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Embauche de contractuels dans la fonction publique : le gouvernement va dans le bon sens

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 8/10 sur la réforme de la place des contractuels dans la fonction publique.

Le statut à vie est pour l'instant ultradominant dans les services publics. Face à cette réalité, l'une des mesures phares de l'avant-projet de loi pour une transformation de la fonction publique, consiste à renforcer la place des contractuels. Ces derniers représentent aujourd'hui seulement 20% des agents publics de droit commun (hors militaires, hors statuts spéciaux et hors contrats aidés), soit environ 970.000 agents. Une situation singulière en Europe, où les ratios statutaires/contractuels sont bien plus équilibrés : de 53/47 en Espagne (pour 2,5 millions d'agents publics), 40/60 en Allemagne (pour 4,9 millions), 15/85 en Italie (pour 3,2 millions), 8/92 au Royaume-Uni (pour 2,75 millions) et 1/99 en Suède (pour 1,35 million).

Le renforcement de la place du contrat se fera, si on se fie au projet de loi, par quatre moyens complémentaires :

  • En premier lieu, l'ouverture au contrat « par le haut » est enfin confirmée. Les trois fonctions publiques pourront embaucher désormais des contractuels aux postes de direction. Pour l'État, il s'agit de tous les emplois de direction de l'État et de ses établissements publics ; pour les hôpitaux il s'agit des emplois supérieurs hospitaliers et de direction des établissements ; pour les collectivités, l'ouverture concernera l'ensemble des collectivités dont la population dépasse 40.000 habitants. Jusqu'à présent, sur les emplois de direction (qui ne sont pas nommés en Conseil des ministres), les statutaires de la fonction publique sont prioritaires et les nominations de contractuels à ces postes faisaient souvent l'objet de recours des syndicats devant le tribunal administratif pour les casser ;
  • En second lieu, le recours aux contractuels sera élargi pour l'État sur les compétences spécialisées ou nouvelles, y compris si les postes sont permanents. En clair, les compétences techniques de type cybersécurité ou informatique dont l'administration traditionnelle manque. Jusqu'à maintenant, les postes permanents devaient être occupés en principe par des titulaires de la fonction publique ;
  • Troisième mesure: dans les communes de moins de 1.000 habitants, tous les emplois territoriaux pourront être occupés de façon permanente par des agents contractuels. Demain, les espaces verts et tous les services municipaux de ces quelque 24.000 petites communes pourront être ouverts aux contractuels. Une disposition qui n'existait jusqu'à présent que pour les secrétaires de mairie. Or, ces communes de moins de 1.000 habitants emploient 81.200 agents publics dont seulement 8.800 contractuels. Le potentiel d'ouverture au contrat lors des renouvellements de poste peut donc se révéler massif et sécuriser certaines situations en outre-mer (Réunion). Et ce d'autant plus que les intercommunalités, composées en majorité de petites communes, pourront elles aussi embaucher uniquement sous contrat si elles le souhaitent ;
  • Enfin, le projet de loi prévoit l'introduction d'un « contrat de mission » pour une durée maximale de six ans. L'introduction du contrat de mission véritable, pendant de l'expérience dans le privé du CDI de chantier, devrait permettre d'apporter une alternative au CDD de droit public.

Généraliser le CDI de droit public en lieu et place du CDD

Ce projet vise aussi à généraliser, dans l'ensemble des trois fonctions publiques, le CDI de droit public en lieu et place du CDD. La plupart de nos voisins recrutant massivement en CDI et souvent par concours (prouvant qu'il n'y a pas d'antinomie entre concours et contrat, contrairement à ce qu'affirment les syndicats). Le renforcement du CDI au détriment du CDD est une bonne option car il permet de disposer d'une fonction publique contractuelle aux effectifs stables. Par ailleurs, le contrat sera désormais ouvert pour tous les emplois à temps partiel (quotité de temps de travail inférieure à 50%)… une bonne idée qui va permettre de « déprécariser » l'usage des emplois de vacataire. Seule déception, cette mesure ne devrait pas être ouverte dans la fonction publique d'État.

De bonnes nouvelles, sous réserve que les décrets ne nous apportent pas de mauvaises surprises. Bien entendu, on aurait pu attendre encore plus de ce gouvernement : que tous les postes non régaliens de l'État soient à terme occupés uniquement par des contractuels. Que les collectivités et les hôpitaux n'embauchent plus que sous contrat, comme la SNCF à partir de 2020. Le choix du gouvernement est d'avancer masqué en grignotant le statut par les deux bouts : par les postes de direction d'une part et par les postes dans les communes rurales d'autre part.

C'est d'une certaine manière assez malin, mais nul ne connaît à ce stade l'objectif de contractualisation visé par le gouvernement à l'horizon 2022 ou 2025. Par ailleurs, nul n'évoque encore le fait qu'il faudra un jour faire converger contrat de droit public et contrat de droit privé, comme c'est déjà le cas chez nos voisins européens. On peut néanmoins dire que le gouvernement, avec ses mesures sur le contrat, glisse un pied dans la porte du statut. Rien que cela mérite un 8/10.