : Annexe « opérateurs », PLF 2021

Si l’on excepte l’arrivée dans le périmètre des opérateurs en 2020 et des ODAC de France Compétence (agence en charge du suivi de la formation professionnelle, transférée aux régions), ce qui rend peu comparable le niveau des financements publics de 2019 par rapport à ceux de 2020, on vérifie qu’à périmètre courant comme constant, le total des financements publics augmente plus vite que l’inflation soit 4,07% (courant) contre 3,80% (constant) à 63,21 milliards d’euros, soit +2,3 milliards d’euros (contre une inflation de 0,6% pour 2021). Une hausse qui s’explique quasiment exclusivement par les transferts, c’est-à-dire par les crédits d’interventions, portés avant tout par l’Agence des services de paiements (ASP) qui se charge entre autres des subventions de la politique agricole commune (2021-2027), ainsi que par l’ANR (agence nationale de la recherche) dans le cadre de la programmation pluriannuelle de la recherche. On peut donc parler de forte décélération pour 2021, contrairement à ce qu’une lecture « en surface » des financements publics alloués pourrait faire croire. Cependant, on n’assiste pas encore à une baisse.

Pour juger de l’effet bascule opérateurs/ODAC, lorsqu’ils sont hors champ opérateurs, on peut vérifier le dynamisme financier de ces derniers en comptabilité nationale.

 

Evolution des recettes et dépenses des ODAC

(Organismes divers d'administration centrale)

Milliards €

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Var

2020-21

 

P.O.

15,9

17,3

18,0

19,9

13,6

14,6

12,3

20,4

20,8

18,8

-2

 

Recettes

80,0

86,4

90,5

87,6

74,7

76,9

76,7

86,8

122,3

95,1

-27,2

 

Dépenses

82,6

85,0

87,9

90,1

80,9

81,3

79,2

89,1

97,5

97,4

-0,1

 

Solde

-2,6

1,3

2,6

-2,5

-6,2

-4,4

-2,5

-2,3

24,8

-2,3

-27,1

 

Solde hors reprise de dette

 

 

 

 

 

 

 

-2,3

-0,2

-2,3

-2,1

 

Sources : RESF 2021[1], INSEE[2], Fondation iFRAP octobre 2020

On relève que hors recettes exceptionnelles liées en particulier à la reprise de la dette SNCF Réseau par l’Etat en 2020 (25 milliards enregistrés en dépenses au niveau de l’Etat et en recettes exceptionnelles au niveau des ODAC), les dépenses des ODAC semblent maîtrisées. On remarquera cependant que la situation déficitaire de 2019 se reproduirait en 2021 à -2,3 milliards d’euros, alors que les dépenses baisseraient pourtant de 100 millions d’euros environ. Tout laisse donc à penser qu’une meilleure contrainte des dépenses (recherche d’économies structurelles) devrait aboutir à mieux piloter leur solde, ce qui relève des tutelles ministérielles concernées en agissant de façon plus volontariste sur les ODAC situés dans le champ des opérateurs.

Des personnels et une masse salariale toujours dynamiques ?

S’agissant de la maîtrise des effectifs, la situation est contrastée mais tend vers une « sincérisation » accrue sur le plan budgétaire. En effet, bien que les emplois sous plafonds (ETPT) augmentent de 3.155 ETPT, et que les emplois permanents rémunérés par les opérateurs sur fonds propres augmentent également de 704 ETPT, l’ensemble des emplois rémunérés par les opérateurs ne croît que de 2.916 ETPT à cause de la baisse drastique du nombre de contrats aidés et d’apprentissage.

En ETPT

LFI 2020

PLF 2021

Var

Emplois rémunérés par l'opérateur sous plafond

401 997

405 152

3 155

Emplois rémunérés par l'opérateur hors plafond

56 136

56 840

704

+ contrats aidés rémunérés par l'opérateur

1 050

343

-707

+ apprentis rémunérés par l'opérateur

1 270

1 034

-236

Total des emplois rémunérés par les opérateurs

460 453

463 369

2 916

Emplois rémunérés par l'Etat par le programme de rattachement de l'opérateur

17 953

10 854

-7 099

Emplois rémunérés par l'Etat par d'autres programmes

3 457

3 462

5

Emplois rémunérés par d'autres collectivités

159

326

167

Total des emplois en fonction dans les opérateurs de l'Etat

482 022

478 011

-4 011

Source : Annexe « opérateurs », PLF 2021

Par ailleurs le nombre d’emplois portés par les ministères (mises à disposition) baisse lui aussi drastiquement -7.099 ETPT, si bien que le total des emplois en fonction dans les opérateurs baisse de -4.011 ETPT. Une baisse timide mais qui témoigne d’une maîtrise des effectifs inédite depuis près de 13 ans, et d'une poursuite de "sincérisation" des plafonds d'emplois.

Cette baisse se vérifie-t-elle en matière de masse salariale ? Celle-ci, on le sait, est majoritairement portée par les subventions pour charge de service public des opérateurs et doit donc être « retraitée » pour apparaître (hors prises en charge sur le budget des ministères de tutelle). On ne dispose malheureusement pas de la masse salariale pour 2021. Les dernières données publiées sont celles de 2019. On peut toutefois l’extrapoler à partir des comptes de résultat des budgets initiaux pour 2020.

 

2017

2018

2019

2020*

var 20-19

Masse salariale totale

27,38

28,59

28,08

30,98

10,35%

Source : Annexe « opérateurs », PLF 2021 * A partir des comptes de résultats des budgets initiaux.

Il apparaît que la masse salariale portée par les opérateurs eux-mêmes (correspondant aux effectifs sous et hors plafonds non pris en charge par les ministères) serait en replis de -1,8% entre 2019 et 2018. Elle augmenterait cependant significativement en 2020 (+10,35%) à 30,98 milliards d’euros (+2,9 milliards d’euros), alors même que l’effet de périmètre France Compétence serait négligeable (8 millions d’euros). Il semble donc que pour 2020 la masse salariale dévisse comme on avait pu le remarquer pour la masse salariale de l’Etat, alors même que les effectifs sous plafonds auraient été plutôt stables (à +271 ETPT près), ce qui plaide pour un accroissement significatif des effectifs hors plafond. Nous ne pouvons pas conclure pour 2021.


[1] RESF 2021 p.124 et 227 et suiv., https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/6efc6c82-e294-48ed-87a4-559ecc13747c/files/38833aa8-5cdd-45da-8ca2-e5b2fdffb352

[2] INSEE, Dépenses et recettes des administrations publiques en 2019, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4494196?sommaire=4494218