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Arrêtons l'hypocrisie sur l'inflation !

Loup y es-tu ? L'inflation est-elle là ou pas ? Pendant que les économistes débattent, les prix montent, montent, montent. L'Insee a beau dire que l'inflation en 2021 a été limitée à 2,8 %, on a du mal à y croire alors que les prix de l'énergie ont bondi de 18,6 %, ceux sur les produits frais de 3,3 %… D'autant plus que, chaque fois que l'Etat bloque des prix, cela minore de facto les chiffres d'inflation. Eurostat constate, de son côté, en France, une inflation en 2021 plus forte, à 3,4 %. Les Français seront sûrement heureux d'apprendre que, d'après l'Insee, les « dépenses de consommation en logement » ne comptent que pour 6,1 % à l'indice de prix et le carburant pour 4 %… A bon entendeur salut, l'inflation réelle sera mise sous le tapis… jusqu'en avril.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le lundi 31 janvier.

L'Insee prévoit une inflation en 2022 autour de 2,7 %. Mais Michel-Edouard Leclerc indique déjà que les augmentations des prix demandées pour 2022 par ses fournisseurs sont de 5 % sur l'alimentaire, 7 % sur le reste des produits. Les agriculteurs bio s'arrachent les cheveux car le cuivre qui permet de traiter leurs récoltes augmente, les prix à la pompe battent des records, dans le secteur du bâtiment c'est le prix du bois qui flambe et pour la presse et l'édition, celui du papier.

L'attentisme de la BCE

Le gouverneur de la Banque de France explique que la BCE est attentive à l'inflation et que tout sera fait pour la maintenir en dessous de 2 %. Las, cet objectif est déjà manqué pour 2021 puisque la zone euro a enregistré 5 %. Pour 2022, les prévisions de la BCE sont maintenant à 3,2 %… La Banque centrale européenne omet-elle qu'il faut remonter les taux directeurs si l'inflation commence à galoper ? La Fed a réaffirmé ces derniers jours qu'elle remonterait ses taux à 0,9 %, 1,6 % et 2,1 % d'ici à 2024 puis 2,5 % à long terme tout en réduisant drastiquement sa politique de rachats de dettes publiques.

Alors que fait la BCE ? Rien. Elle attend, elle ne touche pas à ses taux, elle annonce qu'elle va baisser le niveau de rachat de dettes publiques, mais elle ne semble pas prête à vraiment embrayer. Et si elle avait perdu son indépendance ? Ecartelée entre politique budgétaire et politique monétaire, notre banque centrale semble bloquée entre deux feux. Pile : la crise des dettes publiques qui peut venir de la remontée des taux ; face : la crise sociale issue de l'inflation non maîtrisée.

L'ardoise magique de l'inflation

Les Etats pensent-ils récupérer par l'inflation une partie de leur mise du « quoi qu'il en coûte » ? C'est un peu le discours qui émane du Trésor ces jours-ci : l'inflation faciliterait le désendettement et la consommation. Comment ? En ponctionnant, en silence, les Français grâce à l'inflation. Et le constat est déjà là : les recettes publiques ne sont jamais aussi bien rentrées qu'en 2021. Avec 44,9 % de taux de prélèvements obligatoires par rapport à la richesse nationale, nous sommes quasi revenus au taux de prélèvements obligatoires de 2017. Merci l'inflation ! Et la dette baisse mécaniquement par rapport au PIB et cela, sans avoir besoin de baisser les dépenses publiques ou d'augmenter les impôts. Merci l'inflation ! Après l'argent magique, l'ardoise magique de l'inflation ?

Les gouvernements de la zone euro, France en tête, sont-ils prêts à écraser les épargnants, les retraités, les TPE, les PME ? Ce serait un calcul cynique et dangereux avec un énorme risque de boomerang social. Car cet impôt déguisé qu'est l'inflation arrive en coup de grâce dans le pays qui taxe le plus et pèse au maximum sur les plus pauvres, qui vont avoir (et ont déjà) du mal à se chauffer, à faire le plein de leur voiture.

N'est-il pas temps de remonter les taux et de faire comprendre à nos candidats que tous les bla-bla sur le pouvoir d'achat ne servent à rien si on n'agit pas au niveau des causes ? Que les Français ne veulent pas être les plumés de l'histoire même si cela arrange Bercy à court terme ? Et que nul ne souhaite plonger maintenant dans une crise beaucoup plus grave ?