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Un point sur l'allocation chômage des députés

L'allocation d'assurance mutuelle différentielle et dégressive de retour à l'emploi des députés, fait régulièrement l'objet de critiques depuis 2007. Elle a pourtant pour but de permettre à ceux qui ne bénéficient pas de la protection qu'offre la fonction publique de se lancer malgré tout en politique. Une initiative essentielle quand on sait que la fonction publique est déjà surreprésentée à l'Assemblée nationale. Si les critiques contre l'allocation chômage des députés sont fondées à cause du manque de transparence autour du système, elles passent sous silence le fait qu'en termes de pourcentage de recouvrement de l'ancienne rémunération, elle est moins généreuse que l'allocation chômage du régime général : les deux premières années, les députés perçoivent en moyenne 65% (brut) contre 66,4% (net) pour les demandeurs d'emplois du régime général (25% contre 30%, la troisième année).

Qu'est exactement cette allocation chômage des députés ?

L'allocation d'assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l'emploi des députés est versée « aux députés non réélus à la recherche d'un emploi, ce qui exclut les fonctionnaires et tous ceux qui ont retrouvé un emploi ». À noter que l'emploi du terme « non réélus » englobe à la fois les députés battus et ceux qui ne se représentent pas à leur siège. Ces députés issus du privé, de moins de 60 ans (moins de 62 ans à partir de 2016) qui quittent l'Assemblée sans garantie d'emploi sont pourtant très peu nombreux : suite aux élections 2007, il n'y en avait qu'une trentaine (qui étaient deux en 2009) et à peine 11 suite aux élections 2012.

L'allocation chômage des députés présente cependant quelques particularités dont pourraient s'inspirer le régime général :

  • L'allocation est dégressive et la durée de versement est limitée à 6 semestres (3 ans) au maximum : montant égal à 100% de l'indemnité de base pour le 1er semestre, puis 70% le 2d semestre, 50% le 3e semestre, 40% le 4e semestre, 30% le 5e semestre et 20% le 6e semestre.
  • L'allocation est différentielle et prend en compte tous les revenus du demandeur : ainsi sont déduits de son montant tous les revenus que peut percevoir l'ancien député (indemnisation d'élu local, rente, immobilier…).

Enfin, l'allocation est financée par les cotisations versées chaque mois par tous les députés en exercice (27,57 euros) dans un fonds de Solidarité dont la gestion administrative a été confiée à la Caisse des dépôts et consignations depuis 2012. Sur une législature, 945.473,4 euros sont ainsi cotisés sur les rémunérations des députés (financés sur fonds publics) au titre de l'allocation chômage des députés.

D'où viennent alors les critiques contre l'allocation chômage des députés ?

Principalement du fait que son montant serait trop élevé. En effet, sans autre revenu, pendant 3 ans, un député issu du privé au « chômage » peut toucher 102.574,86 euros au total. Mais si l'allocation chômage des députés est aussi élevée, c'est uniquement parce que l'indemnisation de base des députés en exercice est élevée puisqu'en termes de pourcentage de recouvrement, les députés issus du privé au « chômage » touchent moins qu'un demandeur d'emploi du régime général (en moyenne 65% contre 66,4%, les deux premières années, 25% contre 30% la troisième année – Voir tableau). Pour rappel, l'indemnité de base d'un député est de 5.514,68 euros. Une somme à laquelle s'ajoutent l'indemnité de résidence (165,44 euros) et l'indemnité de fonction (1.420,03 euros) pour un brut mensuel de 7.100,15 euros.

La durée de cotisation est aussi plus longue pour un député que pour un salarié issu du régime général. Avec un taux de cotisation beaucoup plus bas (0,49% contre 4% pour un salarié) un député cotise, au titre d'une « assurance chômage », en 8 mois ce qu'un salarié du régime général cotise en un mois. Et l'ouverture des droits se déclenche au bout de seulement 4 mois dans le régime général contre une période de cotisation de 5 ans à l'Assemblée. Au final, un député issus du privé doit cotiser 29,4% (0,49 pendant 60 mois) de sa rémunération de base pour déclencher ses droits contre 16% (4% pendant 4 mois) pour un salarié du privé.

Comparaison des régimes d'allocation d'assurance chômage des députés et du régime général :

Ainsi, si l'allocation chômage des députés est généreuse… elle l'est moins que l'allocation chômage du régime général qui se caractérise par une durée de cotisation avant l'ouverture des droits très courte (seulement 4 mois) et un taux de recouvrement de l'ancienne rémunération de 57,4 à 75% pendant 2 ans, suivi à la troisième année pour les demandeurs d'emploi de moins de 50 ans, par un passage vers l'allocation de solidarité spécifique (ASS) dont le recouvrement moyen est de 30% de l'ancienne rémunération selon l'OCDE.

Le système est généreux, non pas en pourcentage de recouvrement de l'ancien salaire qui reste dans la moyenne européenne, mais en termes de durée de versement, très longue en France :

  • La durée de versement des indemnités est de 3 ans pour les députés et 2 ans pour les salariés du privé avant d'être transféré vers l'allocation de solidarité spécifique (ASS), alors que la durée d'indemnisation de l'assurance chômage est de 6 mois au Royaume-Uni, entre 6 et 24 mois en Allemagne et 12 mois en Italie.

L'exemple britannique

À noter qu'au Royaume-Uni, suite aux dénonciations de l'opinion publique fin 2007 sur l'allocation chômage des députés britanniques, la durée d'indemnisation pour un salarié et pour un député est désormais la même : 6 mois. Avant, chaque député percevait une indemnisation (« ressettlement payments ») permettant aux anciens députés de percevoir une indemnisation égale à 100% de leur ancienne rémunération pendant un an mais le Parlement a énoncé de nouvelles règles, entrées en application dès 2010. Désormais, l'indemnité n'est versée qu'aux députés ayant quitté leur siège suite à une élection perdue (et non pas, comme en France, à un député « non réélu », c'est-à-dire battu ou ne se représentant pas) et selon la règle suivante : 1 année de travail parlementaire donne droit au versement d'une indemnisation mensuelle égale à l'ancienne rémunération. Le versement est également plafonné à 6 mois et à 33.000 livres sterling.

Mais les britanniques vont encore plus loin puisqu'ils comptent baisser, dès 2015, le montant de l'indemnisation des députés perdants à 17% de l'ancienne rémunération annuelle et d'exclure catégoriquement du système d'indemnisation les députés démissionnaires. L'économie pour le contribuable de cette mesure a été calculée à 1,07 million de livres sterling en 2020. Ce système de réintégration des députés dans l'emploi efficace est permis au Royaume-Uni par l'absence de distinction public/privé sur les bancs de Westminster, les députés devant démissionner de la fonction publique avant de prendre leur siège et ne bénéficiant, de toute manière pas, de l'emploi à vie. Les anciens députés qui souhaitent réintégrer la fonction publique doivent alors suivre le même circuit d'embauche que les salariés du privé.

En France, l'introduction de l'allocation chômage des députés issus du privé vient d'un souci d'équité mais le système mis en place recrée les déséquilibres de l'assurance chômage générale (trop généreux, trop longtemps et donc pas assez incitatif). Cette allocation chômage des députés n'est donc qu'une réponse très partielle au problème de la surreprésentation de la fonction publique au Parlement.

Les propositions de la Fondation iFRAP

  • Un agent public qui souhaite se présenter à une élection législative doit démissionner de la fonction publique.
  • La période d'indemnisation chômage des députés doit être égale à 2 ans comme pour l'allocation chômage du régime général.
  • L'allocation d'assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l'emploi doit être réservée uniquement aux députés battus à une élection législative et non à ceux qui ont choisi de ne pas se présenter, comme au Royaume-Uni.