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Nous devons faire de l’emploi des seniors une priorité, coute que coute

Le PLFSS adopté a surtout fait parler de lui pour la suspension de la réforme des retraites. Mais il prévoit aussi de durcir l’accès au cumul emploi-retraite, au prétexte de simplifier le dispositif. Pourquoi vouloir faire des économies sur un dispositif qui permet à des retraités de poursuivre leur activité et de contribuer à la croissance, alors que le Gouvernement a reculé sur le point principal de la réforme de 2023, le report de l’âge ? Cette disposition va à l’encontre du soutien à l’emploi des seniors, sur lequel nous avons beaucoup de retard à rattraper par rapport à nos voisins européens (60,4 % de taux d’emploi des 55-64 ans en France contre 75 % en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Suisse, et même 78 % en Suède).

La LFSS 2026 a été adoptée et sa mesure phare avec elle, la suspension de la réforme des retraites. Pourtant, une autre mesure a été plus discrètement adoptée : elle concerne le cumul emploi-retraite, pour en durcir les conditions d’accès.

Voici le dispositif du cumul emploi-retraite tel qu’il fonctionnait jusqu’à présent :

  • Si départ en carrière longue (à partir de 58 ans) : le cumul salaire et retraite est plafonné (dernier salaire d’activité brut, ou à 1,6 fois le SMIC brut si ce montant est plus élevé). En cas de dépassement du plafond (dernier salaire d’activité brut, ou à 1,6 fois le SMIC brut si ce montant est plus élevé) on applique un écrêtement. Sinon, jusqu’à l’âge de droit commun légal d’ouverture des droits, le cumul emploi retraite n’est pas autorisé. 

  • A partir de l’âge commun d’ouverture des droits, le cumul est autorisé et plafonné si le retraité n’a pas tous les trimestres requis au titre de la durée d’assurance. Sinon, le cumul est intégral.

  • A l’âge d’obtention automatique du taux plein (67 ans), le cumul est intégral.

De plus, la réforme des retraites de 2023 permet à ceux qui ont repris une activité en cumul intégral d’acquérir de nouveaux droits à la retraite. Toutefois, le droit à percevoir une seconde pension n’est pas ouvert à ceux qui reprennent une activité chez le même employeur avant un délai de six mois, afin de "décourager des liquidations de retraite prématurées". 

Voici le nouveau dispositif :

  • Avant l’âge légal de départ à la retraite : le cumul des revenus d’activité avec la pension de retraite est interdit. Cela concerne surtout les carrières longues. Tout revenu d’activité perçu réduirait le montant de la pension de retraite à due concurrence, dès le premier euro ;

  • Le cumul intégral ne sera possible qu’à partir de l’âge d’obtention du taux plein ;

  • Entre les deux bornes : le cumul sera plafonné quel que soit le nombre de trimestres acquis.

Ce dispositif ne sera bien entendu pas rétroactif.

Ces mesures s’inspirent du dernier rapport de la Cour des comptes qui soulignait une utilisation trop courante du dispositif cumul emploi-retraite par les retraités en carrières longues, estimant qu’il y avait là une contradiction. Le gouvernement souhaite par ailleurs pousser la retraite progressive.

Retraite progressive du salarié

La retraite progressive est un dispositif qui permet, en fin de carrière, de travailler à temps partiel et de percevoir, en même temps, une partie de ses retraites (de base et complémentaires). Pendant cette période, on continue de cotiser à la retraite, et il est même possible de surcotiser, c’est-à-dire de cotiser à la retraite sur la base d’un salaire à temps complet. Au moment de la cessation totale d’activité, la retraite est recalculée en tenant compte de la période pendant laquelle on a continué de travailler à temps partiel.

3 conditions sont à remplir : Être âgé d’au moins 60 ans ; Justifier d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes fixée à 150 trimestres auprès d’une ou plusieurs caisses de retraite de base ; Exercer une activité salariée ou non salariée à temps partiel (ou à temps réduit par rapport à la durée légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours ou en demi-journées) comprise entre 40 % et 80 % d’un temps complet. La demande peut se faire auprès de l’employeur qui n’est pas tenu de l’accepter mais qui doit motiver son refus.

S'il accepte, lors du départ en retraite définitif, la pension de retraite est recalculée en tenant compte du montant de pension de retraite qui a été perçu et de la période passée en retraite.

Mais ce changement étonne à plus d’un titre : pourquoi vouloir décourager le cumul emploi retraite qui favorise l’emploi des seniors, là où la France est en retard par rapport aux autres pays européens ? Surtout que le dispositif aurait d’autant plus mérité d’être soutenu que le gouvernement a reculé sur la réforme des retraites avec la suspension concédée pour faire adopter le PLFSS. Pourquoi vouloir faire des économies sur le dos des retraités en cumul emploi-retraite ?

Dans le nouveau dispositif, il faudra que les retraités attendent 67 ans pour bénéficier du cumul intégral, ce qui paraît peu probable. Et dans le cas d’un cumul entre l’âge légal et l’âge d’obtention du taux plein, la perte financière pour un retraité en cumul emploi retraite risque d’être importante comme le montre cette simulation avant/après publiée dans Les Echos :

On se prive donc d’une possibilité de maintenir en activité une partie de la population active seniors alors que les entreprises vont avoir de plus en plus besoin de main d’œuvre qualifiée.  Des retraités qui travaillent, payent des charges et des impôts, consomment... et vivent mieux. Cette mesure ne permettra pas de compenser le coût de la réforme des retraites.