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Réforme des retraites : un régime pas vraiment universel pour les agents du Parlement

L’idée du régime universel de retraite était de traiter le sujet des iniquités existantes entre les différents régimes de retraites. Entre les agents publics et les salariés du privé, notamment. À partir de 2025, les agents publics et les personnels du secteur privé seront, sur le papier, traités à égalité et tous ceux nés après 1975 concernés par la réforme. Sauf que… de nombreux coups de canif ont déjà été donnés dans le contrat.

La semaine dernière vient d’apporter un nouvel épisode au feuilleton. Cet épisode porte sur les fonctionnaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces agents ont un régime très dérogatoire avec des niveaux de rémunérations, de primes et de pensions très élevés. Jusqu'à maintenant, les modifications du régime des fonctionnaires du Parlement relevaient uniquement des décisions du bureau des deux assemblées.

Le texte initial du gouvernement visait à aligner totalement les agents des deux chambres sur le commun du régime universel. C’était sans compter l’initiative du rapporteur de la majorité au projet de loi sur les retraites, Guillaume Gouffier-Cha, qui a fait adopter le 28 février un amendement n°37726 à l’article 6. Même dans le cadre du recours au 49.3, cet amendement est bien conservé dans la loi adoptée le 3 mars à l’Assemblée.

La réforme appliquée aux agents nés après 1985 au lieu de 1975

Le texte prévoit ainsi de reporter l'application du texte à la génération d'agents nés après 1985 au lieu de 1975 :

«À compter du 1er janvier 2025, seraient également intégrés au SUR tous les fonctionnaires de l’Assemblée nationale et du Sénat entrés avant le 31 décembre 2021 dès lors qu’ils sont nés en 1985 ou après. Les autres, nés avant, demeureront affiliés aux caisses actuelles. Les anciens fonctionnaires ayant liquidé leurs droits avant 2025 demeureront affiliés à ces caisses, quelle que soit leur année de naissance.»

On voit bien ici le parallélisme des formes par rapport aux conducteurs (mais uniquement les conducteurs) de la RATP et de la SNCF qui seront eux aussi concernés par la réforme, mais seulement ceux qui sont nés après 1985 et non pas après 1975. Les agents des Assemblées gagnent ainsi 10 ans et seulement une petite centaine d'entre eux devrait subir la réforme.

Il faut souligner aussi que la «surcotisation» des agents - qui intégrera le calcul de leur prime - sera prise en charge par l'Assemblée nationale, et ce pendant trente ans.

Une entrée dans le nouveau système dès 2022 pour les nouveaux embauchés

«Tous les fonctionnaires parlementaires qui entreront dans les cadres après le 31 décembre 2021 seront transférés au système universel de retraite (SUR) à compter du 1er janvier 2022 : comme pour les députés ou sénateurs et à une date identique, le régime actuel est donc fermé et n’accueille plus de nouveaux cotisants.» C'est une sorte d'excuse.

L’amendement de la majorité a été adopté à 63 pour et… 0 contre. 26 se sont abstenus dont 10 LR, 2 PS, 2 LFI…Visiblement, le vote en scrutin public a été décidé pour que les opposants à cet amendement ne puissent pas voter ouvertement contre, puisque, quand il y a scrutin public, le nom des députés votants et leurs votes sont rendus publics et publiés sur le site de l’Assemblée nationale. D’où le fait qu’aucun député n’ait voté contre, afin de ne pas se mettre à dos les agents de l’Assemblée…

Cette modification du texte par amendement rend le régime de pension des agents du Parlement encore plus dérogatoire par rapport au droit commun que celui des cheminots. Il semblerait que tout soit fait par les agents du Parlement pour que, si jamais un nouveau gouvernement venait remettre en question en 2022 la réforme des retraites, ils puissent revenir en arrière…

Cela dit, cela aurait pu être pire et les agents du Parlement auraient pu rester tout à fait en dehors du système universel et leur système de pension aurait été géré de manière discrète par les bureaux des assemblées.