Tribune

SNCF, la grève de la honte

Les Français ont vendu leur voiture car on leur a dit qu’avoir une voiture, ce n’était pas propre ; ils ne doivent plus prendre l’avion pour partir en vacances parce qu’on leur dit que ça pollue la planète. Alors ils ont réservé des billets de train pour partir en vacances et… les trains sont supprimés. Bienvenue en France ! Choisir le train c’est agir pour la planète, nous dit la SNCF. Les Français sont contents, ils ont payé leurs billets, l’État au sens large a encore versé plus de 20 milliards de subventions l’an dernier, mais ils ne partiront pas. Treize académies de France, en pleines vacances scolaires, sont concernées.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le vendredi 16 février 2024.

Dans les médias on leur dit qu’ils vont recevoir des SMS ou des e-mails, mais ils ne reçoivent rien. Ils découvrent l’annulation sur l’application. Au 3635, difficile de joindre un conseiller avant vingt minutes d’attente. On leur dit qu’ils seront remboursés automatiquement à 100 % mais il faut faire la démarche, et c’est loin d’être clair. La SNCF s’engage à faire des tarifs de - 50 % à ceux qui ont eu des trains annulés ?

Ce n’est pas encore valable pour ceux qui ont déjà d’autres billets à prendre. Donc on attendra. Combien de temps d’attente pour ces - 50 % ? Nul ne sait. Bref, être pieds et poings liés à la SNCF pour les longs trajets ne peut pas être une option pour le futur, n’en déplaise à ceux qui défendent la suppression des navettes aériennes en métropole et des trajets sur autoroute.

L’histoire se répète. Les 24 et 25 décembre 2022, 200.000 voyageurs avaient été privés de train car les contrôleurs demandaient l’augmentation de leur prime de travail. Cette prime avait été augmentée de 60 euros brut par mois et les contrôleurs avaient obtenu, en plus, un « accord sur la cessation progressive d’activité » afin de partir plus tôt à la retraite (ouvert à 57 ans pour les générations avant 1973, 59 ans et 5 mois en moyenne effective) et une augmentation de salaire automatique tous les 4 ans.

«Les salaires sont déjà généreux»

De nouveau, nous sommes otages d’une grève menée par les contrôleurs SNCF qui demandent une augmentation de 150 à 200 euros brut par mois de leurs salaires et sa prise en compte dans le calcul de leur retraite. Le syndicat SUD-rail demande, lui, la revalorisation de la prime de travail de 500 euros brut par mois. Pourtant, Jean-Pierre Farandou, le patron de la SNCF, a souligné que les contrôleurs SNCF ont été augmentés de 20 % en moyenne sur les trois dernières années.

Et les salaires sont déjà généreux : le salaire avec primes d’un contrôleur en début de carrière est de 2900 euros brut (soit 2500 euros net environ) et de 4400 euros brut (soit 3500 euros net environ) en fin de carrière. Et si on ne connaît pas la retraite moyenne d’un contrôleur SNCF, on sait que les montants mensuels moyens bruts de droit direct étaient à la SNCF de 2115 euros en 2021 et que, cette année-là, les nouveaux retraités de droit direct touchaient 2385 euros par mois. Bien plus que la moyenne des pensions.

Des rémunérations et des pensions élevées aussi par rapport à l’étranger. Ainsi en Italie, d’après TF1, le salaire d’un contrôleur de train oscille entre 1560 et 2400 euros brut par mois. Notons surtout qu’une telle situation de blocage est impossible en Italie où le droit de grève dans les services publics essentiels est encadré depuis 2000 et où les transports doivent garantir un service complet de 6 heures par jour (et notamment sur les heures de pointe), un service de desserte des banlieues, des liaisons longue distance et un service pendant les vacances scolaires, les périodes d’élections et les fêtes (Noël, Pâques, etc.). Nous devrions en prendre de la graine.

Le groupe centriste du Sénat vient de déposer une proposition de loi pour instaurer des périodes de 15 jours maximum (dans un seuil de 60 jours par an) où le gouvernement pourrait interdire les grèves dans les services publics et les transports afin d’éviter les situations de blocage pendant les vacances scolaires… ou les Jeux olympiques par exemple. Une loi qui permettrait notamment de mettre fin au chantage des grèves de Noël. Depuis 2002, 14 mois de décembre ont connu des grèves SNCF…

Il est urgent de rationaliser le droit de grève dans les services et transports publics. Et d’allumer la lumière sur ce phénomène qui gâche la vie des « usagers ». Étrangement, il n’existe pas de données publiées sur les journées de grève, ni pour la fonction publique territoriale, ni pour la fonction publique hospitalière. En 2019, les agents de l’État regroupent 33,2 % des journées perdues pour fait de grève. Quand on y ajoute le secteur des transports, c’est encore pire : en 2019, l’État, la RATP et la SNCF se sont partagé 45 % des jours de grève du pays.

Une surreprésentation du secteur public et des transports rendue possible par un détournement presque systématique des règles et un recours abusif des préavis de grève illimités. Ces préavis de grève illimités permettent, pour les adhérents du syndicat qui les a déposés, de se mettre en grève quand ils le souhaitent et contournent ainsi l’obligation de présenter un préavis 5 jours avant toute grève, ce qui rend complètement caduque la loi de 2007 sur le service minimum. Nous sommes en permanence à la merci de la prochaine grève. Et, incontestablement, un chantage aux Jeux olympiques est en cours de préparation chez nos cheminots maison que ce soit à la SNCF ou à la RATP. Comment expliquer autrement le choix de la CGT-RATP de déposer un préavis de grève courant du 5 février… au 9 septembre, soit le lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques ?

Pourtant, des mesures exceptionnelles ont déjà été actées pour la période des Jeux pour le personnel du secteur. On évoque le rachat des RTT majoré de 25 % à 40 % pour la période et une indemnité de 50 euros brut (environ 30 euros net) versée aux agents de la SNCF actifs « par jour d’épreuves » olympiques. Sur 19 jours de JO, cela représente environ 570 euros net. À cela devrait s’ajouter une indemnité journalière de gardes d’enfants, le renforcement du comité d’entreprise (pour proposer plus de places en colonies de vacances) ou encore une indemnité de logement. Du côté de la RATP, les négociations sont encore en cours. Pas sûr que la SNCF et la RATP sachent nous faire préférer le train et les transports en commun quand chaque fois nous restons à quai.