Tribune

2023, 2024… La dépense publique toujours en hausse!

Cent soixante-neuf milliards d’euros de déficit de l’État à fin juillet 2023! Le chiffre est très mauvais. Pire même qu’en 2020 ou 2021, années Covid, pendant lesquelles les déficits avaient atteint à la même époque 151 milliards et 166 milliards. En 2022, le déficit de l’État était de 130 milliards. Alors, que se passe-t-il? Les commentateurs ont largement expliqué que cette augmentation du déficit de l’État viendrait de moindres recettes fiscales de TVA, d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu…

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le 16 septembre 2023.

Effectivement, si l’on ne regarde que l’État, on constate bien que le déficit se creuse de 37,8 milliards d’euros par rapport à juillet 2022 et que les recettes sont en recul de 15 milliards. Il y a d’abord les recettes non fiscales en baisse par rapport à 2002 tout simplement parce que la France n’a pas réclamé les 12,7 milliards d’euros de financements européens prévus pour 2023 à cause de la non-adoption du projet de loi de programmation 2023-2027! Voilà ce qu’il en coûte de ne pas constituer de majorité absolue avec une vraie coalition.

Vient ensuite un repli des recettes fiscales: l’impôt sur les sociétés pour 4,5 milliards d’euros et l’impôt sur le revenu pour 2 milliards… Mais surtout, la recette de TVA s’affiche en baisse pour l’État de quasi 5 milliards. Pourtant, avec l’inflation, la recette totale de TVA continue d’augmenter, les encaisses se portant en juin à 103 milliards, contre 98 milliards l’année précédente à date. L’explication est que l’État a consenti des transferts de TVA vers les collectivités locales pour compenser la suppression de la taxe d’habitation et donc que la baisse de recette en TVA pour l’État est en trompe-l’œil.

Les dépenses augmentent partout

Il est donc clairement trop facile de pointer les recettes de l’État pour seules responsables du déficit aggravé alors que nous n’avons jamais eu un niveau de recettes de prélèvements obligatoires en valeur aussi élevé à mi-année (644,9 milliards d’euros en juin) même si l’on dénote une légère baisse en volume. D’ailleurs, c’est ce que l’on constate si l’on élargit la focale et si on ne se contente pas de regarder uniquement les comptes et le déficit de l’État mais les comptes de toutes les administrations publiques confondues.

Là, le bilan à mi-année n’est plus du tout le même: les recettes fiscales et non fiscales ne baissent pas, elles augmentent même de 22,3 milliards d’euros sur un an! Les impôts de production et assimilés augmentent de près de 6 milliards d’euros quand la TVA augmente de 4,2 milliards. Et les cotisations sociales sont en hausse de + 8,7 milliards d’euros.

Malgré ces bonnes encaisses de recettes par rapport à 2022, fin juin 2023, le déficit de l’ensemble des administrations publiques (État + collectivités locales + Sécurité sociale) est en négatif à - 64,2 milliards d’euros, se creusant de 8,5 milliards d’euros par rapport à juin 2022 (pour un objectif d’exécution désormais de -137,6 milliards d’euros fin 2023, soit 10,8 milliards de déficit de plus par rapport à 2022).

Du côté des dépenses publiques totales, la dynamique de hausse est encore plus forte avec 30 milliards de hausse à fin juin 2023 par rapport à 2022. Les dépenses augmentent partout. Prestations sociales: + 14,4 milliards avec l’indexation des allocations. Rémunération des agents des trois fonctions publiques: + 7,7 milliards. Dépenses d’achat et de fonctionnement: + 3,8 milliards. Et investissement public: + 3 milliards.

Que penser de tout cela? Que ce n’est pas principalement à cause d’une baisse des recettes fiscales que le déficit public total se creuse, mais bel et bien à cause d’une augmentation plus rapide des dépenses publiques totales. Et que si la France affiche crânement une croissance plus importante que l’Allemagne en 2023, c’est aussi grâce à des dépenses publiques en hausse… financées à crédit par de la dette!

Bien entendu, cette projection et ces constats à partir des chiffres à mi-année ne seront vérifiés que si les profils temporels des dépenses et des recettes n’évoluent pas significativement par rapport aux années précédentes. En pourcentage de la richesse nationale, cela dépendra aussi du niveau réel de la richesse nationale en 2023.

L’explication par la baisse des recettes, un leurre

Quoi qu’il en soit, nous sommes dans une zone rouge pour nos finances publiques. Le déficit de l’État n’est qu’un élément de l’équation et l’explication par la baisse des recettes, un leurre. Leurre qui, au passage, permet de justifier une chasse aux niches fiscales qui ne fera qu’augmenter la pression fiscale.

En 2023, nous serons toujours champions du monde des pays avancés des impôts et des dépenses et la France toujours droguée à la dépense publique, et aux taxes. Et le déficit public de l’ensemble de nos administrations devrait être plus important que l’an dernier alors même que beaucoup de mesures de soutien ponctuel ont été arrêtées.

Qu’en sera-t-il en 2024? Malgré l’annonce tonitruante à Bercy de «16 milliards d’économies» qui ne sont que les arrêts des boucliers tarifaires ou des suppressions de niches fiscales, donc en réalité des hausses d’impôts, on s’attend déjà à un déficit public de près de 130 milliards d’euros soit un niveau assez proche de 2023. Et une augmentation des dépenses publiques de 47 milliards. Sans véritable réduction des dépenses et du déficit, la dette va continuer de grossir en valeur cette année de 131 milliards et l’an prochain de 126 milliards.

Avec la fin des rachats de dettes publiques par la Banque centrale européenne, la hausse des taux et les besoins de refinancement et une telle politique, l’OAT (obligations assimilables du Trésor) à 10 ans de la France à 3,2 % n’est qu’un début… Attention, si la signature de la France continue à se dégrader ce sera 4 % et plus. Une perspective peu enthousiasmante, alors que le coût de la dette, rien que pour l’État, est déjà prévu à 74,4 milliards en 2027.