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Avec 10,6 milliards encaissés, le contrôle fiscal fait du surplace en 2022

... même si les crédits d’impôts et remboursements d’impôts évités représentent 3 milliards d'euros en sus

A l’occasion de la publication du rapport d’activité de la DGFiP pour 2022 et de son cahier statistique, il est désormais possible de se faire une idée plus précise des grandes tendances du contrôle fiscal pour 2022. Si les droits financiers totaux augmentent en atteignant les 17,6 milliards d’euros en 2022, tout comme les droits et pénalités notifiées mises en recouvrement (14,6 milliards d’euros), en revanche les encaissements stagnent (10,6 milliards d’euros soit -100 millions par rapport à 2021). Cependant ce chiffre a priori atone doit être corrigé des crédits d’impôts et remboursement d’impôts évités, qui progresse de 810 millions d’euros pour atteindre les 3,03 milliards d’euros. Du côté du datamining et du recours à l’IA les contrôles déclenchés grâce à leur concours dépasse les 52% pour des notifications atteignant les 2 milliards d’euros. L’IA progresse donc, mais reste encore modeste dans le total des notifications.

Une performance du contrôle fiscal qui semble patiner… entre 2021 et 2022

Si nous regardons les indications concernant le montant des impôts éludés et des sanctions, avec un montant de « droits financiers » de 17,6 milliards d’euros, le contrôle fiscal de la DGFiP semble revenir tout proche de son niveau de 2018 avant crise. Cet agrégat est obtenu en ajoutant aux droits et pénalités notifiées (voir infra) les montants notifiés en attente d’une confirmation d’une instance consultative (jusqu’en 2019[1]) et les crédits d’impôts et les taxes non remboursées (TVA) aux contribuables pour cause de fraude. Sur un an le montant des droits éludés et des sanctions augmente de 2 milliards d’euros.

Même embellie du côté des droits notifiés et pénalités mis en recouvrement. L’augmentation enregistrée est de 1,2 milliard d’euros et en valeur absolue rejoint les montants notifiés de 2016, alors que la cellule de régularisation STDR des avois détenus à l’étranger battait fonctionnait encore[2].

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Var 2022-19

Var 2022-21

Droits et pénalités mis en recouvrement

16,3

14,5

13,5

11,6

11,7

8,2

13,4

14,6

2,9

1,2

dont contrôle sur pièce (CFE)

 

 

 

 

4,3

 

5,6

5,8

1,5

0,2

dont contrôle sur place (CSP)

 

 

 

 

7,4

 

7,8

8,8

1,4

1,0

Source : DGFiP 2023.

Relevons par ailleurs que les produits notifiés du contrôle sur pièce (contrôle fiscal externe ou depuis le bureau) augmentent très peu (+200 millions d’euros) entre 2021 et 2022, mais de +1,5 milliards d’euros depuis 2019. Le contrôle sur place lui augmentant de près de 1 milliards d’euros entre 2022 et 2021, pour une progression depuis 2019 symétrique de celui du contrôle sur pièce (+1,4 milliards d’euros).

En revanche les produits encaissés (droits et pénalités) baissent encore, soit -100 millions d’euros par rapport à 2021 avec 10,6 milliards d’euros contre 10,7 milliards d’euros l’année précédente[3] (sans prendre en compte l’année de notification).

La situation semble également plus difficile si l’on rapporte au PIB les produits estimés des droits financiers ou encaissés en 2022. Alors que les premiers augmentent de 0,05 pt de PIB, les seconds baissent de 0,03 pt entre 2021 et 2022[4]. Doit-on en conclure que le contrôle « patine » ?

Une « sécurisation » des recettes fiscales qui progresse, +0,7 milliard en 2022

En réalité si les produits encaissés semblent s’affaisser à 10,6 milliards d’euros (0,4 pt de PIB) soit la 2ème moins bonne performance hors crise (2020) depuis 2018, il faut intégrer également sur le plan budgétaire les sommes en matière de TVA qu’il s’agisse de crédits d’impôts ou de remboursement d’impôts qui n’ont pas été décaissés au profit des contribuables grâce aux contrôles. Et là la situation est différente :

Les sommes encaissées ou « non décaissées » représentent près de 13,6 milliards d’euros en 2022, soit une nette progression par rapport à 2021 (+0,7 milliards), permettant à leur produit total de retrouver les rendements de 2019. Cela veut donc dire que grâce aux contrôles fiscaux (du bureau (CFE (contrôle fiscal externe) ou sur place (CSP), la DGFiP a pu bloquer des remboursements indus ou l’usage frauduleux de crédits d’impôts (et spécifiquement en matière de TVA). On peut y voir également un effet efficace du datamining et de l’IA (intelligence artificielle).

En 2022, les crédits d’impôts et taxes non remboursés ont atteint un produit de 3,03 milliards d’euros, soit un niveau encore jamais atteint depuis 2015. On assiste donc à un effet de vases communiquant entre les sommes encaissés (en baisses) et les sommes non décaissées (en hausse) permettant de sécuriser les recettes fiscales de l’Etat.

Le déploiement du datamining et de l’IA, un ratio en augmentation de +7,51 points

S’agissant maintenant du datamining et de l’IA leur usage au sein du contrôle fiscal progresse :

 

2018

2019

2020

2021

2022

Ciblage des contrôles par datamining (CFVR)

13,89%

21,95%

32,49%

44,85%

52,36%

Notification des droits et pénalités via datamining en Mds €

 

0,79

0,79

1,2

2

Source : DGFiP 2023[5].

L’utilisation du datamining (via la cellule ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ou CFVR) concerne désormais 52,36% des contrôles, pour un rendement en termes de droits constatés directs notifiés de 2 milliards d’euros, soit une augmentation de 67% en un an, bien que le rendement pour significatif désormais, reste encore modeste.

Une relation de confiance qui progresse

La DGFiP relève que 45% des contrôles sur pièces « se sont terminés de façon apaisée avec des régularisation en cours de contrôle », ce qui représente 47.000 dossiers en 2022 contre 43.000 en 2021. Par ailleurs les entreprises bénéficiant d’un accompagnement fiscal personnalisé s’élèvent désormais 1.494, soit +81% par rapport à l’année précédente (827 entités). Par ailleurs, 17 groupes sont ajoutés aux 49 groupes et ETI pour lesquelles la DGFiP a déployé un « partenariat fiscal dédié ».

En revanche il faudra attendre octobre pour disposer des statistiques concernant le « droit à l’erreur » et les remises gracieuses en matière fiscale, ce qui laisse de côté tout un pan de la relation de confiance avec les particuliers.

La lutte intensive contre la fraude représente 5,156 milliards d’euros en 2022

Les contrôles répressifs c’est-à-dire débouchant sur une application des pénalités de 40% ou plus, défaillance comprise, représentent 5,156 milliards d’euros, soit +26% par rapport à 2021 (4,099 milliards d’euros). La part des opérations répressives représentant 30,2% du total du contrôle sur place en augmentation de 0,4 point. En revanche les perquisitions fiscales sont en baisse de 22% par rapport à 2021 avec 127 perquisitions réalisées.

En revanche le nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire progresse de 10% avec 1.770 dossiers. Parmi ces derniers la levée du « verrou de Bercy » présentant des « dénonciations obligatoires » au Parquet augmentent de 13% (avec 1.373 dossiers). En revanche les plaintes pour fraude fiscale baissent de 10% (257 dossiers) tandis que les dossiers transmis à la « police fiscale » (BNRDF[6]) augmentent de 7% (48 dossiers).


[1] A partir de 2019 la DGFiP opère un changement de méthodologie puisque les montants notifiés sont désormais pris après avis des instances consultatives et des autres recours.

[2] Voir sur ce point notre dernière note sur le sujet en date de 2021, https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/quels-sont-les-impots-les-plus-fraudes-en-2021 ainsi que https://www.actu-juridique.fr/fiscalite/droit-fiscal/les-tres-bons-resultats-du-controle-fiscal/

[3] https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/controle-fiscal-107-milliards-encaisses-en-2021

[4] Il faudrait par ailleurs pouvoir rapprocher ces chiffres de la nouvelle approche développée par la DGFiP s’agissant des accompagnements des contribuables de bonne foi, qui fait l’objet d’un rapport au Parlement publié en octobre. Voir pour les années antérieures, https://www.impots.gouv.fr/rapports-annuels-relatifs-aux-remises-et-transactions-titre-gracieux-en-matiere-fiscale

[5] https://presse.economie.gouv.fr/23022023-bilan-de-la-lutte-contre-des-fraudes-fiscale-douaniere-et-sociale-les-chiffres-cles-de-lannee-2022/

[6] La Brigade Nationale de Répression de la Délinquance Fiscale, qui relève de l’autorité judiciaire, et non la police fiscale de Bercy, le SEJF (Service d’enquête judiciaire des finances) créée à partir du SNDJ (service national des douanes judiciaires).