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45 milliards d’économies nécessaires d’ici 2027 selon la Cour des comptes

Dans le cadre de la publication de son rapport annuel publié le 16 février 2022, la Cour apporte certaines précisions concernant les finances publiques en 2021 et 2022 et se projette à la suite de la trajectoire rectifiée transmise à la commission européenne jusqu’en 2027. Les éléments publiés par la Cour des comptes confirment le besoin de réaliser des économies pour 9 milliards par an, cela reviendra à 47 milliards d’euros d'ici 2027 ce qui rejoint les publications récentes de la Fondation iFRAP en la matière quant au volume moyen annuel d'économies à réaliser.

Des efforts à réaliser de 9 milliards d’euros/an 

La Cour estime qu’à compter de la période 2023-2027 le taux de croissance de la dépense publique en volume, nécessaire pour passer sous les 3% de déficit en 2027, serait de 0,4% du PIB en moyenne, contre 1% en moyenne avant crise (entre 2010 à 2019). En conséquence, « par rapport au rythme de croissance d’avant-crise, qui incorporait déjà des mesures d’économie, ce sont donc près de 9 milliards d’économies supplémentaires chaque année qui seraient nécessaires pour atteindre l’objectif de la trajectoire pluriannuelle attachée au PLF 2022 révisé. »

Comme le souligne le Gouvernement dans sa réponse, « cette trajectoire aboutirait à un effort en dépense de 9 milliards d’euros par an, selon la Cour. Cette estimation inclut le retrait des mesures d’urgence et de relance ; il pourrait être utile de le préciser pour ne pas surévaluer les efforts à réaliser en sortie de crise. »

On retrouve toujours cette « peur » de brider la croissance par l’effet récessif des mesures d’ajustement budgétaire en sortie de crise. Pourtant des marges des manœuvres supplémentaires devraient être dégagées pour faire face à au resserrement à venir de la politique monétaire de la BCE (à compter de mars 2022 pour le programme PEPP, et à compter de 2024 pour la cessation des réinvestissements des principaux de dettes échus de ce même programme) et aux conséquences d’une augmentation de l’inflation en zone euro.

A cette fin, la Cour propose à nouveaux les grands axes à utiliser pour dégager ces économies annuelles nécessaires autour de 5 secteurs clés :

  • Le système des retraites ;
  • L’assurance maladie ;
  • La politique de l’emploi ;
  • Les minima sociaux ;
  • La politique du logement. 

On aurait aimé que la Cour dans le cadre de la future loi de programmation des finances publiques 2022-2027 à venir, se prononce également sur les réformes en cours de la LOLF (décembre 2021) et de la LOLFSS (février 2022) et de l’absence de choix de la mise en place d’un véritable « frein à l’endettement » pour la France, sur le modèle Allemand ou Suisse. Retenue peut-être par son devoir de neutralité ? En tout cas le volume d’économies à dégager est connu, 9 milliards/an, peut-être davantage si la croissance potentielle n’est pas améliorée par les mesures de relance proposées. Davantage encore si la « normalisation » de la politique monétaire est engagée d’ici 2024.

44,9%, le taux de prélèvements obligatoires en 2021

La Cour estime que le niveau des prélèvements obligatoires hors crédits d’impôts, devraient se situer entre 43,8% du PIB et 44,9% du PIB pour 2021, soit un écart de 1,1 point, ce qui constitue un écart effectivement conséquent. Et ce, nonobstant des baisses d’impôts intervenues en 2021 de l’ordre de -15,5 milliards et de -10,1 milliards en 2022. La Cour ne propose pas de simulation du taux de P.O. en 2022, se bornant à citer le dernier chiffre connu soit 43,4% en LFI 2022. Là encore des éléments en sens contraire joueraient : inflation à la hausse par rapport aux barèmes votés, effet « base » lié à la meilleure exécution 2021 qu’escompté, mais croissance plus baisse du PIB qu’attendu... sans doute en dessous des 4%. Un écart proche de 1 point pourrait être enregistré à la hausse.

59,8%, le taux de dépense publique en 2021

Côté dépenses publiques, ces dernières seraient « supérieures à leur niveau d’avant-crise ». Mais là encore l’effet PIB pourrait perturber les montants connus, soit 59,8% du PIB hors crédits d’impôts en 2021 et 55,7% en 2022. La Cour notant qu’au regard des éléments disponibles elle serait « ainsi supérieure(s) de près de deux points de PIB, soit environ 50 milliards d’euros, à [leur] niveau de 2019 (53,8%). » Un montant en valeur sans doute exact mais que la croissance plus soutenue pourrait faire varier à la baisse en volume. Les dépenses de soutien et de relance seraient toujours importantes (90,2 milliards en 2021 après 70,7 milliards en 2020, mais encore 28,9 milliards en 2022).

Mais comme l’explique la Cour, « le niveau des mesures de soutien et de relance résiduelles en 2022 (1,1 point de PIB) n’expliquerait (…) qu’en partie la hausse de près de 2 points de PIB de la dépense publique entre 2019 et 2022. » En effet, hors mesures exceptionnelles, la dépense publique progresserait encore de +1,1% en 2022 après +2,2% en 2021, soit un rythme proche de 2020 (+1,2% en volume). Cette progression pour 2022 serait légèrement inférieure à la croissance potentielle mais uniquement à cause de la poursuite de la baisse en comptabilité nationale de la charge des intérêts de la dette publique (-4,2 milliards en 2022) y compris indexée[1]. Hors charge de la dette, « la croissance en volume des dépenses non directement liées à la crise n’aurait pas été de 1,1% mais de 1,5%, soit un niveau proche [mais supérieur à] de l’estimation de la croissance du PIB potentiel (1,35%) ». Ce qui n’est pas compatible avec une réduction du déficit structurel.

  • Les dépenses hors crise de l’Etat et « pilotables[2] » augmenteraient fortement de près de 11 milliards en 2021 et de 8 milliards en 2022. Elles intègrent l’indemnité d’inflation (+3,6 milliards), ainsi que des compensations de recettes à certains organismes publiques (2,6 milliards, dont France Compétence (2 milliards)).
  • Pour 2022 la rigidité de certaines dépenses programmées[3] pèsent pour près de 4,2 milliards dans cette augmentation, tandis que des mesures de revalorisation s’y ajoutent (enseignement scolaire +0,7 Md€, handicap (+0,6 Md€), accès au logement (0,6 Md€) et hébergement d’urgence (0,5 Md€).

280 milliards d’euros, les dépenses d’administrations publiques locales

S’agissant des dépenses des administrations publiques locales, celles-ci devraient être dynamiques (280 milliards en 2021) soit +4,7% en 2021 et 2,7% en 2022. Notamment portées par l’investissement. Mais hors investissement, les dépenses resteraient soutenues soit +2,3% en moyenne sur les deux années. La masse salariale progressant de 2% en moyenne en 2021 et 2022 alors même que le point d’indice est resté gelé depuis 2017.

Les dépenses des ASSO (administrations de sécurité sociale) progresseraient de 3,6% en 2021 et continueraient de progresser mais plus faiblement en 2022 (+0,26%[4]) à cause d’un rehaussement de l’ONDAM de 1,7 milliard d’euros (1,2 milliard de dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et 0,4 milliard de dépenses pérennes consolidées). Elles seraient aidées par la baisse des dépenses d’assurance chômage à 37,2 milliards en 2022, après 46,1 milliards en 2021. Portée par la réduction de l’activité partielle et la réforme de l’assurance chômage (-1,9 milliard en 2022).

115,1% ou 113,5% du PIB, le niveau de dette en 2021

Si le solde public est amélioré significativement en 2021, la dette devrait être d’un niveau plus faible qu’attendu, soit potentiellement 113,5 % du PIB en 2021 et 111,1% du PIB en 2022 (contre 115,1% en LFR2 2021 pour 2021 et 113,5% en LFI 2022 pour 2022). Une amélioration qui n’apparaîtra qu’à compter de la publication définitive des comptes 2021 et des prévisions de croissance en mars 2022 en pleine campagne présidentielle du 1er tour.

Mais la Cour se garde bien de toute euphorie : « le recul attendu de la croissance du PIB après 2022 (1,6% en 2023, après 4% en 2022) [et peut-être moins 3,4% anticipe l’INSEE] nécessitera de réduire encore les déficits pour stabiliser la dette et la faire refluer. » « En effet, une poursuite de la hausse du ratio d’endettement risquerait de fragiliser la confiance des acteurs économiques dans la capacité de la France à honorer ses engagements passés et à venir. »


[1] Ce qui est évidemment l’inverse en comptabilité budgétaire s’agissant de la dette de l’Etat.

[2] Hors charge de la dette, prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l’UE et contributions au CAS pensions).

[3] +1,7 milliards pour la défense, +1 milliard pour l’aide publique au développement, +0,8 milliard pour la Recherche et l’Enseignement supérieur, +0,7 milliard pour la Justice.

[4] Une provision de 5 milliards d’euros est déjà passée pour 2022 en cas de dépenses imprévues liées au Covid.