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Réserves et garde nationale : de quoi parle-t-on ?

Suite aux évènements du 14 juillet dernier à Nice, Bernard Cazeneuve et le gouvernement ont expliqué vouloir davantage solliciter, à la demande des préfets, les hommes et femmes de la réserve opérationnelle des forces de sécurité. Mercredi 20 juillet, François Hollande a renouvellé ce souhait en soulignant vouloir porter le nombre de réservistes mobilisables simultanément de 12.000 à 15.000 d'ici la fin du mois de Juillet. Il a aussi souligné que "quand on ajoute toutes ces réserves, 1er et 2e niveaux, qu'on fait appel aux réserves de nos armées, on peut dire qu'en France se constitue avec vous une Garde nationale". Hasard du calendrier, le rapport sénatorial mettant en lumière les différentes réserves et leurs effectifs, est sorti le 13 juillet dernier : il dénombre 185.458 réservistes de l'armée et de la gendarmerie.  Alors, de quoi parle-t-on ?

Aujourd'hui, le vivier de la réserve opérationelle compte :

  • la réserve opérationnelle de Gendarmerie de 1er niveau, avec, en 2015, un volume potentiel de 26.274 réservistes qui comprend tous les volontaires sous engagement à servir dans la réserve (ESR) et de 2ème niveau, qui comprend tous les anciens gendarmes d'active ou sous contrat soumis à l'obligation de disponibilité de 5 ans : ils représentent 28.758 réservistes ;

  • la réserve opérationnelle de l'Armée et de la Direction générale de l'Armement de 1er niveau, avec, en 2015, un volume potentiel de 28.100 réservistes qui comprend tous les volontaires sous engagement à servir dans la réserve (ESR) et de 2ème niveau, qui comprend tous les anciens militaires d'active ou sous contrat soumis à l'obligation de disponibilité de 5 ans : ils représentent 98.264 réservistes.

  • la réserve citoyenne de l'Armée, agréée par l’autorité militaire et composée de volontaires bénévoles. En 2015, ils représentaient 4.062 réservistes bénévoles (2.778 pour les armées et 1.284 pour la gendarmerie). 

A noter qu'en 2015, sur l’ensemble de la réserve militaire (gendarmerie incluse), les 10.356 nouveaux engagements de l’année n’ont compensé qu’à 94,9%, les 10.910 engagements de réservistes non reconduits dans le même temps. Une baisse de 5,1% des effectifs et ce, pendant une année où les appels à la mobilisation ont été particulièrment nombreux. Deux catégories d'âge, les moins de 30 ans et les plus de 50 ans sont particulièrement représentés. Leur répartition est également loin d'être homogène sur le territoire et le coût de la réserve militaire aura également été de 127 millions d'euros au total. 

  • 3.000 réservistes déployables de la réserve civile de la Police nationale qui est « destinée à des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité, en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public »Confer le rapport n° 725 (2013-2014) de M. Marcel-Pierre CLÉACH, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 15 juillet 2014. Elle comporte deux catégories de réservistes :

    • les retraités des corps actifs de la police nationale qui, dans les 5 ans à compter de la fin de leur lien avec le service et dans la limite de 90 jours par an, restent tenus à une obligation de disponibilité afin de répondre aux rappels individuels ou collectifs du ministre de l'Intérieur en cas de menaces ou de troubles graves à l'ordre public ou d'événements exceptionnels ;

    • les réservistes volontaires âgés de 18 à 65 ans ayant souscrit un engagement d'une durée d'un an renouvelable dans la limite de 5 ans et qui leur confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Moins importante mais qui peuvent aussi avoir vocation à se renforcer, on trouveS'éloignant des questions de sécurité, on trouve aussi une réserve judiciaire depuis 2011 composé d'ancens magistrats et greffiers. Une réserve de l'éducation nationale depuis 2015 qui « constitue une forme d’engagement individuel bénévole au service de l’École de la République », accessible à tous les citoyens :

  • la réserve sanitaire depuis 2007 est régie par le code de la santé publique. Cette réserve a pour but de mobiliser "ceux que mettent en œuvre, notamment, les services de l’État, les collectivités territoriales, les établissements de santé et autres personnes ou organisations concourant à la sécurité sanitaire, en vue de répondre aux situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaires graves sur le territoire national" ; 
  • la réserve civile pénitentiaire depuis 2009 et qui est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire, ayant souscrit un contrat d’engagement ;
  • les réserves communales de sécurité civile depuis 2004 qui autorise chaque commune à s'instituer une réserve de volontaires bénévoles "ayant souscrit un engagement et disposant des capacités et compétences correspondant aux missions qui leur sont dévolues au sein de la réserve".

Le rappel des réservistes, comme souhaite le faire le gouvernement en portant leur mobilisation de 12.000 à 15.000 réservistes simultanément suppose de s'appuyer sur les conditions précisées dans la circulaire du 2 août 2005 relative à l'emploi d'agents publics au sein de la réserve militaire et l'octroi d'accords fiscaux et financiers aux employeurs privés des réservistes sur le modèle mis en œuvre dans les pays anglo-saxons : Royaume-Uni, Canada, États-Unis. Dans certains pays, la gestion des réservistes des forces armées s'appuie sur un programme législatif visant à protéger leurs emplois (garantie du retour dans l'entreprise sous réserve de respecter certaines conditions de durée de service) et à apporter une indemnisation de dédommagement aux employeurs (Canada et Australie : prime versée en fin de période du réserviste calculée sur la base d'un forfait hebdomadaire) (Royaume-Uni: prise en charge de tout ou partie, soit des frais engagés pour trouver un nouvel employé, soit des heures supplémentaires engagées pendant l'absence du réserviste, soit des frais de recyclage engagés lors du retour du réserviste).

Pourquoi le gouvernement insiste-t-il sur la réserve ? 

Le rappel ponctuel des réservistes en cas de problèmes de sécurité est moins onéreux que le recrutement de nouveaux fonctionnaires et / ou contractuels de la gendarmerie et de la police nationales. Ces réservistes ne constituent pas une concurrence pour les fonctionnaires en activité. Bien au contraire, ils représentent une force d'appoint très utile et ponctuelle dans le cadre de missions de sécurité notamment lors des événements festifs estivaux. Or, certaines organisations syndicales sont (ou ont pu être) plus favorables à des recrutements supplémentaires de personnels titulaires, voire contractuels. Un équilibre est à trouver entre les deux et l'augmentation du nombre de réservistes mobilisables de 12.000 à 15.000 est une avancée, peut-être encore un peu trop timide. A titre de comparaison, les réserve canadienne (56.200 réservistes pour 34 millions d'habitants) et italienne (entre 13.000 et 15.000 réservistes pour 59 millions d'habitants, avec un objectif fixé à 30.000) sont bien moins importantes qu'en France où l'on frôle les 200.000 réservistes pour 64 millions d'habitants. Il est cependant à regretter le volume trop limité de la population des réservistes policiers : 3.000 réservistes en 2014, mais aussi le fait qu'ils soient cantonnés dans des missions de soutien. En revanche, les gendarmes réservistes (anciens militaires) ont la qualité d'adjoint de police judiciaire (APJ).

Le dispositif législatif relatif à la réserve de la gendarmerie et de la police nationales existe : la loi du 28 juillet 2011 sur l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, encore faut-il publier, dans un cadre interministériel, les décrets d'application qui, en 2014, tardaient à l'être comme le précise le rapport d'information n° 725 (2013-2014) de M. Marcel-Pierre CLÉACH, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 15 juillet 2014. Il a souligné que « l'élaboration des décrets d'application de la loi du 28 juillet 2011 a pu se heurter au sein du ministère de l'Intérieur à des problèmes d'ordre statutaire, suscitant plus de difficultés dans les instances représentatives des policiers que chez les militaires ».

La sécurité de la population dans des lieux et des institutions publics est une mission régalienne de l’État français qui doit s'appuyer sur un dispositif composé de personnels recrutés et formés pour cette opération. Cependant, il apparaît nécessaire de favoriser le développement des sociétés militaires privées de sécurité pouvant œuvrer en liaison dans un cadre juridique précisément définiConfer l'exemple de la loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires. avec les forces de sécurité publique nationale et municipale pour la protection de divers événements festifs.