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Opérateurs de l’Etat : une dette multipliée par 3 en 3 ans

A la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour vient de publier un audit des comptes des opérateurs de l’Etat. En soi il s’agit d’une remise à jour bienvenue puisque les opérateurs constituent un point de fuite budgétaire récurrent pour les finances publiques de l’Etat. Moins à jour que le jaune budgétaire qui leur est consacré, les données utilisées par la Cour datent de 2019. Cependant les calculs qu’elle a pu réaliser permettent de mettre en lumière des aspects méconnus des opérateurs et appellent à une profonde amélioration des données budgétaires fournies aux parlementaires afin de juger de la qualité de leur tutelle. Pêle-mêle, une dette portée par les opérateurs de 24,1 milliards d’euros contre 8,7 milliards en 2016, des opérateurs parfois sans tutelle ou à tutelle absente, des points de fuite récurrents (AFPA, France compétence, ONF, Pôle emploi, etc.) et une qualité comptable trop souvent « à revoir ». Le bilan de « l’agenciarisation » n’est pas « brillant ».

Un périmètre des « opérateurs » toujours aussi opaque

En 2019 les opérateurs étaient au nombre de 484, disposant de financements s’élevant à 53,8 milliards d’euros et employant 436.740 ETPT dont 57.030 hors plafonds et donc financés sur ressources propres, ainsi que 379.710 ETPT sous-plafonds et financés par l’intermédiaire de la subvention pour charge de service public qui leur est allouée par l’Etat. Les critères de rattachement à cette catégorie (que ne reconnait pas la comptabilité nationale) sont au nombre de 3 :

  • Exercer une activité de service public explicitement rattachable à la mise en œuvre d’une politique définie par la nomenclature budgétaire de l’Etat ;
  • Disposer d’un financement assuré majoritairement par l’Etat, soit directement, soit via des ressources affectées ;
  • Un contrôle direct par l’Etat se manifestant par une tutelle ayant une capacité d’orientation des décisions stratégiques de l’entité.

Par ailleurs la classification actuelle n’est pas « objectivée » puisque le jaune budgétaire précise « qu’il est également possible de qualifier d’opérateur de l’Etat un organisme ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considéré comme porteur d’enjeux importants pour l’Etat. » On trouve ainsi des opérateurs à financement par l’Etat minoritaire comme Pôle Emploi ou l’ONF (Office national des forêts). Ainsi, sur les 56 opérateurs entrés dans le périmètre des opérateurs depuis 2015, seuls 39 disposaient d’une fiche de qualification, d’autres en étant dispensés comme l’AFPA, France compétence, l’Agence du numérique de la sécurité civile, le Fonds national d’aide à la pierre, etc. En sens contraire, certains « opérateurs » ne devraient pas en être : l’AFITF par exemple est une simple caisse de financement des infrastructures de transport, ou l’ANRU qui en est sortie récemment, afin qu’elle ne soit plus soumise à un plafond d’emploi, et que l’Etat a assujetti à la comptabilité des entreprises industrielles et commerciales…

Les opérateurs par ailleurs, font largement doublons avec les ODAC (organismes divers d’administration centrale), que l’INSEE définit comme des « organismes auxquels l’Etat a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national, contrôlés et financés majoritairement par l’Etat et qui ont une activité principalement non marchande. » En 2020, sur 657 ODAC, 387 étaient également des opérateurs de l’Etat. Les 96 opérateurs non ODAC étant classés dans les ASSO (Pôle emploi), les ODAL (agences de l’eau) ou en dehors même du périmètre des administrations publiques (AFPA, ONF, ANDRA, Atout France, Société du Grand Paris).

On l’aura compris, cette liberté d’inscription et de suivi ne permet pas un suivi fin des dépenses publiques puisque le périmètre des opérateurs demeure sans lien direct avec la comptabilité nationale.

Les opérateurs participent-ils du déficit public et de son endettement ?

Si le contour des opérateurs est flou, fluctuant au regard de critères non déterminants, quelle est leur situation financière globale ? La Cour des comptes apporte un regard nouveau sur la question :

Elle a pu produire un compte de résultat compilé (et non consolidé) de l’ensemble des budgets des opérateurs en 2016 et en 2019. Le total des dépenses représentait en 2019 62,1 milliards d’euros, pour des recettes globales de 63,3 milliards. Il en résulte pour 2019 un excédent de 1,2 milliard d’euros. Ce résultat recouvre en réalité les résultats bénéficiaires de 105 opérateurs (1,6 milliard d’euros), contre 55 en déficit (-0,5 milliard) et 26 avec un solde nul. L’AFITF est l’opérateur ayant dégagé le « bénéfice » le plus important (+352 millions d’euros) suivi par les Universités et assimilés (+225 millions), les écoles d’enseignement supérieur agricole et vétérinaire (+102 millions), les agences de l’eau (+100 millions) et Pôle Emploi (+84 millions). Les opérateurs déficitaires recouvrent le CNRS (-42 millions d’euros), la Société du Grand Paris (-39 millions d’euros), FranceAgrimer (-38 millions d’euros), l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (-35 millions), et les COMUE (communautés d’universités et d’établissements) pour 35 millions d’euros. La Cour relève néanmoins des points inquiétants : « certains opérateurs ou catégories d’opérateurs étant systématiquement en déficit » durant les 4 dernières années : l’AFPA, FranceAgrimer, alors que d’autres l’ont été (CNRS, ASP) heureusement de façon plus épisodique. Les ressources « propres » qui correspondent aux « autres produits » qui regroupent les ressources tirées des activités des opérateurs (hors subventions et fiscalité affectée), représentent pour près de 14,8 milliards d’euros en 2019, soit +200 millions par rapport à 2016. A noter que depuis 2016, les produits totaux ont augmenté de 2,5 milliards d’euros, poussés par la hausse des SCSP (1,3 milliard), des autres subventions (+0,9 milliard), de la fiscalité affectée (+0,5 milliard) et des autres produits (+0,2 milliard). Du côté des dépenses, les charges de personnel constituent le premier poste budgétaire (28,5 milliards d’euros), suivi par les autres dépenses de fonctionnement (21,1 milliards) et d’intervention (12,5 milliards d’euros). Cette répartition s’expliquant par la structure des plus gros opérateurs : les universités (13,1 milliards d’euros dont 10,1 milliards de charges de personnel), Pôle emploi (5,9 milliards, dont 3,2 milliards de dépenses de personnel), le CNRS (3,5 milliards d’euros dont 2,4 milliards de dépenses de personnel), etc.

Les dépenses d’intervention sont portées par une minorité d’opérateurs et sont essentiellement financées par l’emprunt.

Il apparaît qu’en 2019, les 484 opérateurs étudiés ont totalisé pour 7,5 milliards de dépenses d’investissement. Un réalisé très en-deçà du prévisionnel en LFI qui tablait sur 9,3 milliards. La société du Grand Paris (SGP) a procédé à 2,2 milliards d’investissements, suivi par le CAE pour 1,1 milliard et par les universités pour 1 milliard. Ces 3 catégories d’opérateurs totalisant pour 56% des dépenses d’investissement réalisées (4,3 milliards d’euros). En réalité l’augmentation des investissements depuis 2016 suit la montée en puissance de la SGP : elle représentait 11% des investissements en 2016 contre 29% en 2019. D’ailleurs la SGP est depuis 2016 considérée comme un ODAL en comptabilité nationale, afin de ne pas être limité par l’interdiction de contracter des emprunts de plus de 1 an imposée aux ODAC. L’explosion de l’endettement des opérateurs suit donc le cycle d’investissement de la SGP représentant à elle seule 29% des investissements réalisés en 2019 (emprunts bancaires). La situation nette des emprunts cumulés sur 4 ans s’élevant à +6,7 milliards d’euros.

Cependant, malgré leur position bénéficiaire, les opérateurs n’offrent pas une visibilité sur l’ensemble de leur dette. « Il n’existe pas de suivi global de l’endettement du périmètre des opérateurs, contrairement à celui des APU ou des ODAC. » Par ailleurs des points de fuite existent :

  • Par exemple, l’infocentre de la DGFiP exclut 21 opérateurs sous comptabilité privée représentant tout de même 15% des moyens accordés dont : Pôle emploi, France Compétences, le CEA, l’AFPA, l’ANDRA, avec des montants sous comptabilité privés de l’ordre de 6 milliards pour les produits du 1er et 300 millions pour le dernier. Ainsi « Pôle emploi » est absent du jaune budgétaire, et seules les informations de trésorerie sont disponibles pour l’AFPA que la Cour considère « comme un risque pour les finances publiques. »
  •  382 opérateurs par ailleurs ODAC n’ont pas le droit de s’endetter à plus de 1 an, mais « cette interdiction ne concerne pas les emprunts contractés auprès de la BEI, non considérée comme un établissement de crédit. »
  • 101 autres opérateurs sont suivis par le bureau sectoriel de la direction du Budget à Bercy.
  • Par ailleurs, 8 opérateurs sont sans tutelle financière de droit, si bien que « la direction du budget ne siège pas au sein de l’organe délibérant. » En leur sein, 4 associations et deux fondations n’ont pas d’endettement retracé ni suivi par la DGFiP ni la DB. Il s’agit du Centre national des arts du cirque, du Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique, de l’Ensemble intercontemporain, de l’Institut d’optique théorique et appliqué, de la Fondation nationale Maison des sciences de l’Homme et de la Fondation nationale des sciences politiques.  

S’agissant des opérateurs assujettis à la comptabilité publique, on relève une augmentation de l’endettement importante, passant de 8,7 milliards d’euros pour 160 opérateurs en 2016 à 24,1 milliards pour 178 opérateurs en 2019. Tout d’abord certaines opérations sont « sans conséquence pour l’Etat » comme les avances versées à l’ASP (agence des services de paiement) par le Trésor au titre de la politique agricole (7,5 milliards d’euros). En revanche on l’a vu plus haut, la SGP est à l’origine de 98% des 5,1 milliards d’emprunts obligataires souscrits et de 42% des 2,36 milliards d’emprunts auprès des établissements de crédit. Si on extourne cependant l’ensemble de ces opérations la dette résiduelle reste en progression constante : de 1,2 milliards en 2015 à 6,43 milliards en 2019 soit une multiplication par près de 5,4. Il s’agit tout d’abord des « dotation non consomptibles » à l’enseignement supérieur (2,59 milliards d’avances), ainsi que d’autres dettes provenant de partenariats publics privés : 1,17 milliards en 2019 notamment pour VNF. « Malgré son interdiction d’emprunter auprès des établissements de crédits, cet opérateur présente fin 2019 une dette de 207 millions lié au PPP concernant les barrages Aisne-Meuse. » Par ailleurs les dettes souscrites auprès des établissements de crédit hors SGP augmentent également passant de 520,7 millions d’euros en 2016 à 1,33 milliard en 2019. On trouve ainsi l’ONF (dette de 290 millions d’euros, déficit de 55 millions d’euros), CentraleSupélec (99 millions). En particulier le contournement de l’interdiction d’emprunt faite aux ODAC est le fait de 6 EPSCP (Chancellerie des universités de Paris, Université de Strasbourg, Université d’Aix-Marseille, Etablissement public Campus Condorcet, COMUE Université de Lyon et COMUE Languedoc-Roussillon Universités) qui ont réussi à se financer auprès de la BEI. La Cour note que l’ONF qui n’est pas un ODAC n’est pas assujettis au plafond à moins d’1 an et « témoigne de l’existence d’un point de fuite dans la régulation de l’endettement des opérateurs de l’Etat, résultat de l’écart entre ce périmètre et celui des ODAC. » Etant entendu que sa situation financière devrait encore se dégrader en 2020 et 2021.

Opérateurs : Y-a-t-il une tutelle dans l’avion ?

La Cour des comptes l’admet, le « concept de tutelle n’est pas défini de manière précise dans le droit administratif. » Or ce contrôle hiérarchique devrait pourtant être évident pour 450 des 483 opérateurs analysés puisqu’il s’agit d’établissements publics. Pour ces derniers la tutelle matérialise leur rattachement à l’Etat. On observe cependant que :

  • 33 opérateurs ne sont pas des établissements publics et que 31 d’entre eux disposent de statuts ne prévoyant pas de tutelle métier. Ils sont donc parfaitement indépendants… car ils ne sont pas non plus soumis à une tutelle financière. Par ailleurs 5 établissements publics échappent également à toute tutelle financière (comme la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur). Or ces 36 opérateurs[1] (31+5) cumulent plus de 10,6 milliards d’euros de financement de l’Etat. Pour 8 d’entre eux il n’y a ni contrôle budgétaire a priori, ni contrôle économique et financier a posteriori aboutissant à « une absence de contrôle sur leurs comptes. » Leur impact financier est estimé à plus de 60 millions d’euros ;
  • Par ailleurs certaines tutelles sont difficiles à rendre effectives notamment lorsque l’Etat n’est pas majoritaire au sein des conseils d’administration (opérateurs à fort ancrage territorial ou social : agences de l’eau, parcs nationaux, Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) ; il apparaît notamment que dans les EPSCP, les associations et les fondations, à raison de leurs statuts « la majorité [de l’Etat] au sein des organes délibérants apparai[t] minoritaire sur le périmètre des opérateurs. » Par ailleurs, même lorsque l’Etat détient cette majorité, les organes délibérants sont parfois peu influents sur les questions stratégiques (par exemple s’agissant de l’INPI), ou que l’asymétrie d’information et de compétence entre la tutelle et les opérateurs sont trop fortes au profit des seconds (c’est le cas par exemple s’agissant de Pôle Emploi ou du CEA). Parfois ce sont les effectifs de direction qui manquent comme pour la SGP où la DGTIM (direction générale des infrastructures et des transports) et la DB ne peuvent y consacrer que 1,9 ETP dont 1,5 et 0,4 respectivement ;
  • On observe enfin parfois un problème de rattachement entre le programme financeur et la tutelle technique : Ainsi l’Ecole Polytechnique est rattachée au programme Environnement et prospective de la défense géré par la DGRIS (relations internationales et stratégiques), pourtant en réalité la tutelle technique est assurée par la DGA (direction générale de l’armement) avec le secrétariat général aux armées. Même problème avec l’Ifpen (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles) qui est rattaché au commissariat général au développement durable alors que sa tutelle technique est assurée par la direction générale de l’énergie et du climat.

Ce manque de lisibilité lorsqu’il ne débouche pas sur des cotutelles tous azimuts partagées entre plusieurs ministères, aboutissent à une trop faible implication de l’Etat dans la définition de la stratégie des opérateurs et dans l’évaluation de leurs résultats. Ainsi la Cour relève que des COM (contrats d’objectifs et de moyens) prévus dans le cadre d’Action publique 2022, n’ont débouchés que sur 2 conclusions et 2 autres contrats en préparation (4 au total !) S’agissant des COP (contrats d’objectifs et de performance) issus d’échanges tripartites entre la DB, la tutelle et l’opérateur, leur nombre réel est très faible : 22% des opérateurs, soit 108 organismes au PLF 2020 disposent d’une COP couvrant l’année 2020. Ces COP couvraient environ 50% des financements de l’Etat octroyés aux opérateurs, mais cela veut surtout dire que « plus de la moitié des financements de l’Etat est versée à des opérateurs qui ne disposent pas de COP actuellement en vigueur. » Le phénomène est encore impacté par le fait qu’il n’existe pas de renouvellement systématique des COP arrivant à échéance. Par ailleurs certaines COP sont longues à renégocier. Enfin certains opérateurs comme 254 opérateurs sur les 270 de la mission Recherche et enseignement supérieur, n’ont pas de COP. En effet l’ensemble des 145 organismes liés au monde universitaire n’en disposent pas (universités, communautés d’universités, chancelleries, CROUS, etc.) à cause de l’autonomie posée par la loi LRU. Ils se dotent plutôt de contrats pluriannuels d’établissements, mais cela ne peut faire office d’objectifs partagés puisqu’ils définissent eux-mêmes leurs objectifs.  Ainsi, en extournant les 150 organismes dérogatoires au titre de la loi LRU, le taux de couverture des autres opérateurs en COP est de 42% au lieu des 22% pour l’ensemble des opérateurs. Il s’agit donc d’un point noir d’autant que les nouvelles créations d’opérateurs n’incitent pas les tutelles à mettre en place des COP : « sur les 53 opérateurs créés ou ayant vu leur périmètre évoluer depuis 2015, 39 ne disposent pas d’un COP en vigueur en 2020. » (soit 73%). Par ailleurs « les COP ne sont pas assortis d’engagements financiers de l’Etat » contrairement aux COM. Pourtant aucun contrat d’objectif et de moyen pour les opérateurs nouvellement créés, dont les missions ou l’organisation ont fait l’objet d’une modification substantielle ou pour des opérateurs en situation financière fragile ou exerçant une activité à enjeux budgétaires et financiers élevés, n’a pour le moment été signé.

A cette faible mobilisation des outils stratégiques prospectifs répondent des lacunes importantes dans les dispositifs de contrôle interne des opérateurs de l’Etat. Le phénomène est d’autant plus curieux qu’en vertu de l’article 215 du GBCP (décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et à la comptabilité publique) 461 opérateurs sur 483 sont tenus de mettre en place un tel dispositif de contrôle interne budgétaire et comptable. Or la Cour observe que « les actions correctrices les concernant sont très majoritairement absentes des plans d’action. » Ainsi, le ministère de l’intérieur a fait l’objet de 4 risques identifiés quant à ses opérateurs dont 3 cotés 3 sur une échelle de 5 « sans qu’aucune action correctrice ne soit prévue au plan d’action ministériel. » Pour 2019 sur 486 entités, 376 ont répondu au questionnaire de la DGFiP. Mais alors que 86% d’entre eux disposent d’1 ou plusieurs référents contrôle interne, « ils sont à peine plus de la moitié à voir leur organe dirigeant s’impliquer dans la démarche, une proportion qui stagne depuis de nombreuses années. » Si bien qu’au final « la plupart des opérateurs ne disposent pas d’un dispositif de contrôle interne suffisamment développé pour assurer son efficacité. » ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il faut, pour que cela fonctionne, un portage fort par les tutelles et les organes dirigeants des opérateurs eux-mêmes.

Ce manque de mesures correctrices se reporte en aval s’agissant des anomalies détectées dans les comptes qui affectent par ricochet la fiabilité des comptes de l’Etat. Ainsi en 2019 seuls 174 opérateurs ont fait certifier leurs comptes. Si bien que le montant des financements de l’Etat auprès d’opérateurs n’entrant pas dans un périmètre de certification représente un peu plus de 14 milliards d’euros. 145 seulement ont transmis à la Cour les rapports de leurs commissaires aux comptes. 114 seulement dont plus de la moitié sont des universités transmettent leurs rapports de certification chaque année depuis 2016. Or ce que la Cour relève c’est que ces rapports soulignent des anomalies significatives :

On relève qu’en 2019, 26 opérateurs ont fait l’objet d’une certification de leurs comptes avec réserves, dont 17 l’étaient déjà en 2018. Par ailleurs deux opérateurs voient, l’un ses comptes non certifiés pour refus (le Muséum national d’histoire naturelle) et l’autre pour impossibilité (Université Paris III Sorbonne Nouvelle). Cependant les 114 opérateurs transmettant leurs rapports de certification depuis 2016 ont vu leurs réserves passer de 46 à 18 entre 2016 et 2019. Par ailleurs des audits réalisés par la DGFiP (Mission risque et audit MRA) et le CGefi (Contrôle général économique et financier) ont pointé des anomalies significatives des COMUE université de Lyon et dans celle de Toulouse. Au total 330 opérateurs sur 484 n’ont pas fait certifier leurs comptes ou n’ont pas remis à la Cour des comptes leurs rapports de certification ou n’ont pas fait l’objet d’un audit interne récent. La Cour relève que 69 opérateurs sont concernés par « des insuffisances ou incertitudes dans le recensement ou l’évaluation de leur parc immobilier, de leurs immobilisations incorporelles et corporelles. La comptabilisation des dispositifs d’intervention gérés par 22 d’entre eux au nom de l’Etat (dépenses de guichet) est notamment affectée d’insuffisances. »

Conclusion

On l’aura compris, la question du suivi des opérateurs par les pouvoirs publics en période de crise budgétaire est aujourd’hui essentielle. Or la France, comme souvent, aborde cette période fort mal préparée. Certes les comptes des opérateurs sont globalement dans le vert, mais entre 2016 et 2020 la dette de ces entités a explosé, passant de 8,7 à 24,1 milliards d’euros. Par ailleurs, les tutelles sont généralement peu impliquées dans la gestion des opérateurs et peu enclines à leur imposer des COP ou des COM permettant de contractualiser sur base pluriannuelle leurs objectifs et leurs dépenses. Enfin, comptablement, la qualité des comptes n’est pas bonne et 68,1% d’entre eux n’est pas en règle dans la confection ou la production auprès des institutions financières de contrôle d’audits comptables à jour, laissant planer des risques pour les comptes de l’Etat eux-mêmes (garanties implicites, fiabilité des inventaires, etc.) La Cour formule plusieurs pistes de réformes. Reste qu’un document intégrant l’ensemble des ODAC en sus de celui concernant les opérateurs, ainsi qu’un document de consolidation et d’exécution par rapport aux exercices antérieurs (au besoin à produire lors du « printemps de l’évaluation » avec la loi de règlement des comptes) auraient du sens. Il ne semble pas pour le moment que les pouvoirs publics cherchent à en prendre le chemin. Cette démarche permettrait pourtant de limiter considérablement les points de fuite budgétaires.


[1] Notamment France Compétence, Pôle Emploi, le CEA, l’Ifpen etc…