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Budget 2020: le gouvernement baisse les bras en matière de dépense publique

C’est maintenant que se joue l’ambition de la loi de finances pour 2020. Les tableurs de Bercy tournent à plein régime. Et le moins que l’on puisse dire est que l’ambition réformatrice ne semble plus guère au rendez-vous. Sur le déficit, la dette, les dépenses publiques comme sur les prélèvements obligatoires, on sera a priori déçus par ce millésime 2020. Et ce d’autant plus que, malgré tous les warnings allumés sur la fiscalité, l’inventivité fiscale du gouvernement ne faiblit pas comme en témoigne la (populiste ?) nouvelle taxe sur les billets d’avion à 182 millions d’euros alors que ceux-ci sont déjà parmi les plus taxés d’Europe.

Le déficit sera plus élevé que prévu avec 2,1 % du PIB. Le gouvernement se prépare à acter une dégradation de 1,3 point par rapport à la programmation initiale, et même de 0,1 point par rapport au programme de stabilité 2019-2022 car une partie des annonces faites à l’issue du grand débat ne sont pas financées par des économies. Il en résulte une impasse budgétaire de 2,4 milliards d’euros qui se reportera en 2021 et en 2022.

En 2020, la dette continuera de tutoyer les 99 % du PIB comme c’est déjà le cas aujourd’hui et il faudra toutes les acrobaties comptables de France Trésor pour ne pas passer la barre symbolique des 100 %. En effet, si les taux remontaient dans les prochaines années de 1 point supplémentaire sur l’emprunt à 10 ans de la France, cela nous coûterait à horizon trois ou quatre ans environ 10 milliards d’euros par an.

Le manque de volontarisme du gouvernement en la matière est risqué pour l’avenir. Et ce d’autant plus que l’attrition inévitable de la croissance mondiale aura immédiatement un effet sur les recettes publiques et aggravera le coût des minima sociaux et du chômage.

Soulignons qu’aucune économie structurelle n’est prévue sur la dépense en 2020. Les efforts sont repoussés à la fin du quinquennat, ce qui n’est guère crédible. Le taux de dépenses publiques affiché dans le débat d’orientation budgétaire est supérieur à celui qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Le gouvernement rogne clairement sur ses ambitions et surévalue certainement sa capacité à faire baisser le taux de la dépense par rapport au PIB.

Les économies réelles jusqu’à la fin du quinquennat le sont en réalité sur la charge de la dette. Ces économies purement conjoncturelles sont un effet d’aubaine lié aux taux négatifs en vigueur (- 0,01 % pour l’obligation assimilable du Trésor français à 10 ans) et constituent la première source d’économies au niveau de l’État. La charge de la dette était initialement anticipée à 55,9 milliards d’euros en 2022, cette estimation est tombée à 44 milliards, soit 11,9 milliards d’euros de moins. Rien qu’en 2020, l’économie sera de 3,7 milliards d’euros. On continue donc doucement à se laisser anesthésier par les taux bas. De quoi sécuriser les soi-disant « économies » qu’on nous annonce sur les APL ou l’assurance-maladie…

Les prélèvements obligatoires ne baisseront pas vraiment non plus dans les trois prochaines années. La plupart des baisses étant compensées par des hausses. On resterait scotchés à 43,9 % de prélèvements par rapport au PIB jusqu’à la fin du mandat. Là où nos partenaires de la zone euro sont à 40 % en moyenne… Là encore, les ambitions ne sont pas au rendez-vous.

L’impôt remplace l’impôt

Les 5 milliards de baisse d’impôt sur le revenu des classes moyennes pour 2020 seront en partie financés par la légère hausse de recettes d’impôt sur le revenu liée à la réforme du prélèvement à la source et par le report d’un an de la suppression de la taxe d’habitation pour 2023 au lieu de 2022. L’impôt remplace l’impôt.

Quant aux niches fiscales et sociales, elles sont clairement dans le viseur du gouvernement. Surtout celles concernant les entreprises, par exemple l’avantage fiscal sur le gazole non routier et la « déduction forfaitaire spécifique », vont être rabotées peu à peu pour 600 millions d’euros en 2020 et 1,3 milliard en 2021. Cela aura pour effet d’augmenter la pression fiscale sur les entreprises et ce sans compter l’augmentation de la pression fiscale locale qui ne manquera pas de survenir et les autres niches ciblées pour les années suivantes (dons d’entreprises ou crédit d’impôt recherche).

Quant à la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS), elle sera aussi étalée dans le temps par rapport au projet initial du gouvernement (+ 0,7 milliard). C’est uniquement grâce à ces artifices d’échelonnement des promesses de baisses (et de hausses) de la fiscalité et de rabotage des niches que le gouvernement arrive à retomber à peu près sur ses pattes.

Enfin, s’agissant des effectifs, le gouvernement communique sur - 10.000 postes sur cinq ans à Bercy. Le ministère des Affaires étrangères verrait également ses effectifs diminuer dans des proportions conséquentes. Nous n’en savons pas plus à ce stade. Mais, avec l’abandon officiel de l’objectif de - 50.000 postes au niveau de l’État, celui-ci se prive d’une économie de plus de 1 milliard d’euros sur sa masse salariale.

L’équation devient très incertaine. Après la hausse des effectifs de l’État entre 2017 et 2018 de 12.000 agents, puis la correction technique opérée en 2019, de combien ceux-ci baisseront-ils en 2020 ? Le risque se profile que des postes de l’État ne soient artificiellement décentralisés vers les collectivités locales, ce qui permettrait d’afficher une baisse factice du nombre des agents dans les ministères pour 2022.

Le gouvernement semble avoir abandonné le projet d’une meilleure gestion publique. Il gère au fil de l’eau l’addition de ses promesses, l’œil rivé sur la croissance. Sans grande cohérence et sans grand panache. À moins d’un sursaut, le budget 2020 jouera les petits bras et ne restera pas dans l’histoire.