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2010 : crise des finances publiques en Europe

Bienvenue dans la bulle des dettes publiques

Les pays occidentaux sont entrés dans une période de risque d'éclatement de la bulle des dettes publiques. Celle-ci était prévisible depuis la crise financière qui a lancé les Etats dans une surenchère de dépenses publiques à crédit.
Le ratio de la dette publique par rapport au PIB a crû dans la zone euro, de 69,4% à la fin de 2008 à 78,7% à la fin de 2009, et dans l'UE27, de 61,6% à 73,6%. Nous avons en France, comme dans la plupart des pays européens, par facilité, laissé filer les déficits dans un tourbillon de dépenses qui se surajoutent dans tous les domaines, qu'elles soient sociales ou publiques.

Au plus haut niveau, des économistes chevronnés ont fait croire à nos dirigeants que notre dette ne comptait pas car nos actifs (le Château de Versailles et le Mont Saint Michel par exemple) n'étaient pas évalués.
Ainsi, Eric Héyer, directeur adjoint du département Analyses et Prévisions de l'OFCE disait-il dans un entretien accordé au Figaro en septembre 2009 sous le titre La France est capable de rembourser ses dettes] : « On parle toujours de la dette brute de la France et jamais des actifs qu'elle possède et qui permettent d'équilibrer la balance : l'Etat possède en effet des actifs financiers, et d'autres actifs, notamment immobiliers, qu'il peut potentiellement céder pour se renflouer, même si ces biens sont peu liquides : il serait en effet difficile de vendre le Louvre ! Ainsi, avant la crise, quand la dette brute atteignait 70%, la dette nette financière (c'est-à-dire la dette brute moins la valeur des actifs financiers détenus, ndlr) ne pesait que 38%. En observant la balance globale, la France dispose même d'un actif supérieur à son passif. »

Nicolas Bouzou semble lui répondre quand il dit dans une étude de la Fondapol intitulée Stratégie pour une réduction de la dette française : « Si l'Etat dispose d'actifs, ils ne sont en réalité pas cessibles. En effet, on voit mal l'Etat, sauf crise soudaine et gravissime, vendre massivement les musées, les bâtiments officiels et les routes, voire ses participations dans EDF, GDF Suez ou Thales. En outre, la valeur de l'actif financier de l'Etat est très volatile. »

En plus de cela, dans le ratio de dette française publié par l'OCDE (voir le graphique ci-dessous) ne figurent pas les engagements de retraite pour les fonctionnaires évalués à plus de 900 milliards d'euros dans le rapport Pébereau consacré en 2005 à la dette de la France.

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Rapport Pébereau

Ainsi, il semblerait qu'en réalité, la dette française soit non pas équivalente, mais bien supérieure aux actifs. C'est ce que les économistes appellent « la dette implicite ». La « méthode Coué » de l'OFCE pour que ceux qui vivent de financements publics puissent continuer sans se poser de questions ni culpabiliser, arrive en bout de course. Il va falloir se réveiller. L'austérité budgétaire ne pourra être évitée. Plutôt que d'austérité, il faudrait parler de bonne gestion. De gestion responsable et de contrôle des dépenses publiques.

Les écailles devraient tomber des yeux. Mais, quand on voit Liêm Hoang Ngoc, économiste de gauche, se réjouir -dans un récent communiqué [1]- de la mise en œuvre de « modes alternatifs de financement des dettes souveraines, qui permettent de soustraire les Etats à la pression des marchés sur lesquels ils se financent » grâce au rachat par la BCE d'une partie de la dette et l'autorisation du financement par l'emprunt de la solidarité européenne, on ne peut que s'en inquiéter. Une mesure en complète contradiction avec les textes européens, et qui revient à ignorer les signaux envoyés par les marchés.
En ce qui concerne la solution, Liêm Hoang Ngoc recommande de poursuivre la fuite en avant : « les institutions européennes et le FMI persévèrent dans l'erreur en exigeant l'application de plans de rigueur drastiques, requis en contrepartie des aides. Alors que la reprise reste fragile, les politiques d'austérité, trompeusement appelées « politiques de sorties », imposées dans tous les pays européens, tueront celle-ci dans l'œuf. »

L'alternative qui est souvent évoquée aujourd'hui entre contrôle de la dépense et augmentation des recettes ne suffit plus. Il faut adopter des règles simples de bonne gestion commune. La Fondation iFRAP se bat depuis sa création pour que nos dépenses publiques soient mieux contrôlées, notamment par le Parlement. Le Parlement a peur aujourd'hui, il n'y a qu'à voir comme il a voté comme un seul homme -droite et gauche confondues- le plan d'aide à la Grèce. Nos élus savent qu'ils ont laissé filer les dépenses de façon irresponsable. Et les responsables des commissions des Finances ne sont pas à la fête.

Nous avons aujourd'hui une occasion unique de repartir du bon pied avec l'adhésion des citoyens. Nous y avons plus qu'intérêt en France car, dans notre fameux amortisseur de crise, nous avons cette dette implicite non prise en compte dans les comparaisons internationales, Cette dette implicite vient des privilèges (emplois à vie, retraites avantageuses…) des uns et des dépenses des autres (dépenses sociales record, milliards de subventions aux associations…).

Plus que la dette apparente, c'est la dette implicite qu'il faut combattre car c'est elle qui risque de nous coûter cher : notre AAA et les finances des ménages avec. Tout cela pour un « édredon » qui pourrait bien, à terme, nous étouffer.

Quelques règles de bonne gestion

Actions à court terme :

- Gel des salaires des fonctionnaires (y compris européens)
- Gel de tous les salaires payés sur fonds publics
- Gel des embauches dans les trois fonctions publiques
- Coupes dans les subventions publiques

Actions à moyen terme :

- Pas plus de 15 % d'emploi public par pays
- Ouverture à la concurrence de l'Assurance maladie obligatoire
- Passage sous statut de droit privé pour tous les emplois publics dans les fonctions non régaliennes de l'Etat
- Réforme des retraites avec un système unique et égal pour tous
- Désengagement de l'Etat des entreprises telles que La Poste, EDF, SNCF, RATP,...
- Instauration d'un maximum de prestations sociales pouvant être perçues par mois et par foyer fiscal

[1] Communiqué consultable en ligne : www.liemhoangngoc.eu/ ?p=831