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Faut-il supprimer les régimes de retraite des parlementaires ?

Ce n’est pas la première fois que les régimes de retraite des parlementaires sont dans le collimateur : déjà en 2019, à l’occasion du débat sur la mise en place d’un système universel de retraite, Jean-Paul Delevoye déclarait qu’il fallait prévoir la fin des régimes des parlementaires. Cette fois encore, la Première Ministre a été interrogée sur l’avenir de ces régimes. Sans prendre position, elle a déclaré que le gouvernement ne pouvait pas prendre l’initiative d’une réforme des régimes de pensions des députés et sénateurs et que seule une loi organique déposée par les deux chambres pourrait modifier les régimes en question. L’occasion de faire le point sur les deux régimes.

Des régimes spéciaux depuis 1904

Les régimes de retraite des députés et sénateurs sont des régimes autonomes. Chaque Chambre gère la caisse de retraite de ses représentants mais aussi du personnel de l’Assemblée et du Sénat. Contre toute attente, le fonctionnement n’est pas identique dans les deux chambres.

La retraite des députés

Les députés cotisent sur leur indemnité parlementaire[1]. Le taux de la cotisation sur l’indemnité est de 10,85 % depuis le 1er janvier 2020. La cotisation au régime obligatoire de la Caisse de pensions des députés, est de 765,98 € par mois. Les députés cotisent également sur leur pension de retraite.

La pension est calculée au prorata des annuités acquises, dans la limite d’un plafond fixé pour l'année 2023 à 42 annuités, ce plafond évoluant jusqu’en 2033 pour atteindre 43 annuités, même si dans leur cas cette durée est théorique. La pension est perçue, au plus tôt, à 62 ans, soit l’âge de droit commun. En pratique, les députés prennent plutôt leur retraite vers 65 ans.

Les règles du régime de pensions des députés suivent les éléments de la dernière réforme opérée par le Bureau de l’Assemblée nationale et entrée en vigueur le 1er janvier 2018. La retraite des députés est calculée non pas sur le traitement des 6 derniers mois, mais sur la base de l'ensemble des indemnités perçues et soumises à cotisation. Pour chaque année passée à l'Assemblée nationale, on retient un pourcentage des indemnités versées. Ce pourcentage décline progressivement, en fonction de l'année de départ à la retraite, de 2,11 % en 2008 à 1,9628 % en 2033. Le montant de la pension est égal, pour chaque annuité, à un pourcentage des sommes soumises à retenue. La valeur de l’annuité ainsi que le nombre maximum d’annuités liquidables sont fixés conformément au tableau suivant[2].

 

En 2021, le montant net de la pension d’un député au bout de 5 ans de mandat s’établit, depuis cette réforme, à 661 euros nets.

La double cotisation

Jusqu’en 2010, les parlementaires pouvaient bénéficier d’une double cotisation qui augmentait à la fois le montant de leur pension et le nombre de leurs annuités[3]. La double cotisation était possible pendant 15 ans, ils pouvaient ensuite cotiser 50 % de plus que la normale pendant 5 autres années. Ils pouvaient ainsi atteindre une carrière complète en 23 ans (au lieu de 40,5 ans).

En ce qui concerne les députés, jusqu'au 31 décembre 2017, ils pouvaient encore surcotiser, mais de moins en moins : 50 % de plus pendant les 10 premières années (les 2 premiers mandats), 33 % les 5 années suivantes, et 25 % pendant le reste de la carrière. Ils atteignaient ainsi leur durée d'assurance complète en 31 ans environ (une durée qui aurait atteint 33 ans avec l'allongement de la durée de cotisation).

Les députés et les sénateurs ne peuvent plus verser la double cotisation depuis le 1er janvier 2018. 

En ce qui concerne les sénateurs, un régime de retraite complémentaire par points a été créé en compensation. La cotisation est égale à celle du régime de base.

La situation financière de la caisse de retraite des députés

Les charges de la Caisse s’établissent à 69,69 M€ en 2021, dont 65,26 M€ au titre des charges vieillesse[4]. Par construction, les produits s’équilibrent avec les charges moyennant le versement d’une subvention d’équilibre de l’Assemblée nationale de 53,05 M€ qui complète les cotisations des députés (5,54 M€) et de la contribution équivalent part patronale de l’Assemblée nationale de 11,09 M€. Le nombre de bénéficiaires (pensionnés et ayant droits) est en recul depuis 2017 (1903 personnes).

La retraite des sénateurs

Les règles applicables aux pensions d'anciens Sénateurs sont analogues à celles appliquées aux députés. La durée de cotisation a été relevée progressivement pour atteindre 42 ans à compter du 1er janvier 2021 et continuera ensuite à augmenter régulièrement, jusqu'à 43 ans à l'horizon 2033. L'âge auquel les Sénateurs peuvent prétendre au versement de leur pension de retraite est désormais fixé à 62 ans. En pratique, les sénateurs vers 70 ans.

Les sénateurs bénéficient d’un régime de retraite complémentaire par points pour pallier la disparition du système à cotisation double. La Caisse des retraites des anciens Sénateurs fonctionne selon le principe de la répartition mais a aussi constitué des réserves financières placer afin de consolider les équilibres du régime (capitalisation).

Le financement du régime est assuré par une cotisation des Sénateurs, par une cotisation employeur du Sénat (correspondant à 2 fois la contribution des parlementaires pour le régime de base et à 1,5 fois leur contribution pour le régime complémentaire par points), ainsi que par un prélèvement sur les revenus procurés par les actifs financiers de la Caisse.

Pour les sénateurs, la cotisation complémentaire à la Caisse autonome de sécurité sociale des sénateurs est de 38,24 € par mois et la cotisation à la Caisse des retraites des anciens sénateurs au régime complémentaire est de 1 118,68 € par mois. Au total, cela représente donc 1 156,92 € par mois.

La situation financière de la caisse de retraite des anciens sénateurs

Le montant total des prestations versées par la Caisse s’élève à 38,10 M€. Les cotisations encaissées s’élèvent 12,42 M€. Le déficit technique s’élève à 25,68 M€. Le résultat financier de la Caisse (12,73 M€) couvre en partie ce déficit et laisse un résultat net comptable négatif de 11,82 M€. Le nombre de sénateurs pensionnés de la caisse de retraite est de 745.

Quelle réforme pour les régimes de retraite parlementaire ?

Interrogée, la Première ministre a indiqué que la suppression des régimes spéciaux de deux assemblées relevait d’une loi organique, un cadre qui dépasse l’objet du présent texte. Mais plusieurs élus, au titre de l’exemplarité, ont demandé que cette question soit également mise à l’ordre du jour. Au minimum, il faut que les autres curseurs du régime évoluent comme ceux prévus au régime général. D’après nos informations, c’est un arrêté du bureau de l’Assemblée nationale qui en 2014 avait aménagé le régime de retraite des députés pour tenir de l’allongement de la durée de cotisation et de l’augmentation du taux cotisation votés par la réforme Touraine de 2014[5]. Le bureau de l’Assemblée nationale comprend le président de l’Assemblée nationale, les vice-présidents et les questeurs. Idem au Sénat[6]. Déjà la président de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré « à chaque réforme législative qui vient toucher le régime des retraites pour l'ensemble de la patrie, nous le transposons pour que le régime de l'Assemblée nationale soit strictement aligné sur celui des Français », et du côté des sénateurs, Gérard Larcher, s'était engagé, dès la première réforme des retraites proposée en 2019 , que soient appliquées aux sénateurs les nouvelles dispositions votées dans le cadre de la loi.

Des régimes spéciaux dans les régimes spéciaux : les personnels des Assemblées

Les personnels des assemblées sont couverts par un régime spécial de retraite financé par chacune des deux chambres directement sur leur budget. Au Sénat, les pensions servies par la Caisse des retraites du Personnel du Sénat se sont élevées à 52,38 millions d'euros en 2021. Comme pour la Caisse des anciens Sénateurs, le compte de résultat met en évidence un déséquilibre technique de 35,15 millions d'euros que le résultat financier ne compense pas. La Caisse affiche ainsi un résultat comptable déficitaire de 18,61 millions d'euros. La caisse compte 1123 pensionnés pour 1235 actifs (personnels et contractuels).

A l’Assemblée, le nombre de pensionnés ancien du personnel est de 1334 en 2021. Les charges de retraite s’élèvent à 54,12 M€ couvertes par des cotisations (6,10 M€ de cotisations salariales et 11,99 M€ de cotisations patronales) et une subvention d’équilibre de 36,03 M€.


[1] https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/la-situation-materielle-du-depute

[2] https://www2.assemblee-nationale.fr/static/CRD-janvier-2018.pdf

[3] https://www.la-retraite-en-clair.fr/parcours-professionnel-regimes-retraite/regimes-speciaux-retraite/retraite-parlementaires

[4] https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/468663/4574832/version/2/file/Rapport+Questeurs+ex%C3%A9cution+2021+VBAT.pdf

[5] https://www2.assemblee-nationale.fr/14/le-bureau-de-l-assemblee-nationale/comptes-rendus-et-convocation-archives-de-la-xiveme-legislature/2014/reunion-du-mercredi-23-juillet-2014

[6] https://www.senat.fr/role/fiche/bur_cr_reunion160414.html