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Agences de l’État : des points de chute mieux payés pour hauts fonctionnaires?

Les agences de l’État sont au nombre de 792 selon les dernières données statistiques disponibles et nos propres calculs. En leur sein, on identifie 434 opérateurs de l’État, identifiés comme tels au sein des documents budgétaires. Or ces mêmes documents livrent des éléments complémentaires importants comme le total des 10 plus hautes rémunérations délivrées par ces entités. Leur nombre élevé permet d’offrir des postes aux hauts fonctionnaires (majoritairement de la FPE) en grand nombre, que les organigrammes nationaux ne suffiraient pas à absorber. Pour cela nous constatons que les salaires moyens mensuels délivrés correspondent bien à ceux identifiés par la DGAFP pour les catégories A+ (emplois supérieurs d’encadrement), mais qu'ils sont en moyenne plus élevé de 24%. Une logique que la récente annonce faite par Amelie de Montchalin de restructurer profondément 1/3 de ces entités devrait limiter singulièrement.

Les catégories A+, majoritairement, présentes dans la FPE, avec un salaire brut moyen de 5.804 € en 2022 :

Les catégories A+ sont composées au sein de la FPE de 3 catégories essentiellement : l’encadrement supérieur et les emplois de direction, les corps d’inspection, de contrôle et d’expertise, enfin les effectifs de l’enseignement supérieur, de la recherche et fonction assimilée. Au sein de la FPT, il s’agit des emplois de direction, d’encadrement supérieur et des médecins territoriaux. Enfin au sein de la FPH il s’agit des emplois de direction et de l’encadrement supérieur. Hors A+, les plus hautes rémunérations sont formées par les ingénieurs et cadres de l’aviation civile de la FPH, des praticiens hospitaliers dans la FPH ainsi que d’emplois rares ou très spécifiques. Les montants salariaux bruts et nets mensuels sont les suivants en 2022 :

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Source : DGAFP, rapport sur l’État de la fonction publique décembre 2024

Ces données peuvent être complétées par la rémunération moyenne des 10 plus hautes rémunérations au sein des 11 départements ministériels de l’État, ainsi que de 699 collectivités territoriales et EPIC (sur 733), ainsi que 101 établissements hospitaliers (sur 116) ayant communiqué leurs publications à la DGAFP avant le 31 août 2024. Pour les collectivités territoriales, il s’agit de celles de plus de 40.000 habitants.

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Source : DGAFP, rapport sur l’État de la fonction publique décembre 2024

L’ensemble de ces données sont livrées en EQTP. Il sera intéressant de les comparer aux données livrées par les opérateurs qui sont également dans leur extrême majorité des données salariales brutes annuelles. 

En outre, les effectifs des catégories A+ sont importants et concentrés dans la FP au sein de la FPE (86%) à cause du poids des membres de l’enseignement supérieur, recherche et assimilés (61%), contre 12% pour les postes d’encadrement supérieur, contre 6% dans la FPT et 4% dans la FPH.

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Source : DGAFP, rapport sur l’État de la fonction publique décembre 2024

Dans les opérateurs de l’État : 4.340 agents touchent en moyenne 7.198 € brut en 2022 :

Or dans les opérateurs de l’État, les salaires sont en moyenne encore plus élevés que ceux constatés dans les ministères pour les catégories A+. Ainsi les 4.340 agents (10 agents/opérateurs ayant les plus hautes rémunérations) ont perçu en moyenne une rémunération brute de 7.198,5€ en 2022 et de 6.693,5€ brut en 2023 (cette proportion plus basse s’expliquant par des effets multiples : prise en charge de ces rémunérations directement par les ministères, remplacement des cadres dirigeants, mise en extinction de structures, etc.). 

Sans atteindre le niveau des rémunérations mensuelles brutes moyennes de 16.799€ en 2022 des rémunérations sommitales des départements ministériels, elles sont alignées avec la rémunération moyenne des emplois d’encadrement supérieur de l’État strict, soit 7.190 euros en 2022 au sein de la FPE

Par ailleurs, en 2022, près de 71 opérateurs voyaient la rémunération brute moyenne des 10 plus hautes rémunérations versées en leur sein dépasser les 10.000 euros par mois.

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Source : « Jaune opérateurs » 2025, retraitement Fondation iFRAP avril 2025

La plus haute rémunération brute moyenne est versée par l’Opéra de Paris avec 20.042 € bruts/mois en moyenne, suivi par la Société des Grands Projets (ex-Grand Paris) avec 17.317 € bruts en moyenne. L’IFPEN (recherche sur les énergies nouvelles) suit avec en moyenne 16.842 € bruts, puis le CNES (études spatiales) avec 16.733 € bruts, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) avec 16.167 € bruts, la Comédie française avec 15.067 € bruts mensuels, l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (avec des primes liées à la localisation en pays étranger) avec 15.042€ bruts/mois et France Travail avec une rémunération brute moyenne comparable. L’ensemble de ces rémunérations sont comparables à celles versées en moyennes aux 10 plus hautes rémunérations au sein des départements ministériels ou sont voisines.

On comprend donc que les opérateurs permettent de démultiplier les postes à rémunération élevées pour les emplois de catégorie A+ de la FP et singulièrement dans la FPE. La classification des opérateurs permet d’ailleurs de montrer que pas moins de 2.180 emplois sont à priori détenus par des fonctionnaires liés à l’enseignement supérieur et à la recherche, ce qui représente 50,2% des meilleures rémunérations.

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Source : Jaune opérateur 2025 p.16.

Les 2.160 restants sont donc occupés par des profils relevant spécifiquement de l’encadrement supérieur de l’État ou des corps d’inspection et de contrôle, ce qui représente près de 8,6% de l’ensemble de ces effectifs. Les opérateurs apparaissent donc comme des « débouchés » importants permettant de « construire des carrières » de hauts fonctionnaires

Rappelons cependant qu’en bas de distribution seuls 84 opérateurs ont une moyenne des 10 plus hautes rémunérations plus basses que la moyenne des A+ de la FPE, et que 8 seulement présentent une rémunération moyenne brute mensuelle inférieure à 4.100 euros/mois.

La proposition d’Amélie de Montchalin de restructurer près de 1/3 d’entre eux :

La ministre des comptes publics a annoncé une réforme des opérateurs de l’État, hors éducation nationale, enseignement supérieur et recherche concernant donc 145 d’entre eux :

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Source : Jaune opérateur et annonces ministérielles en cours, calculs Fondation iFRAP avril 2025.

Il est question à ce stade, de fusions, de rebudgétisation (transformation en services à compétence nationale), de suppression, etc. Compte tenu des secteurs sanctuarisés et des opérateurs exclus, car considérés à priori comme régaliens, la ventilation pourrait être la suivante :

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Source : Jaune opérateur et annonces ministérielles en cours, calculs Fondation iFRAP avril 2025. Note de lecture : lorsque l’on passe par une présentation par mission et hors annonces complémentaires ministérielles, il faut faire des hypothèses sur les probabilités de modification en fonction des tutelles ministérielles. Cela aboutit à élargir le champ des opérateurs potentiellement restructurés, par rapport au suivi strict des annonces.

La réforme ne sera donc pas sans conséquence pour les hauts fonctionnaires et leurs rémunérations au sein des opérateurs, puisqu’elle touchera par construction 1/3 d’entre eux, avec possibilité de reclassement sans doute afin d’adoucir la réforme.


[1] En particulier les tableaux du fichier, rémunérations, niveau, données complémentaires 1

[2] En particuliers les tableaux effectifs, données complémentaires 1.