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4% : la baisse des dépenses en trompe-l'œil

L’INSEE nous annonce que le déficit de la France en 2014 est finalement moins élevé que prévu à 4% au lieu de 4,4. Ce 0,4 point de moins représente environ 8 milliards d’euros. On pourrait croire que ce sont enfin les dépenses structurelles qui ont baissé, voire même des dépenses de fonctionnement. Il n’en est rien. Explications.

Si l’on regarde de près la note de conjoncture de l’INSEE, on peut lire clairement que ce qui a baissé en termes de dépense entre 2013 et 2014 sont les investissements et la charge de la dette. La charge de la dette a baissé de 0,9 milliard. Cela s’explique par la baisse des taux d’intérêts et la faible inflation. 

Quant aux investissements, ils ont baissé de 6,8 milliards  entre 2013 et 2014. Cette baisse est en premier lieu celle des investissements des collectivités locales avec 5,2 milliards de moins d’investissements. Les investissements de l’État ont aussi baissé de 1,5 milliard. La baisse de la dépense vient donc à la fois de la baisse de la charge de la dette due à la baisse des taux (merci la politique accommodante de la BCE) et d’un bon coup de rabot massif sur les investissements locaux. Force est donc de constater que nos gestionnaires locaux et centraux ont une nouvelle fois préféré « raboter » que réformer.

Pire, au niveau de l’État et des collectivités, les dépenses de fonctionnement ont augmenté. Sur le plan local, cette augmentation est particulièrement incompréhensible. Ces dépenses continuent d’augmenter à hauteur de +3,3 milliards en 2014 alors même que les dotations de l’État se sont contractées de 1,2 milliard. Cela est entièrement dû à une hausse des impôts locaux qui augmentent de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2013.

Les collectivités, sous la pression de l’État qui a revalorisé des catégories B et C de tous les agents publics[1], ont augmenté la masse salariale des agents de 2,9 milliards d’euros en un an (plus qu’en 2013 où la hausse était de 2 ,3 milliards). Le gouvernement a modifié le multiplicateur indiciaire des agents d’une façon substantielle ce qui fait dériver les rémunérations locales beaucoup plus que si le point d’indice avait été revalorisé de 0,5 point par exemple.  Le premier échelon, qui commençait à 297, passe à 330, équivalent du 4ème échelon…

Résultat, les rémunérations publiques ont, au total, continué de progresser plus que l’inflation avec 1,9% de hausse. La France continue donc de dépenser avec 278,2 milliards de rémunérations des agents publics plus de 13% de sa richesse nationale quand les pays de la zone euro sont en moyenne à 10,5%.  Pour retourner à la moyenne de la zone euro, c’est de l’ordre de 50 milliards d’euros de masse salariale publique que la France dépense en plus chaque année.

Globalement, les dépenses publiques de fonctionnement ont bel et bien augmenté de 1,3%  en un an, soit 4,9 milliards d’euros de plus qu’en 2013. La France ne baisse donc en aucun cas ses dépenses publiques de fonctionnement, celles qui sont les plus structurelles.

Par ailleurs, le 4% de déficit s’entend évidemment au sens de Maastricht et le gouvernement français a négocié (sous le gouvernement précédent) d’exclure du décompte du déficit les investissements d’avenir (PIA). Si l’on inclut ces PIA, le déficit de l’État ne recule pas, au contraire, il augmente sur un an de 4,9 milliards d’euros.  

Faut-il souligner aussi que la dette de la France atteint désormais 2.037,8 milliards d’euros et 95% du PIB. Soit un record. En 2014, la dette publique a augmenté de 84,4 milliards. Cette dette vient pour 1.610,2 milliards des dépenses de l’État, pour 22,6 d’organisme publics centraux divers, pour 188,2 des administrations locales et pour 216,8 milliards de la Sécurité sociale. Que ce soit du côté de l’État, des collectivités ou de la Sécurité sociale, entre 2013 et 2014 le montant de la dette augmente.

Conclusion 

À aucun moment, on ne peut se réjouir de ces fameux 4% seulement de déficit (au lieu de 4,4) au sens de Maastricht. Le constat est clair : les dépenses de fonctionnement continuent tranquillement d’augmenter, nullement bridées et le gouvernement continue de jouer sur la charge de la dette et sur les coups de rabot sur les investissements pour afficher des baisses de dépenses tout en continuant d’augmenter les rémunérations publiques et les dépenses de fonctionnement. Une question demeure : jusqu’à quand va-t-on continuer avec de tels expédients ? Il faut avoir à l’esprit que, même si la France voit une reprise économique poindre à l’orée 2015, c’est désormais avec retard sur le reste de l’Europe pour ne pas parler de la reprise américaine. Or, si notre capacité de rebond semble plus faible (croissance potentielle à 1 au lieu de 1,4 ou 1,5), il faut, dès à présent, anticiper la fin d’expansion de notre propre cycle pour 2019-2020. Cela implique que nous ne retombions pas à cette époque dans une phase récessive avec un déficit structurel jamais véritablement résorbé. Le devoir des pouvoirs publics est de poursuivre l’assainissement de nos comptes publics. Alors que la politique d’euro faible renforce nos exportations et que le niveau des prix du pétrole dope la compétitivité de nos entreprises, et sachant que de telles conditions extérieures ne sauraient perdurer, à partir de quand va-t-on se décider à mettre en place de véritables réformes structurelles ?


[1] Décret 2014-80 du 29 janvier 2014 modifiant les dispositions indiciaires applicables aux agents de la catégorie C et de la catégorie B de la fonction publique territoriale.