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Assouplissement des 80 km/h : le rétropédalage du gouvernement a un coût

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 pour la réforme, puis le recul des 80 km/h.

Le gouvernement fait machine arrière sur les 80km/h dans la loi mobilités, et ce, moins d’un an après la mise en place d’une des mesures phares du début de quinquennat. La loi va autoriser les présidents de conseils départementaux (et certains maires) à déroger à la limitation. Que penser de ce micmac ?

Il ne s’agissait pas d’une promesse électorale. Pourtant, en décembre 2017, le Premier ministre se positionnait en faveur d’une réduction de la vitesse maximale, de 90 à 80 km/h, sur les 400.000 kilomètres de routes bidirectionnelles nationales et départementales. Avec 48 tués sur la route pour 1 million d'usagers, la France est pile dans la moyenne européenne… mais nous sommes loin derrière le Danemark (30 pour 1 million) et surtout, le Royaume-Uni (28 pour 1 million). En réduisant la vitesse, l’objectif annoncé était que 300 à 400 vies soient épargnées.

L’effet du passage aux 80 km/h en question

Sur le nombre de vies sauvées, malgré son recul, le gouvernement continue de défendre son intention initiale et explique que d’août à décembre 2018, 127 vies auraient été épargnées. En effet, les données de la Sécurité routière montrent une baisse du nombre de morts sur la route en 2018 : 3.259 contre 3.448 en 2017. Néanmoins, il est difficile de lier cette amélioration à la limitation à 80 km/h puisque déjà en 2013, le nombre de morts sur la route était tombé à 3.268. D’ailleurs, fin 2018, 60% du parc des radars routiers avaient été vandalisés et les données pour le début d’année 2019 montrent une nouvelle augmentation du nombre de morts sur les routes.

Vient ensuite la question des recettes engendrées par la baisse de la limitation de vitesse. L’hypothèse de Bercy, pour le budget 2019, était que le passage aux 80km/h entraînerait un « doublement du nombre d’infractions enregistrées par les radars situés sur les routes concernées ». Au total, les recettes devaient passer de 928 millions à 1,04 milliard d’euros. En y ajoutant les majorations après impayés, elles auraient pu atteindre 1,23 milliard d’euros. Un gain de presque 300 millions d’euros dont 26 millions devaient être redirigés vers la modernisation d’établissements de santé. Une somme non négligeable pour les finances publiques, mais avec le recul du gouvernement, ces chiffres ne tiennent plus, et se pose désormais la question des contraventions dressées depuis juillet 2018 : seront-elles annulées ? Si les associations d’automobilistes soutiennent que oui, la Sécurité routière, elle, dément pour l’instant.

Le coût de la réinstallation des panneaux

Du côté des collectivités, c’est le coût de la réinstallation des panneaux qui inquiète. Toutes ne sont pas logées à la même enseigne : la Dordogne est le département qui compte le plus de routes concernées (10.971 km), quand le Val-de-Marne n’en compte que six, et Paris, zéro. Depuis juillet dernier, les collectivités auraient dépensé 6 à 12 millions d’euros pour changer 20.000 panneaux (soit de 300 à 600 euros le panneau). Une somme à dépenser de nouveau pour revenir partiellement aux 90 km/h ? Ce serait ubuesque. Le Conseil départemental de la Haute-Garonne, qui a dépensé 15.000 euros pour 30 panneaux, a déjà annoncé son intention de demander à l’État un remboursement. Mais que la facture soit acquittée par la collectivité ou par l’État, au final, c’est toujours le contribuable qui paye.

D’ailleurs, du côté du conducteur-contribuable, il est difficile d’y voir clair : quid des contraventions par exemple ? Enfin, si la majorité des départements sont favorables à un retour aux 90 km/h, il n’y aura pas d’harmonisation sur le territoire. Sur une même route, on pourra donc trouver plusieurs limitations de vitesse car huit départements sont encore favorables au maintien des 80 km/h, dont l’Ille-et-Vilaine et ses 8.000 km de routes concernées. Bref, le flou règne et, avec son recul, le gouvernement rajoute de la complexité à une mesure qui était déjà, initialement, impopulaire. D’où une note de 4/10.