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«La justice demeure le parent pauvre du budget français»

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 5/10 sur le projet de réforme de la Justice.

La justice était une priorité du candidat Emmanuel Macron pendant la campagne. Ses annonces fortes étaient les suivantes : toute peine prononcée serait exécutée, l'examen automatique de l'allégement des peines serait supprimé, l'aide juridictionnelle serait réformée, les délais de jugements seraient raccourcis et 15.000 nouvelles places de prisons seraient construites d'ici 2022.

Le projet de loi Justice vient d'être voté en première lecture par le Sénat… mais celui-ci l'a assez profondément modifié, en partie avec l'accord de la ministre, et surtout avec celui des sénateurs LREM.

La justice, 3% du budget général

Le projet de loi commence par déterminer la programmation financière du budget de la justice sur la durée du quinquennat. À l'aune de la déclaration du gouvernement élevant officiellement et opportunément la justice au rang de priorité du quinquennat, cette programmation n'est certainement pas satisfaisante. La justice demeure le parent pauvre du budget français : en effet, dans le projet de loi de finances 2019, le budget consacré à la Justice ne représente que 3% du budget général. Cela semble bien indigent pour l'une des principales missions régaliennes de l'État.

En 2016, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas dénonçait la «clochardisation» de la justice française. Le rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) publié début octobre est venu confirmer ce diagnostic. La France ne consacre que 65,9 euros par habitant à la justice. C'est très loin derrière des pays équivalents comme l'Allemagne (122 euros par habitant), la Belgique (82,30 euros) ou la Suisse (215 euros).

Par ailleurs, le gouvernement s'était engagé à construire pendant le quinquennat 15.000 places de prison, absolument nécessaires compte tenu de la surcharge de détenus et de l'état honteux des prisons faisant suite à l'inaction des gouvernements précédents. Or le gouvernement a récemment déclaré ne vouloir construire que 7.000 places, le solde étant renvoyé au quinquennat suivant… Heureusement, le texte voté par le Sénat rétablit à ce stade la promesse de construction à 15.000 places, et fait passer le budget à 9 milliards au lieu de 8,3 milliards. Mais cet objectif tiendra-t-il en lecture à l'Assemblée?

Deux regrets : l'un sur l'absence de mesures concernant l'aide juridictionnelle alors que cela avait fait l'objet de promesses du candidat Emmanuel Macron, et l'autre sur l'absence de toute réforme de la justice administrative. D'autant plus que sur ce point le gouvernement, tout en vantant son intention de rendre la justice «plus lisible, plus accessible, plus simple et efficace», ne s'attaque pas à la justice administrative, dont l'organisation napoléonienne, jalouse de son particularisme et de son obscurité, est un défi pour le citoyen, qu'il s'agisse du fond du droit ou des problèmes kafkaïens de procédure et de compétence qui surgissent pour quiconque se risque à s'attaquer à l'administration.

Sur l'application des peines, la promesse présidentielle était claire : l'idée était de faire exécuter intégralement toutes les peines de prison… Aujourd'hui, pour les peines de prison ferme de moins de deux ans, un aménagement est possible. Initialement fixés à 6 mois, ces aménagements de peines ont été renforcés et étendus à deux ans par la loi du 24 novembre 2009.

Construire rapidement des places de prison

Après le vote du Sénat, l'idée est bien de baisser cette possibilité aux peines de moins d'un an mais seulement si le juge qui a prononcé la sanction le décide. L'examen automatique de l'allégement des peines n'aura plus lieu.

Enfin, le sujet de la délinquance des mineurs reste crucial. Il est prévu de diversifier les modes de prise en charge, et le projet de loi de finances pour 2019 finance la création de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Ces initiatives sont opportunes mais encore insuffisantes.

Clairement, faire baisser le nombre de peines non exécutées et ne plus faire de l'allègement des peines, la règle passera par la construction rapide de prisons. On en revient toujours là.