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Les défis capacitaires de nos forces armées

Lors de son audition au Parlement mi-octobre 2019 dans le cadre du PLF 2020 concernant les forces armées, le chef d'état-major des armées (CEMA), le général d'armée François Lecointre, a exprimé ses craintes dans le domaine capacitaire et précisé que l'actuel modèle des armées n'est plus suffisant.

Concernant la flotte des avions de l'armée de l'air

Leur nombre a baissé de façon drastique : 420 avions de combat en 2007 et cible pour 2030 : 185 avions polyvalents. 

Certes, il convient de rappeler que la France a pris beaucoup de retard dans sa décision de doter ses forces armées de drones, mais le CEMA a souligné que l'intégration d'une capacité d'armement sur le Reaper - sur le Block 1 dès la fin de 2019, sur le Block 5 à compter de 2020 - offrira aux forces de nouvelles possibilités de frappe immédiate de cibles d'intérêt, sans avoir à attendre l'arrivée des avions de combat ou des hélicoptères. 

C'est donc un domaine capacitaire à développer car son coût d'acquisition et de maintenance est moins élevé que celui des aéronefs à voilure fixe et tournante. 

Concernant la flotte de la Marine nationale

La Fondation iFRAP ne peut que souscrire à ce qu'a présenté le CEMA qui, dans ses différents articles, met en évidence les nombreux défis du domaine maritime  :

  • 8 novembre 2018 : faiblesse des moyens affectés à la protection de l'espace maritime de la France qui, rappelons-le, a le 2ème espace maritime au monde, notamment avec ses DOM/COM et les TAAF ;
  • 3 octobre 2018 : nécessité de rénover la flotte de surface compte tenu des nombreuses zones d'intervention sur les mers du globe : Méditerranée orientale et occidentale, Golfe persique, Nord de l'Océan Indien pour faire face à l'Afghanistan, Mer Noire, Atlantique Nord, Golfe de Guinée, Mer Rouge, Mer des Caraïbes, Océan Pacifique, Océan Austral... ;
  • 12 septembre 2018 et 6 octobre 2016 : nécessité de disposer de 2 porte-avions ;
  • 30 mars 2017 : ravitaillement de la marine : une flotte à renouveler dans les meilleurs délais ;
  • 20 février 2017 : renforcement de la capacité amphibie.

En outre, si la cible du nombre de frégates a diminué de 17 à 15, leur nature sera différente ; c'est ainsi que la Marine nationale devrait être équipée selon le calendrier suivant :

  • actuellement de 2 frégates de défense antiaérienne HORIZON mises en service actif en 2004-2005 ;
  • en 2022 : 8 FREMM dont 5 en service actif en 2019 ;
  • entre 2023 et 2029 : livraison de 5 FDI aux capacités inférieures dans certains domaines à celles des FREMM - confer l'article du 13 février 2017 qui met en évidence le dérapage du coût généré par le changement du programme initial des 17 FREMM.

De plus, il est à souligner que la Belgique et les Pays-Bas, mais sans la France, ont décidé le remplacement de leurs actuels chasseurs de mines tripartites (CMT), bâtiments qui ont vu le jour dans les années 1980 au travers d’un programme mené conjointement par la Belgique, la France et les Pays-Bas. La cible de ces 2 pays est une flotte totale de 12 nouveaux bâtiments de guerre des mines construits en grande partie en Bretagne. 

Concernant les blindés

Les blindés médians, de type JAGUAR sur un châssis identique à celui du GRIFFON (transport de troupe), doivent remplacer les chars AMX 10 RC et les SAGAIE ERC 90 dont le parc était en 2008 de 450 engins, la cible est de 300 engins. 

Cependant, dans une logique de rationalisation du MCO, il aurait été judicieux d'harmoniser le parc de ces engins blindés en adoptant un châssis unique : celui du VBCI remplaçant le VTT AMX 10 P dont la version infanterie et commandement-transmission a été livrée à l'armée de terre à environ 650 exemplaires et en adoptant la version tourelle canon et missiles proposée par NEXTER qui est identique à celle du JAGUAR (confer l'article du 20 septembre 2015). 

Cette option aurait pu être aussi adoptée pour l'engin transport de troupe blindé et ainsi, vu l'importance du parc à remplacer, le coût d'acquisition aurait nécessairement baissé et le MCO aurait été tout autant rationalisé.

Il convient aussi de rajouter le manque de capacité en hélicoptères de transport lourd qui a été souligné dans l'article du 18 novembre 2019.

Concernant l'engagement quotidien

La France compte près de 30.000 militaires pour protéger le territoire national et défendre les intérêts de la France dans le monde, il convient de se reporter à la carte ci-dessous :

Source : Ministère des armées

Cependant, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de la participation des forces armées à certaines missions comme Sentinelle. En effet, l'armée de terre a assuré des prestations de sécurité au profit de manifestations ludiques, culturelles, sportives, artistiques... générant de substantielles recettes pour les organisateurs et sans qu'elle en ait retiré un quelconque profit et bénéfice comme par exemple :

  • 800ème foire de Beaucroissant (38 140) en septembre 2019 ;
  • Tour de France et Nice Jazz Festival en juillet 2019 ;  
  • édition de la course « Run in Marseille » en mars 2019 ;
  • 72ème édition du Festival d’Avignon « IN » et « OFF » en juillet 2018 ; 
  • festival de Jazz à Vienne en juillet 2018 ;
  • Tour de France en juillet 2018 entre Brest et Mûr-de-Bretagne ; 
  • 71ème Festival international du film de Cannes en mai 2018, etc.

Ces missions dont l'intérêt n'est pas forcément compris par les personnels militaires, ont été effectuées pendant la période estivale qui est propice à leur reconditionnement nécessaire compte tenu notamment de leur forte mobilisation dans les missions opérationnelles.

Par conséquent, les organisateurs de ces activités devraient ainsi faire appel à des prestations de sociétés de sécurité privées à financer sur leurs ressources financières propres et s'appuyer sur les polices municipales en liaison avec les communes.

Qu'en conclure ?

Rappelons ce que disait le 14 juillet 2017, le président de la République, Monsieur Emmanuel Macron. « Moi, j’ai des soldats sur des théâtres d’opération, des gens qui attendent beaucoup, je les respecte, je leur dois la protection : l’intérêt des armées doit primer sur les intérêts industriels ». Donc, le ministère des armées (MINARM) n'est pas une « succursale » pour la vente à l'export de matériels d'armement comme pour les frégates FDI.

S'il est donc nécessaire d'investir dans le domaine capacitaire des forces armées, il est tout aussi opportun de réaliser des économies de fonctionnement en resserrant le dispositif du déploiement des bases de défense (BdD) et en rationalisant leur fonctionnement (confer notre note sur le Balardgone du 17 janvier 2019).

A ce titre, il y a lieu de souligner la réforme du soutien dans la région parisienne conduite par le service du commissariat des armées (SCA) présentée dans le tableau ci-dessous :