Après l’épouvantail Zucman, on fera passer des impôts effroyables pour de gentilles petites taxes

Le budget 2026, prochainement déposé au Parlement, va une nouvelle fois tourner le dos aux économies, déplore la directrice de la Fondation IFRAP, qui redoute un déferlement de fiscalité supplémentaire, notamment en direction des entrepreneurs. Au risque de les faire partir de France…
Cet article a été publié le 30 septembre 2025 dans le journal Le Figaro |
Dans quelques jours, un budget pour 2026 sera déposé au Parlement par le gouvernement. Dans ce budget, il n’y aura ni le retour de l’ISF, ni la taxe Zucman, ni retour sur la réforme des retraites, selon les mots du premier ministre, Sébastien Lecornu lui-même, dans son entretien accordé le week-end dernier au Parisien. Le premier ministre l’explique bien : son budget sera une sorte de page à réécrire conjointement en passant des amendements jusque tard dans la nuit pendant la discussion budgétaire. Il le dit clairement : « Cela ne sera pas le budget Lecornu : des compromis seront à trouver dans l’Hémicycle. »
On s’attend donc à un déferlement de fiscalité supplémentaire via des amendements négociés un par un. Car, même si le nouveau locataire de Matignon explique aussi que sa priorité est « d’abord la réduction des dépenses », le premier ministre enterre néanmoins de facto l’année blanche en expliquant que les retraites coûteront 6 milliards de plus en 2026 et la santé 5 milliards de plus, et donc que l’objectif de déficit public ne sera plus de 4,6 % pour l’an prochain mais autour de 4,7 %. Si on fait bien les comptes, renoncer à l’année blanche tout en baissant quand même le déficit public, cela veut dire que l’objectif du gouvernement est de trouver, peu ou prou comme en 2025, une trentaine de milliards de recettes fiscales en plus.
Il est vraisemblable qu’une petite partie des mesures fiscales figureront dans le texte de base du gouvernement et que les plus grosses seront négociées de manière non officielle pour passer ensuite pour des scalps de la gauche et tenter d’éviter de devoir actionner le 49.3. Mais faire accroire que tout cela se fera au dernier moment dans l’Hémicycle revient à vouloir faire collectivement participer les Français à la chasse au Dahu. Le tsunami fiscal est en fait déjà acté. On peut le lire entre les lignes de l’expression suivante du premier ministre : « Nous avons les taux de prélèvements obligatoires les plus importants de l’OCDE. Faut-il encore augmenter les impôts globalement ? Je ne le veux pas. Est-ce qu’en revanche la répartition de la charge au sein des impôts actuels doit évoluer ? De toute évidence, oui. Il faut être sourd pour ne pas entendre que les Français nous demandent plus de justice fiscale. Le débat doit avoir lieu, et, là encore, c’est au Parlement à la fin de le trancher. Je ferai donc une proposition de budget dans laquelle certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront. »
Surenchères de taxes
La taxe Zucman servant très à propos d’épouvantail, il sera ensuite facile de faire passer des taxes effroyables pour notre économie pour de gentilles petites taxes bien moins méchantes. On devrait avoir tout le ministère de l’Économie en recherche de baisses de dépenses, et c’est l’inverse qui se passe. Une douzaine de mesures fiscales seraient à l’étude pour taxer plus notamment les entreprises et les entrepreneurs. Un éventail de mesures préparées par Bercy en fonction des options qui pourraient se dessiner au niveau politique. Une sorte de préparation technique des amendements qui pourraient passer dans l’Hémicycle avec les voix de la gauche, certes, mais aussi peut-être les voix du RN ?
Retour de l’ISF sous une forme ou sous une autre. On parle notamment de plus en plus d’un retour de l’ISF à 0,5 %, qui serait une catastrophe pour la France. Car l’ISF, alors même qu’il ne prenait pas en compte les biens professionnels, a fait beaucoup de mal aux entreprises et aux emplois et fait partir beaucoup d’entrepreneurs de France et perdre des milliards d’euros, coûtant beaucoup plus cher que ce qu’il a rapporté. Et on veut retourner dans cette erreur économique ? Alors qu’il n’y a plus qu’un seul pays dans l’Union qui applique un impôt sur la fortune, l’Espagne ? La ministre des Comptes publics démissionnaire annonçait travailler sur un ISF différentiel de 0,5 %. La piste serait celle d’une contribution différentielle sur le patrimoine. La somme des impôts payés par un foyer fiscal - impôt sur le revenu, contribution exceptionnelle des hauts revenus, impôts sur la fortune immobilière et prélèvement forfaitaire unique - devrait être au moins égale à 0,5 % de son patrimoine taxable. Si ce n’était pas le cas, le contribuable serait tenu de payer la différence. Seraient a priori préservés les actifs professionnels, les participations dans les jeunes entreprises innovantes ou PME, les investissements dans les bois et forêts et dans les œuvres d’art.
Un acharnement fiscal
Ce serait donc clairement un ISF qui ne dit pas son nom… Et qui aurait les mêmes effets délétères sur l’économie française, car vous pouvez très bien être dentiste et actionnaire minoritaire dans une entreprise familiale tout en n’étant pas dirigeant de cette entreprise, et là vous seriez taxé par le nouvel ISF. Marc Fesneau, le patron du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, qui a bien souligné que « c’est avec le PS qu’il faut nouer le dialogue », prône, lui, pour la mise en place d’une « taxe sur la fortune improductive », ce qui revient aussi à proposer de remettre en place un ISF. L’improductivité s’entendant de l’exclusion du caractère « professionnel » du patrimoine. Les investisseurs « passifs » seraient donc massivement touchés. Alors même que leur patrimoine n’est pas improductif, loin de là !
On sait ce que l’on dit des taxes exceptionnelles en France : elles durent !
Autres pistes qui risquent, celles-là, de se retrouver dans le texte budgétaire du gouvernement : la reconduction des mesures « exceptionnelles » de taxe sur les hauts revenus et de surtaxe d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises. On sait ce que l’on dit des taxes exceptionnelles en France : elles durent ! Le premier ministre, Sébastien Lecornu, risque bien de prolonger d’un an au moins l’innommable CDHR, cotisation différentielle sur les hauts revenus de 20 % minimum et la surtaxe à l’impôt sur les sociétés. En 2025, le contournement du principe de non-rétroactivité fiscale lié à l’adoption tardive de la loi de finances avait contraint Bercy à prévoir un mécanisme d’acomptes avec un impôt à payer sur le revenu de l’année d’après ! En conséquence de quoi ? Si l’on ne reconduit pas ces taxes, le budget 2026 se retrouve avec un trou de 10 milliards d’euros à combler. En poussant pour ce genre d’acomptes, nos technos nous ont mis sciemment en situation de pérennisation de la cavalerie budgétaire d’année en année. Là encore, on comprend que ces taxes ciblent en premier lieu les entreprises et les entrepreneurs, puisque ce sont ceux qui bénéficient le plus de la taxation forfaitaire unique des revenus de capitaux mobiliers, à 12,8 % à l’IR, sans oublier les 17,2 % de prélèvements sociaux que Bercy ne compte pas dans le calcul des 20 %.
On l’a compris aussi, l’acharnement fiscal mijote du côté des holdings pour taxer les revenus non distribués. La proposition du rapporteur général du budget, Charles de Courson, d’un précompte de 15 % sur les dividendes reçus par les holdings, mais non distribués, permettrait de les taxer en avance, même en cas de non-distribution. Elle est cousue du fil blanc de Bercy. Là encore, on s’aventure sur un chemin glissant : récupérer la recette sur des revenus qui ne seront peut-être jamais touchés par les contribuables. Une anticipation de la recette que Bercy avait pointé du doigt et fait cesser pour la mairie de Paris lorsque celle-ci choisissait d’encaisser les loyers de ses logements sociaux à l’avance… La question du champ d’application n’est pas explicitée par le rapporteur : s’agira-t-il de frapper le flux ou le stock ? Cela n’est pas dit à ce stade. Plus globalement, les holdings sont dans le viseur, et c’est bien dommage pour l’économie française, car elles servent notamment à transmettre les entreprises familiales dont 50 % vont changer de main au profit des générations suivantes dans les dix ans qui viennent, selon la BPI.
Le pacte Dutreil visé
Derrière les holdings, c’est en fait le pacte Dutreil qui est visé. Les pourfendeurs de la soi-disant société d’héritiers voudraient restreindre la définition du holding « animateur » pour limiter son usage conjoint avec les pactes Dutreil. Le dispositif Dutreil permet de favoriser la transmission d’entreprises familiales lors de donations ou de successions en allégeant les droits de mutations à titre gratuit qui frappent ces opérations. Ce régime est pensé pour conserver en France nos PME et ETI familiales et est compatible avec d’autres outils, comme les donations en nue-propriété et les holdings. Pour bénéficier du Dutreil, les titres doivent être détenus pendant 2 ans par le donateur/défunt en amont et post-transmission, chaque bénéficiaire doit conserver les titres pendant 4 ans minimum. Une exonération à 75 % de la transmission est alors possible. Un abattement supplémentaire jusqu’à 85 % existe si les titres sont détenus depuis plus de 8 ans. Les contempteurs du Dutreil aimeraient allonger la durée de détention, limiter le cumul des abattements en cas de démembrement.
Ils reprochent aussi que les plus-values latentes entrepreneuriales ne soient pas imposées dans le cadre du Dutreil. Là encore la France serait totalement déconnectée de ce qui se passe ailleurs en Europe où nos voisins ont compris qu’il faut tout faire pour conserver l’outil de travail. Les Suédois ne se posent pas toutes ces questions : ils taxent à zéro toutes les transmissions pour pouvoir garder leurs entreprises. Les Allemands ont inventé le test de besoin : si vous avez une entreprise de plus de 26 millions de valorisation à transmettre et pas de patrimoine privé à côté : vous transmettez à zéro impôt votre entreprise, contre preuve d’impossibilité à payer.
Dans le viseur aussi : l’article 150-0 B du code général des impôts, qui permet aux entrepreneurs de reporter l’imposition des plus-values réalisées lors de la revente de leur société. À condition de réinvestir au moins 60 % du produit de cession dans des activités éligibles, dans un délai de 2 ans. Là encore, le débat idéologique fait rage pour aller taxer plus ces plus-values entrepreneuriales. Certains proposent aussi d’augmenter le taux du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. Alors qu’à 30 % le PFU est déjà au-dessus de la moyenne européenne en la matière. Là encore, cela toucherait massivement les entrepreneurs de notre pays.
Pendant que nos voisins transmettent et gardent leurs entreprises, la France se gratte donc la tête pour taxer tous azimuts nos créateurs de valeur ajoutée alors que déjà nous n’en avons pas assez !
Pendant que nos voisins transmettent et gardent leurs entreprises, la France se gratte donc la tête pour taxer tous azimuts nos créateurs de valeur ajoutée alors que déjà nous n’en avons pas assez ! Nous sommes dans une situation très préoccupante de fuite en avant sur la fiscalité du capital et des entreprises alors que nous sommes déjà les plus taxés sur le capital (67 milliards de plus par an) et sur les entreprises (157 milliards de plus par an). C’est très inquiétant, sachant que nous avons déjà un niveau de taxation sur les entreprises et les entrepreneurs moins avantageux qu’ailleurs en Europe. Alors se pose une question qui fâche : ce budget 2026, ce sera le budget du Parlement ou le budget de Bercy ? En tout cas, ce sera un budget porteur d’un péché capital : tourner le dos aux économies sur les dépenses publiques et à l’année blanche pour aller chercher quoi qu’il en coûte de l’argent là où il est, c’est-à-dire dans la poche des entreprises et des entrepreneurs. Au risque de les dégoûter encore plus d’un pays qui les agonit déjà de taxes et de normes. A-t-on vraiment posé la question aux Français : souhaitez-vous faire payer le déficit public aux entrepreneurs au risque de les faire partir de France avec leurs entreprises et les emplois qui vont avec ?