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Retraites en Allemagne : à terme, un âge de départ à 67 ans et une dose de capitalisation

Face à la baisse tendancielle du niveau des pensions, l'Allemagne a mis en place des réformes successives des retraites qui ont conduit à porter l'âge légal de départ à la retraite à 66 ans. Cet âge devrait atteindre 67 ans en 2029.  Il faut dire que le taux de remplacement ne cesse de chuter dans ce pays à la démographie défavorable : de 59% dans les années 1970, le niveau des retraites est inférieur à la moitié du salaire moyen depuis 2012 selon la Deutsche Rentenversicherung. La nouvelle coalition au gouvernement mène une réforme pour maintenir un niveau de pension aux alentours d'au moins 48% du salaire moyen.

Les trois piliers du système de retraite allemand 

  • Premier pilier : la pension de retraite légale

L'assurance retraite légale (dite RV ou GRV) est le premier pilier du système de retraite allemand et constitue une assurance obligatoire pour les salariés. Elle vise à garantir une sécurité financière suffisante à la retraite. Les salariés et les employeurs versent chacun la moitié de la cotisation à la caisse de retraite.

Le taux de cotisation à l'assurance pension légale est de 18,6 % du revenu brut en 2023 (Ouest : 18,3%, Est : 18,6%). Les salariés paient 9,3 % de ce montant, les employeurs également 9,3 %. Ce taux pourrait passer à 20 % en 2025 et continuer de progresser encore jusqu’en 2030, bien que le gouvernement ne souhaite pas y toucher pour l’instant. Pour assurer que ces cotisations ne soient pas encore plus élevés, le gouvernement a créé un fond public. Pour les travailleurs peu rémunérés, appelés "mini-jobs", leur employeur verse une cotisation de 15%. Les mini-jobbers ne doivent verser que la différence avec le taux de cotisation général. Les subventions du budget fédéral constituent une source de financement complémentaire de l'assurance retraite.

Le plafond de cotisation jusqu'auquel les cotisations à l'assurance pension légale doivent être versées s'élève en 2023 à un revenu mensuel brut de 7 300 euros en Allemagne de l'Ouest et de 7 100 euros à l'Est.

En 2021, la pension de vieillesse légale mensuelle moyenne en Allemagne s'élevait à 1.159 euros.

  • Deuxième pilier : l'assurance retraite d'entreprise

La prévoyance vieillesse d'entreprise (bAV) est une prévoyance vieillesse complémentaire conclue avec l'employeur. Dans ce cadre, l'employé peut déterminer lui-même le montant qu'il souhaite épargner et la manière dont il souhaite que l'argent soit investi. La prévoyance vieillesse d'entreprise peut être proposée sous forme d'assurance directe, de caisse de pension ou de fonds de pension.

Les cotisations au bAV sont exonérées d'impôt et de charges sociales jusqu'à un certain montant. En 2023, le montant maximum exonéré d'impôt pour la prévoyance vieillesse d'entreprise est de 3 408 euros par an. L'employeur peut également y participer et verser des cotisations supplémentaires.

Il existe différentes manières de verser les cotisations à la prévoyance vieillesse d'entreprise. L'employeur peut par exemple souscrire une assurance directe pour l'employé ou convertir directement une partie du salaire en bAV.

Le salarié peut choisir de recevoir la pension d'entreprise sous forme de rente tout au long de sa retraite ou de versement unique en capital. En 2019, la pension d'entreprise mensuelle moyenne s'élevait à 293 euros.

En cas d'insolvabilité de l'employeur, l'argent épargné dans la prévoyance vieillesse d'entreprise est protégé et reste disponible pour la prévoyance vieillesse du salarié. La prévoyance vieillesse d'entreprise n'est pas seulement intéressante pour les salariés et peut aussi être un levier pour les employeurs pour conserver et attirer des employés.

  • Troisième pilier : l’épargne retraite personnelle

La prévoyance vieillesse privée est une prévoyance vieillesse complémentaire facultative que chacun peut souscrire de manière autonome et indépendamment de l'assurance pension légale. Il existe différentes possibilités d'organiser sa prévoyance vieillesse privée, comme par exemple la convention Riester (du nom du Ministre du travail Walter Riester en 2002).

La pension Riester peut être souscrite sous forme d'assurance pension, de plan d'épargne bancaire ou de plan d'épargne en fonds. Les cotisations à la pension Riester sont encouragées par l'État et sont déductibles des impôts. En 2023, le montant maximum exonéré d'impôt pour la pension Riester s'élève à 2.100 euros par an. En 2019, la pension Riester mensuelle moyenne s'élevait à 132 euros.

Il est aussi possible d'investir pour sa retraite à travers des titres mobiliers tels que des actions, des obligations ou des fonds. Le risque et le rendement varient alors évidemment en fonction de la stratégie d'investissement.

Ce qui a changé au 1er janvier 2023

Plusieurs changements sont intervenus à partir du 1er janvier 2023 concernant le système de retraite allemand.

• Tout d’abord, on constate le passage automatique de l’âge légal de départ à la retraite à 66 ans, qui s’applique à toutes les personnes nées en 1958. Pour ceux qui sont nés après, l’âge de départ continue d’augmenter progressivement chaque année jusqu’à atteindre 67 ans en 2031.

• Aussi, le seuil d'assujettissement change : le plafond de cotisation à l'assurance retraite passe de 7050 à 7300 euros par mois dans les anciens Länder (ancienne RFA) et de 6750 à 7100 euros par mois dans les nouveaux Länder (ancienne RDA). Il détermine le montant maximal jusqu'auquel le revenu du travail est pris en compte dans le calcul de la cotisation à l'assurance retraite. Aucune cotisation n'est versée pour les revenus dépassant ce plafond. Le taux de cotisation à l’assurance-retraite reste lui inchangé à 18,6%.

• La limite des revenus complémentaires pour les pensions de retraite anticipées a été supprimée. Les revenus supplémentaires n'entraîneront donc plus de réduction de la pension anticipée pour les "préretraités". Cette mesure vise à faciliter la poursuite ou la reprise d'une activité professionnelle après le départ à la retraite. La suppression de la limite des revenus complémentaires s'applique aussi bien aux nouveaux retraités qu’aux retraités existants. Un autre avantage de la suppression de la limite des revenus complémentaires est qu’il est possible de continuer à cotiser pour sa retraite avec ces revenus et d’ainsi augmenter ses droits de pension une fois l’âge légal de départ à la retraite atteint, assouplissant encore davantage le passage de la vie active à la retraite.

Si la limite des revenus complémentaires n’est pas supprimée pour les bénéficiaires d'une pension d'invalidité, elle est tout de même relevée de 6 300 euros à 17 820 euros par an. Ce plafond pourra varier chaque année en fonction de l’évolution des salaires. Ainsi, quitter le monde du travail peut se faire de manière plus flexible et adaptée avec des pertes financières moins importantes.

• La cotisation minimale et maximale de l’assurance retraite volontaire, concernant les personnes non assujetties à l’assurance retraite générale et notamment prévus pour les parents au foyer, indépendants, professions libérales et allemands vivant à l’étranger, augmente en raison de la hausse des salaires (salaire minimum à 12€/h et seuil des mini-jobs à 520€). La cotisation minimale mensuelle s’élève à 96,72 euros et le montant maximal passe de 1311,30 euros à 1357,80 euros par mois.

• Le plafond des « Midijobs » augmente en passant de 1600 à 2000 euros. Les Midijobs sont des emplois de transition qui concernent les personnes gagnants entre 520 euros (seuil plafond du minijob) et 2000 euros par mois en moyenne sur une année. Or, les « midijobers » paient une part réduite de cotisations au titre de l’assurance retraite, qui augmente progressivement jusqu'à ce qu'ils atteignent le plafond de 2000 euros et correspond au taux plein de cotisation retraite de 18,6%. Les droits à la retraite ne diminuent pas pour autant, mais sont calculés sur la base du salaire complet.

• La part d’impôt pour les nouveaux retraités augmente : les personnes qui prendront leur retraite en 2023 devront payer une part plus importante d'impôts sur leur pension. La part de la pension imposable passera de 82 à 83% pour les nouveaux retraités. Ainsi, 17% de la pension annuelle brute restera exonéré d'impôt. Pour les retraités actuels, la part de la pension exonérée d'impôt reste inchangée.

Introduction d’une dose de capitalisation : un premier fond de capital de 10 milliards d’euros annoncé

L’Allemagne aussi prévoit une réforme en profondeur de son système de retraite, avec notamment l’introduction d’une dose de capitalisation. Alors qu’il s’agissait d’une proposition mise en avant par les libéraux (FDP) lors des élections législatives en 2021, l’accord de coalition conclus avec les socialistes (SPD) et les écologistes (Die Grünen) comprenait la création d’un fond de capital de 10 milliards d’euros dans un premier temps pour renforcer le système de retraite allemand[1]. Le ministre du travail socialiste Hubertus Heils a annoncé la mesure en début d’année. L'objectif est de constituer un fonds de capitalisation pour les retraités à partir de fonds publics. Ce stock de capital doit permettre de stabiliser les cotisations de retraite à partir du milieu des années 2030. Concrètement, un fonds public doit acheter des actions et des obligations en bourse. Le point positif pour les salariés : grâce à ce financement différent du régime de retraite, le taux de cotisation des salariés devrait être réduit. Le but est ainsi de sécuriser le financement du système de retraite et d’assurer sa pérennité pour les futures générations. Contrairement à ce que le FDP avait prévu dans son programme, les fonds ne devraient pas être financés par les cotisations de retraite, même si cela ne sera toutefois pas exclu à l'avenir selon le ministre des Finances Christian Lindner[2]. Comme l'ont constaté plusieurs études, le stock de capital prévu de dix milliards ne suffira de toute façon pas à renforcer le système de retraite légal pour les retraités[3]. L'une des réflexions du FDP est donc d'investir chaque année dix milliards d'euros dans la rente d'actions au cours des 15 prochaines années. Le financement d’un tel investissement n’a pas encore été communiqué. Ce modèle est notamment inspiré de la Suède, qui a été l'un des premiers pays européens à proposer un système par capitalisation aux retraités. L'augmentation moyenne de la valeur du fonds d'Etat le plus populaire y est d'environ 12,5% par an.

Aussi, le gouvernement a annoncé une augmentation des pensions pour 2023, à hauteur de 3,5% pour les retraites d’Allemagne de l’Ouest et 4,2% en Allemagne de l’Est.

Digitalisation : le gouvernement annonce un portail en ligne pour estimer ses droits à la retraite

Le gouvernement allemand a annoncé la création d’un portail officiel en ligne gratuit et accessible à tous les citoyens allemands à partir de l’été 2023 pour avoir un meilleur aperçu de son propre plan de retraite. Un site internet permettant une vue d’ensemble plus claire de ses droits à la retraite était réclamé de longue date par les experts en prévoyance vieillesse. Il prendra en compte les droits acquis au titre des pensions légales, professionnelles et privées. Un tel dispositif existe déjà en France depuis 2016 avec le site Info-retraite.fr.


[1] https://legrandcontinent.eu/fr/2021/10/15/esquisse-dun-pays-en-feu-tricolore/

[2] https://www.lopinion.fr/international/retraites-en-allemagne-les-debuts-hesitants-de-la-capitalisation

[3]https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/15/l-allemagne-s-apprete-a-introduire-une-dose-de-capitalisation-dans-le-financement-des-pensions_6161974_3234.html