La France, 3e en millionnaires mais avec moins de grandes fortunes entrepreneuriales

Selon les dernières statistiques d’UBS (Global Wealth Report 2025), la France compterait en 2024 près de 2,897 millions de millionnaires en US$, la hissant à la 3ᵉ place mondiale derrière la Chine (6,5 M) et les États-Unis (23,8 M), mais devant le Royaume-Uni (2,624 M) et l’Allemagne (2,689 M). Doit-on y voir un enrichissement spectaculaire des Français les plus aisés ? Pas si vite. Car cette richesse exprimée en dollars masque des effets de taux de change et de flambée immobilière. L’étude met ainsi en lumière un phénomène encore mal cerné : les “EMILLI” – Everyday Millionaires – ces ménages dont le patrimoine net se situe entre 1 et 5 millions de dollars, dont le nombre a quadruplé depuis 2000. Leur hausse est directement liée à l’envolée des prix de l’immobilier et aux variations de devises. En France, cette catégorie est dominante. En revanche, s’agissant des patrimoines réellement conséquents, la situation est bien différente : 51.300 Français disposent d’une fortune >10 M$, contre 69.800 en Allemagne, 55.700 au Royaume-Uni et même 65.000 au Canada. Sur la tranche >30 M$, la France compte 24.900 ultra-riches, là où l’Allemagne en compte 29.000 et le Canada 27.900. La faute, toujours, à notre tissu économique : trop peu de grosses PME, d’ETI, ou de licornes. Résultat : les fortunes entrepreneuriales restent en retrait par rapport à nos voisins.
La France passe en 3e position s’agissant de son nombre de millionnaires en US$ :
La France était 4e en 2023 (GWR 2024) pour son nombre de millionnaires, soit 2,868 millions d’individus, derrière le Royaume-Uni (3,06 millions), la Chine continentale (6,01 millions) et les États-Unis (21,951 millions). En 2024, ce classement est bouleversé par la baisse spectaculaire du nombre de millionnaires britanniques. Ces derniers ne sont plus que 2,624 millions, rétrogradés à la 6e place, tandis que la France passe à la 3e place avec 3,322 millions de millionnaires, toujours derrière la Chine continentale (6,5 millions) et les États-Unis (23,8 millions).
En 1 an et notamment à cause des taux de changes, le nombre de millionnaires français a augmenté de 29.000 individus, soit une croissance de 1%. Le Royaume-Uni lui voit sa population de millionnaires baisser de 438.000 (-14,3%) individus et même l’Allemagne voit la sienne baisser de 146.000 individus (-5,2%).
Les prévisions établies en 2024 par UBS à horizon 2028 feraient rétrograder la France à la 4e place avec 3,322 millions de millionnaires, derrière le Japon (actuellement à la 4e place) avec 3,625 millions de millionnaires. L’Allemagne resterait 5e avec 3,229 millions de millionnaires. On peut graphiquement représenter ces projections comme suit :

Mais un nombre de déci-millionnaires et au-delà plus bas que nos voisins :
On pourrait se réjouir de l’enrichissement comparé des plus aisés en France comparativement à nos principaux concurrents européens et extra-européens. En réalité il faut vite déchanter lorsque l’on affine les statistiques de distribution :
Source: Global Wealth Report UBS, 2024 et 2025 et Knight-Franck Wealth Report 2024[2] et 2025
Ce premier graphique permet de mettre en exergue que la France bien que pourvue de la population de millionnaires la plus importante de l’échantillon retenu à « en même temps » une population de déci-millionnaires (>10 M$) inférieure (51.300) à ses principaux voisins l’Allemagne (69.800) et le Royaume-Uni (55.700), mais aussi le Canada (65.000) en 2024.
Si l’on utilise maintenant les données 2023, s’agissant des multi-millionnaires dont la fortune est supérieure à 30 M$, notre situation est plus enviable que celle du Royaume-Uni (24.900 contre 23.100) est significativement moins que celle de l’Allemagne (près de 29.000) ou du Canada (27.900).
Source: Global Wealth Report UBS, 2024 et 2025 et Knight-Franck Wealth Report 2024[3] et 2025
Cela se vérifie également par rapport à la population de millionnaires totale de chaque pays. Hors Royaume-Uni pour sa population de déca-millionnaires, nous sommes toujours inférieurs à nos partenaires de l’échantillon considéré. La proportion est d’ailleurs la plus forte au Canada ainsi que dans les projections pour 2028.
Si l’on choisit enfin d’effectuer une coupe latérale en 2022 au moment où le data yearbook de la banque Crédit Suisse était encore accessible (2023), la France apparaît avoir toujours une population plus faible que ses voisins s’agissant des déca-millionnaires et au-delà, quelle que soit la tranche considérée (hors milliardaires stricto sensu) :

Rapportée à la population de millionnaires totale, les écarts de la France avec les trois autres pays sont les suivants :

En 2022 la France avait plus de « EMILLI » pour (Everyday Millionaires) » que l’Allemagne et le Canada, mais significativement moins de multimillionnaires au-delà de 5 millions d’euros, dans toutes les tranches et jusqu’aux fortunes supérieures à 500 M d’US dollars. Le poids de l’immobilier au-delà des 5 millions de $ tend à baisser tandis que les fortunes financières et entrepreneuriales prennent le relai… ce qui montrait en 2022 toujours un décrochage des fortunes françaises en la matière et tout particulièrement entre 10 et 50 M$, où l’on atteint un écart de -1,35 point pour la France de ces fortunes au sein de sa population de millionnaires.
Conclusion
Faut-il crier « Cocorico ! » pour notre 3e place sur le palmarès UBS du nombre de millionnaires en 2024… rien n’est moins sûr. En effet, non seulement cette place n’est acquise que par une baisse de la population de millionnaires au Royaume-Uni – pour diverses causes (taux de change, croissance en berne, émigration de diaspora fortunée (russes, grecque, etc.) encore accrue par la victoire des travaillistes avec le cabinet Starmer) – par ailleurs la France décroche par rapport à ses principaux voisins s’agissant de sa population de déca-millionnaires ou plus – vis-à-vis du Canada, de l’Allemagne ou du Royaume-Uni – en 2024, elle décroche également avec ces trois pays s’agissant du nombre des fortunes de 30 millions US$ ou plus – en 2023, mais aussi en projection d’ici 2028. Enfin en 2022 sur l’ensemble du scope alors fourni par UBS, la France témoigne d’effectifs plus réduits sur toutes les tranches dès celle de 10 à 50 M$. La France présente donc d’abord une population importante de « EMILLI » ces millionnaires sans le savoir, qui possèdent avant tout un patrimoine immobilier qui a pris de la valeur, ou/et qui possèdent un appareil productif libéral de valeur (notaires, avocats, experts-comptables, radiologues, architectes, chirurgiens, cadres financiers). Pas de quoi pavoiser… ni de rêver au grand soir[6]… les entrepreneurs et startupers sont au-delà… comme les grands actionnaires et créateurs d’ETI… et nous en manquons toujours cruellement par rapport à nos voisins dont la population de millionnaire globale est comparable à la nôtre.
[1]https://www.ubs.com/us/en/wealth-management/insights/global-wealth-report.html ainsi que https://www.visualcapitalist.com/wp-content/uploads/2024/08/global-wealth-report-2024.pdf
[2] https://content.knightfrank.com/resources/knightfrank.com/wealthreport/the-wealth-report-2025.pdf
[3] https://content.knightfrank.com/resources/knightfrank.com/wealthreport/the-wealth-report-2025.pdf
[4] Voir UBS, Data yearbook 2023, p.132 https://rev01ution.red/wp-content/uploads/2024/03/global-wealth-databook-2023-ubs.pdf
[5] Voir UBS, Data yearbook 2023, p.132 https://rev01ution.red/wp-content/uploads/2024/03/global-wealth-databook-2023-ubs.pdf
[6] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-france-troisieme-pays-du-monde-comptant-le-plus-de-millionnaires-20250619