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Droit d’asile : le budget 2020 consacré au retour des déboutés stagne étonnamment

Plus de 123.000 demandes d’asile en 2018. Le gouvernement actuel se dote-t-il, dans le projet de loi de finances 2020, de moyens assez puissants pour faire respecter au maximum les 90.000 obligations annuelles prononcées de retour à la frontière ? En 2018, seulement 15.677 retours ont été effectifs depuis la métropole.

L’augmentation de la durée de rétention de 45 à 90 jours dans les centres de rétention administrative votée dans la loi asile immigration, aurait permis de réaliser, en 2019, 582 éloignements supplémentaires. De janvier à septembre, 13.971 éloignements forcés ont été réalisés en métropole, soit une croissance de 21,3% par rapport à la même période en 2018. Mais c’est encore très peu comparé au nombre d’obligations de quitter le territoire délivrées annuellement : près de 90.000.

Le député Jean-Noël Barrot chiffre à environ 500 millions d’euros le budget alloué en tout (police, justice, etc.) aux retours à la frontière, mais c’est bien la mission immigration asile et intégration qui est au cœur du dispositif gouvernemental. Globalement, les crédits de cette mission sont en augmentation entre 2019 et 2020 : de 1,6 milliard à 1,8 milliard d’euros, soit une croissance de +7,6%, notamment grâce à l’augmentation des fonds de concours européens.

200 millions de crédits nécessaires pour les retours à la frontière

Mais, quand on scrute spécifiquement la lutte contre l’immigration irrégulière, on s’aperçoit que les crédits vont baisser de presque 10% en 2020 pour atteindre 122,4 millions d’euros. De cette somme, seulement 33 millions seront consacrés en 2020 aux frais d’éloignement des personnes déboutées du droit d’asile. Un chiffre en très légère augmentation, mais qui stagne depuis 4 ans. Ainsi, si la France n’arrivait pas à faire respecter les obligations de quitter le territoire avec 30 millions dédiés aux frais d’éloignement en 2019, on a du mal à croire qu’elle y arrivera en 2020 avec 33 millions!

30 millions ne financent la reconduite que de 15.000 personnes en situation irrégulière. Il faudrait donc 200 millions d’euros de crédit pour raccompagner à la frontière les quelque 90.000 déboutés du droit d’asile. Soit 6 fois plus que ce qui est prévu pour 2020. A minima c’est 100 millions d’euros annuels qu’il faudrait viser tout en réfléchissant à l’externalisation de certaines tâches de surveillance et d’encadrement en centres de rétention ou en matière d’escortes.

Ainsi, la politique de retour à la frontière souffre d’un sous-investissement budgétaire, mais aussi d’une faiblesse des moyens mis en œuvre. La Police de l’Air et des Frontières dénombrait en 2018, 3.179 refus d’embarquer, 953 défauts d’escorte internationale/nationale, 839 absences de places en vol, 475 absences de vols à date indiquée, ainsi qu’une centaine de refus d’embarquer de la part des commandants de bord.

Bref, la politique poursuivie va certes très lentement dans le bon sens, mais manque terriblement d’ambition et reste structurellement sous-dimensionnée par rapport à l’enjeu de faire respecter les 90.000 obligations de quitter le territoire. À l’heure où l’on parle de quotas d’immigration, à l’heure où le gouvernement comprend que ce sont de pays sûrs (Albanie, Maroc, Géorgie…) que viennent l’essentiel des futurs déboutés du droit d’asile, il conviendrait de se donner les moyens de nos ambitions.