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17 milliards d'augmentation : une fiscalité environnementale à contre sens de la tendance européenne

La fiscalité environnementale doit augmenter de 5 milliards d'euros entre 2018 et 2019... mais selon les prévisions gouvernementales, elle doit passer de 50 milliards en 2017 à 67 milliards d’euros d'ici 2022. Soit une augmentation de 17 milliards. Une vraie falaise... et surtout une augmentation à contre sens de la tendance européenne.

Dans une précédente note, nous avions démontré que le montant de l’augmentation de la fiscalité sur les carburants affectée à la transition écologique allait très minoritairement au financement de cette même transition (80 millions d’euros). Nous nous penchons, ici, sur le niveau de la fiscalité environnementale française par rapport à nos voisins européens. Premier constat, ce niveau est traditionnellement plutôt modérée en France.

Source : OCDE (jusqu’en 2016) et calculs de la Fondation iFRAP 2018

En 1994, celle-ci représentait 2,32 points de PIB. Un niveau qu’elle ne devrait retrouver qu’en 2018. Pendant près de 30 ans celle-ci a été contenue efficacement voir placée en réduction. Nos voisins au contraire, notamment le Royaume-Uni et la Suède ont plutôt eu traditionnellement une fiscalité écologique plus haute que la nôtre. En 23 ans (1994-2016), la Suède est en moyenne à 2,6 points de PIB, quand le Royaume-Uni est à 2,47 et l’Allemagne à 2,24 (la France est à 2,27).

En revanche ce qui est marquant c’est les évolutions globalement à la baisse de la pression fiscale verte de la part de tous nos voisins y compris et même surtout de l’Allemagne et de la Suède. Ainsi cette dernière tangente la trajectoire française depuis 2014, alors même que cette dernière avait atteint 3,04 pts de PIB en début de trajectoire en 1996.

D’une manière générale, la fiscalité environnementale moyenne au niveau de l’Europe s’avère plutôt en légère baisse avec une moyenne en 2016 estimée par l’OCDE à 2,47 % du PIB, tirée par certains pays à fiscalité élevée sur ce segment : le Danemark (4%), l’Italie (3,54%) ou les Pays-bas (3,48%). Mais ces derniers ont tous baissé leur fiscalité « verte » dans les années récentes (sauf l’Italie) : de 5,06% en 2006 à 4% pour le Danemark, de 3,68% à 3,48% pour la Hollande sur la même période. La fiscalité française semble chercher à effectuer un rattrapage par rapport à la moyenne européenne, mais ensuite la dépasserait allègrement après 2016.

En revanche si l’on retient la moyenne OCDE, on constate qu’elle est beaucoup plus basse et oscille dans un couloir entre 1,8% et 1,63 (2016).

Pour rendre le phénomène de décroissance de la fiscalité environnementale chez nos voisins européens, nous proposons une estimation en base 100 en 1994. Les grandes tendances sont alors plus aisées à suivre.

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

France

2,52

2,47

2,48

2,47

2,36

2,24

2,35

2,31

2,31

2,25

Base 100

108,65

106,67

106,94

106,57

101,61

96,45

101,18

99,73

99,74

96,99

Allemagne

2,21

2,13

2,11

2,23

2,31

2,49

2,52

2,62

2,50

2,43

Base 100

93,09

89,50

88,76

93,94

97,36

104,61

105,98

110,11

105,23

102,12

Royaume-Uni

2,51

2,54

2,73

2,79

2,68

2,51

2,47

2,43

2,41

2,27

Base 100

98,06

99,39

106,86

108,96

104,66

97,99

96,62

94,91

93,97

88,82

Suède

3,02

2,85

2,88

2,75

2,65

2,67

2,74

2,75

2,68

2,72

Base 100

111,61

105,41

106,67

101,86

98,10

98,73

101,21

101,59

99,17

100,72

Moyenne europe (OCDE)

2,59

2,57

2,58

2,69

2,58

2,57

2,64

2,69

2,64

2,63

Base 100

101,31

100,42

101,02

105,02

100,88

100,41

103,05

105,20

103,06

102,81

Moyenne OCDE

1,82

1,82

1,84

1,89

1,80

1,81

1,84

1,83

1,77

1,75

Base 100

98,98

99,00

100,00

102,38

97,73

98,19

99,90

99,63

96,19

94,98

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

France

2,21

2,11

2,09

2,14

2,10

2,14

2,15

2,24

2,19

2,20

2,21

Base 100

95,21

90,90

90,36

92,16

90,47

92,22

92,87

96,57

94,48

95,03

95,40

Allemagne

2,35

2,18

2,15

2,27

2,14

2,18

2,12

2,06

2,00

1,92

1,90

Base 100

99,11

91,82

90,63

95,56

90,15

91,81

89,36

86,74

84,13

80,79

79,80

Royaume-Uni

2,20

2,27

2,26

2,41

2,50

2,48

2,47

2,49

2,47

2,45

2,43

Base 100

85,81

88,61

88,40

94,15

97,51

96,77

96,38

97,48

96,67

95,63

95,10

Suède

2,61

2,52

2,57

2,68

2,59

2,41

2,40

2,36

2,20

2,21

2,22

Base 100

96,63

93,04

94,88

99,20

95,95

88,97

88,89

87,38

81,51

81,81

82,29

Moyenne europe (OCDE)

2,54

2,46

2,38

2,45

2,48

2,49

2,51

2,54

2,50

2,47

2,47

Base 100

99,46

96,25

93,07

95,92

97,01

97,53

98,12

99,40

97,86

96,42

96,40

Moyenne OCDE

1,67

1,64

1,53

1,63

1,63

1,60

1,59

1,62

1,61

1,63

1,63

Base 100

90,97

89,07

83,04

88,61

88,29

86,86

86,27

87,88

87,19

88,43

88,50

Source : OCDE database, Fondation iFRAP 2018

On vérifie effectivement que la tendance générale est à la baisse y compris s’agissant de la moyenne européenne (96,4 en 2016 par rapport à 1994) ou de l’OCDE (88,5 par rapport à 1994).

A compter de 2017 toutefois, si l’on intègre les hausses de fiscalité environnementale budgétisée par la France jusqu’en 2019 et la trajectoire proposée pour la seule fiscalité énergétique au-delà[1], on observe sur l’agrégat complet de la fiscalité environnementale, une augmentation de 0,32 points entre 2017 et 2022, soit une hausse en valeur absolue de 17 milliards d’euros.

France Millions

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Fiscalité énergétique

48 639,00

50 988,90

55 017,70

59 939,50

62 840,20

65 640,00

67 640,10

Calculs Fondation iFRAP 2018

Il s’agit bien d’une véritable « falaise » fiscale. L’augmentation s’explique non seulement par la fiscalité énergétique proprement dite (15,4 milliards d’euros), mais également par l’augmentation plus modérée des taxes relatives au traitement des eaux usées et des déchets et dans une moindre mesure, des taxes sur les véhicules motorisés (transports). Une augmentation confirmée dans le rapport définitif sur la fiscalité de production (juin 2018, non publié, p.16).

Il apparaît donc que la trajectoire française s’écarte encore une fois sensiblement de la tendance adoptée par nos principaux voisins européens en matière de fiscalité verte. La transition écologique dans ces pays passant par d’autres leviers que la simple voie fiscale. Encore une fois on a la sensation d’aller à contre-courant et d’avoir raison contre tout le monde. La France semble faire cavalier seul alors qu’elle disposait en la matière d’un véritable avantage (fiscal) comparatif.


[1] Voir par exemple, le rapport du Sénat du PLF 2018 fiscalité de la transition écologique, http://www.senat.fr/rap/a17-113-1/a17-113-14.html pour une trajectoire annoncée de 15,4 milliards d’euros. Comparer avec https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Comment%20construire%20la%20fiscalit%C3%A9%20environnementale%20pour%20le%20quinquennat%20et%20apr%C3%A8s%202022.pdf